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Émirats Arabes Unis
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains aux Émirats Arabes Unis en 2024.
Les autorités ont continué de sanctionner pénalement l’exercice des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Elles ont jugé 57 manifestants pacifiques bangladais et 78 dissidents émiriens lors de procès collectifs iniques, à l’issue desquels des condamnations et de longues peines d’emprisonnement ont été prononcées. L’expression de la solidarité envers le peuple palestinien a été réprimée. La production de combustibles fossiles a augmenté. Les travailleuses et travailleurs migrants ont été touchés de façon disproportionnée par l’épidémie de dengue causée par les inondations.
CONTEXTE
Les Émirats arabes unis ont conservé des relations économiques fortes avec Israël dans le contexte du conflit armé à Gaza, mais ont cessé d’annoncer de façon médiatique leurs nouveaux accords commerciaux conjoints avec cet État.
Le flambeau de la présidence de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques est passé du directeur général de la compagnie pétrolière nationale, l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), au nouveau pays hôte, l’Azerbaïdjan.
En avril, des pluies torrentielles d’une rare ampleur ont entraîné un niveau record de précipitations et des inondations dans plusieurs villes.
LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE
Les autorités ont procédé à des arrestations de masse et organisé de manière expéditive le procès collectif de 57 Bangladais qui avaient manifesté pacifiquement le 19 juillet dans plusieurs villes du pays pour dénoncer les actions de leur gouvernement. Le 20 juillet, le parquet a annoncé qu’il enquêtait sur ces manifestations en tant qu’infractions pénales. Le 21 juillet, la Cour d’appel fédérale, qui siège à Abou Dhabi, a condamné trois des protestataires à la réclusion à perpétuité et les 54 autres à une peine de 10 ou 11 ans d’emprisonnement.
Selon l’agence de presse émirienne, les accusés ont « avoué » avoir pris part à « un rassemblement dans un lieu public dans le but de provoquer des émeutes et nuire à l’ordre public » et avoir « appelé et incité à de tels rassemblements et manifestations ». Les images de ces manifestations, prises dans plusieurs endroits, qu’ont pu examiner Amnesty International et Human Rights Watch ne mettaient en évidence aucune violence de la part des manifestants et montraient uniquement des rassemblements pacifiques où les personnes présentes défilaient en scandant des slogans.
Le 3 septembre, l’agence de presse nationale a annoncé que le chef de l’État, Mohammed ben Zayed al Nahyane, avait gracié les Bangladais qui s’étaient « réunis pour provoquer des émeutes » et avait ordonné l’annulation de leur condamnation et leur renvoi au Bangladesh.
PROCÈS INÉQUITABLES
Le procès collectif de 78 dissidents émiriens, dont la grande majorité étaient emprisonnés depuis 2013 et avaient été précédemment déclarés coupables à l’issue d’un autre procès collectif, s’est conclu en juillet par la condamnation de 53 accusés à de nouvelles peines de prison. La réclusion à perpétuité a été prononcée pour 43 d’entre eux.
La procédure s’est déroulée dans un grand secret. Aucun document judiciaire, y compris l’acte d’accusation et le jugement, n’a été rendu public. Un avocat émirien présent au procès a expliqué que les autorités avaient interdit à l’ensemble des avocat·e·s travaillant sur le dossier de partager les documents judiciaires avec qui que ce soit, y compris leurs clients. Les autorités ont empêché les avocat·e·s de la défense d’avoir une copie du jugement, qui n’était consultable que dans des bureaux de l’administration. Les accusés et leurs familles n’ont pas été autorisés à communiquer pendant le procès et les familles n’ont pas eu le droit d’entrer dans la salle d’audience. Seuls les journalistes travaillant pour l’agence de presse nationale ont pu y accéder pour couvrir le procès.
