Les ventes d'armes de la France ne peuvent plus être passées sous silence ; le sort de populations civiles en dépend. Raison pour laquelle nous lançon la campagne « Silence on arme ». Entretien.

La France vend des armes à des pays tels que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis ou encore l’Égypte, avec le risque extrêmement élevé qu’elles soient utilisées contre des civils, dans le cadre du conflit au Yémen pour les premiers, ou dans un contexte de violentes répressions internes pour le dernier.
Se dissimulant depuis derrière un mur d’opacité et ne rendant de compte à personne, la France poursuit aujourd’hui ses ventes irresponsables, en violation flagrante de ses engagements internationaux. Trois questions à Aymeric Elluin et Sarah Roussel, nos chargés de projets, pour mieux comprendre les enjeux.
Pourquoi lancer cette campagne ?
Aymeric Elluin : Amnesty International lutte pour que le droit international, garant du respect des droits humains, soit appliqué et respecté. Après plusieurs années de mobilisation pour que le Traité sur le commerce des armes soit ratifié, la seconde étape désormais est d'avoir la garantie que les pays respectent leurs engagements. En France, ce n'est clairement pas le cas, et nous ne cessons d'alerter sur les risques de certains transferts d'équipement militaires. La campagne « Silence, on arme ! » a pour objectif de sensibiliser et de mobiliser les citoyens français autour de ce sujet crucial. Mais aussi de faire bouger les lignes politiques en mobilisant les parlementaires, grands absents du débat. Secteur pourvoyeur d’emplois et de richesses, l’armement est curieusement un sujet tabou pour les parlementaires. Ceux qui sont les garants indispensables du débat démocratique, se sont longtemps désintéressés des ventes d’armes de la France, il est temps que cela change !
Sarah Roussel : La France est depuis trop longtemps ambiguë sur ses ventes d'armes. Elle maintient haut et fort qu'elle respecte ses engagements internationaux, tout en les bafouant ouvertement. Récemment, face à la mobilisation de la société civile, les autorités françaises se sont enfoncées délibérément dans le mensonge sur leurs ventes d'armes. Nous sommes maintenant dans un moment clé pour que la France fasse enfin le choix de la responsabilité. Nous continuerons de nous mobiliser tant que des ventes irresponsables, qui mettent des vies humaines en danger, sont en jeu.
Contrôle, transparence, débat démocratique : est-ce suffisant pour que la France cesse ses ventes d'armes irresponsables ?
SR : Aujourd'hui, même si le sujet devient de plus en plus visible, grâce notamment à l'action de la société civile, les autorités ne rendent aucun compte sur leurs exportations d'armes. Impossible de savoir quels types de matériels militaires ont été livrés, en quelle quantité, à qui, pour quel usage, quels contrats ont été conclus et à quel moment, si le processus de contrôle a bien été appliqué, etc. Et même si la France produit chaque année un rapport au Parlement, les données qu'on y retrouve sont trop peu précises pour qu'elles puissent être questionnées. Alors oui, une transparence de la part du gouvernement, un vrai contrôle efficient par le Parlement, instance de représentation démocratique, sont indispensables pour s'assurer que les transferts d'armes réalisés par la France sont bien légaux.
AE : Le commerce des armes n'est pas un commerce comme les autres. Il s'agit d'un commerce qui met des milliers de vies humaines en jeu. Il doit être soumis à un débat public, d'autant plus que les armes françaises sont vendues au nom des citoyens. Il ne peut pas se faire en catimini, sous couvert de « secret défense ». Quand la France rendra réellement des comptes sur ses ventes d'armes et les soumettra au contrôle du Parlement, ce sera effectivement une très grande victoire pour le respect des droits humains.
Comment allez-vous mobiliser l'opinion publique pendant ces deux années ?
AE : Dans le prolongement de notre action de ces dernières années, nous allons demander aux parlementaires de se saisir du sujet pour réclamer plus de contrôle. Plusieurs parlementaires ont déjà pris cette voie et nous espérons qu'ils soient de plus en plus nombreux. Les ventes d’armes sont l’affaire de tous ! Le gouvernement ne peut continuer à s’enfermer dans l’hypocrisie, en déclarant respecter ses engagements et en les bafouant en même temps. Les parlementaires ont le pouvoir mais aussi le devoir d’exiger du gouvernement une véritable transparence et des instances de contrôle démocratique.
SR : En parallèle, une grande partie de notre travail pendant deux ans consistera à sensibiliser, informer et alerter l'opinion publique. Résultats de plusieurs années d'omerta, trop peu de français encore sont informés sur les enjeux des ventes d'armes françaises, au-delà des intérêts économiques surtout, sur le fait que des engagements internationaux ont été pris et qu’un vrai contrôle démocratique est possible. La France ne peut continuer à vendre des armes de manière irresponsable et à violer ses engagements internationaux au nom de tous.
INTERPELLEZ EMMANUEL MACRON
Pour que cessent les ventes illégales d'armes, exigeons plus de contrôle et de transparence de la part de notre gouvernement.