Le procès collectif des 57 Bangladais condamnés pour avoir manifesté était aussi d’une iniquité flagrante. Il s’est déroulé sur moins de 24 heures, avec un seul avocat commis d’office à la défense.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Dans le cadre du procès collectif des dissidents émiriens, les autorités ont eu recours au placement à l’isolement prolongé en tant que moyen de coercition et de sanction contre certains détenus. Lors des audiences fin 2023 et début 2024, plusieurs accusés, dont le prisonnier d’opinion Salim al Shehhi, ont déclaré au tribunal que les autorités les avaient maintenus en détention à l’isolement pendant des mois pour les pousser à faire des « aveux ».
LIBERTÉ D'EXPRESSION
Les Émirats arabes unis continuaient de sanctionner pénalement l’exercice du droit à la liberté d’expression et ont utilisé un arsenal de lois pour punir les personnes qui critiquaient, réellement ou supposément, le gouvernement.
En avril, les autorités ont expulsé des Émirats un professeur palestinien qui travaillait sur le campus de l’université de New York (NYU) à Abou Dhabi en raison de ses opinions politiques, dont il avait fait part à des collègues de l’université. En mai, elles ont arrêté et placé en détention un étudiant étranger qui avait crié « Palestine libre ! » lors de la remise des diplômes de la NYU, puis l’ont renvoyé dans son pays. Le conseil d’administration de la NYU a refusé à des étudiant·e·s et à la faculté l’autorisation d’organiser des événements en lien avec la Palestine, a réprimé l’expression de la solidarité envers le peuple palestinien lors de la remise des diplômes et a averti le personnel que des sanctions seraient prononcées, en vertu du droit émirien, en cas de critique envers l’administration de l’université.
Le parquet fédéral a annoncé le 2 août que, sur la base de nouveaux « aveux », il avait engagé une nouvelle enquête pénale contre des Émiriens en exil soupçonnés de « communication directe avec des organisations internationales de défense des droits humains », entre autres « infractions ».
TRANSFERTS D'ARMES IRRESPONSABLES
Amnesty International a découvert de nouvelles images montrant que des véhicules blindés de transport de troupes fabriqués par les Émirats arabes unis étaient utilisés par les Forces d’appui rapide soudanaises, qui commettaient des crimes de guerre, notamment des attaques motivées par l’appartenance ethnique à l’encontre de populations civiles.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
Loin de mettre en place des mesures visant à l’abandon progressif des combustibles fossiles, les Émirats arabes unis ont continué d’accroître leurs capacités de production de pétrole au travers de l’ADNOC et d’inciter l’Organisation des pays exportateurs de pétrole à autoriser davantage d’exportations émiriennes. Il était prévu que l’expansion de ces capacités se poursuive jusqu’en 2027. L’outil Climate Action Tracker considérait les politiques et mesures climatiques des Émirats arabes unis comme « insuffisantes » face à la menace d’un changement climatique catastrophique, et notait que malgré des progrès, les plans du pays s’agissant de la réduction des émissions reposaient fortement sur la capture et le stockage du carbone, ce qui mettait en doute la crédibilité de l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050.
Un rapport publié en juin par l’ONG Global Witness a confirmé que l’équipe émirienne de la COP avait cherché à négocier des contrats en matière de combustibles fossiles pour l’ADNOC tout en accueillant la conférence sur le climat en 2023.
L’approche du gouvernement émirien en matière de financement climatique consistait à encourager le capital privé à investir dans des projets d’adaptation climatique dans les pays à revenu faible, afin d’engendrer un retour rentable pour les investisseurs.
DROITS DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS MIGRANTS
Les inondations intervenues en avril ont provoqué une épidémie de dengue. Selon une enquête réalisée en juillet par l’organisation de défense des droits humains FairSquare, cette épidémie a touché de façon disproportionnée les travailleuses et travailleurs migrants, qui ont aussi rencontré beaucoup de difficultés pour accéder à des informations et des soins de santé adéquats. FairSquare a montré que, bien que les routes principales aient été nettoyées par les autorités, des eaux stagnantes favorisant la propagation de la dengue étaient restées pendant des mois dans les zones industrielles où ces personnes vivaient et travaillaient.

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