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URGENCE GAZA

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

Syrie, manifestation suite attaques communauté alaouite
Manifestations à la suite des attaques violentes contre la communauté alaouite dans l'ouest du pays, 11 mars 2025, Syrie. © Delil Souleiman, AFP via Getty Images

Enlevées et mariées de force : en Syrie, le calvaire des femmes et filles alaouites 

Enlevées, séquestrées, mariées de force… En Syrie, les femmes et les filles issues de la communauté alaouite vivent un véritable cauchemar. Les autorités syriennes doivent agir rapidement pour retrouver les personnes portées disparues et traduire les auteurs de ces enlèvements en justice. 

Depuis la chute du président Bachar al-Assad, les attaques contre les membres de la communauté alaouite se multiplient dans le pays. D’après nos informations, entre février et juillet, au moins 36 femmes et filles alaouites ont été enlevées et séquestrées dans les gouvernorats de Lattaquié, Tartous, Homs et Hama.  

Malgré la mobilisation des familles, aucune enquête réellement efficace n’est entreprise par les autorités pour retrouver les personnes captives, poursuivre les responsables de ces enlèvements en justice et soutenir les familles. Le 27 juin, la Commission d’enquête des Nations unies sur la Syrie a déclaré l’ouverture d’enquêtes. 

Enlevées en plein jour  

Elles sont âgées de 3 à 40 ans. Toutes ont été enlevées en plein jour, parfois sous les yeux de leur famille ou au sein même de leur maison. Un proche raconte ainsi avoir perdu de vue une parente un court instant, avant qu’elle ne soit enlevée. 

Dans les gouvernorats touchés, c’est un véritable climat de peur qui s’est installé, au sein de la communauté alaouite mais également pour l’ensemble des femmes et des filles. Aller à l’école, à l’université ou au travail est devenu un calvaire.  

« Toutes les femmes sont en état d’alerte maximale. Nous ne pouvons pas prendre un taxi seules, marcher seules ou faire quoi que ce soit sans avoir peur. »   

Une militante qui s’est récemment rendue dans la région côtière de la Syrie  

Rançonnées et mariées de force 

« N’essayez pas de la chercher » : informée de l’enlèvement par appels téléphoniques ou via des messages vocaux laissés par les ravisseurs, les familles sont dissuadées d’entreprendre toute recherche de leur proche.  

Dans plusieurs cas, les enlèvements sont accompagnés de demandes de rançons pouvant aller jusqu’à 14 000 dollars américains. Les rares familles en mesure de payer cette somme n’ont aucune garantie de revoir un jour leur parente.   

Durant leur captivité, ces femmes et ces filles subissent des violences inouïes. Les informations que nous avons pu recueillir prouvent des signes de violence physique exercée à l’encontre de l’une des personnes captives.  

Au moins trois personnes enlevées sur lesquelles nous avons pu enquêter auraient été soumises à un mariage forcé par le ravisseur, parmi lesquelles au moins une mineure. Certaines femmes déjà mariées, quant à elles, ont été contraintes de divorcer sous la menace. Celles qui s’y refusent s’exposent à des violences supplémentaires. 

Un proche d’une personne disparue explique ainsi : « Trois jours après sa disparition, la famille a reçu des messages vocaux provenant d’un numéro étranger. C’était elle. Elle disait : « Je vais bien [...] Ne vous inquiétez pas pour moi [...] Il ne m’a pas fait de mal, mais il m’a épousée. Il m’a dit que je ne pouvais pas repartir... »    

Qu’est-ce que le mariage forcé ?  

Le mariage forcé est une violation des droits humains qui peut exposer la femme ou la fille à toute une série d’autres méfaits, notamment d’autres formes de violence sexuelle, d’autres formes de violence physique et d’autres mauvais traitements.  

Les familles laissées pour compte  

Malgré le signalement des disparitions auprès des autorités, les familles sont laissées à l’abandon sans aucune information sur l’état d’avancement de l’enquête. Pire, certaines familles sont tenues responsables des enlèvements par la police. Deux familles sur les huit cas que nous avons étudiés déclarent ainsi avoir été accusées de négligence pour avoir autorisé leurs parentes à sortir faire des courses dans la journée. 

Pour la moitié des cas étudiés, la police aurait même écarté des pistes et des éléments de preuve concrets fournis par les familles, malgré leur fiabilité patente. Dans certains cas de demande de rançon, la police a été informée de tous les appels téléphoniques, numéros et communications, voire des noms des personnes à qui les paiements devaient être transférés, mais visiblement aucune mesure n’a été prise par les forces de l’ordre.   

Dans les cas où la personne a été libérée, les membres de la famille ont parfois cessé de communiquer à leur sujet par crainte de représailles de la part des ravisseurs qui n’avaient pas été arrêtés, ou des autorités qui avaient ordonné aux familles de se taire et aux victimes de nier l’enlèvement. 

A ce jour, seules deux des huit victimes d’enlèvement pour lesquelles nous avons pu recueillir des informations détaillées ont pu retrouver leur famille. Nous n’avons pas connaissance d’arrestations, d’inculpations ou de poursuite engagées contre l’un des responsables des huit enlèvements et séquestrations. Par ailleurs, sur l’ensemble des 36 cas d’enlèvement identifiés dans les gouvernorats de Lattaquié, Tartous, Homs et Hama seules 14 femmes et filles ont été libérées. Le sort des autres et le lieu où elles se trouvent demeure inconnu.   

 

Ce que nous demandons  

En mai dernier, nous avons évoqué la question des enlèvements de femmes et de filles alaouites lors d’une réunion avec le ministre syrien de l’Intérieur, à Damas.  Ce dernier a déclaré qu’il avait ordonné aux autorités compétentes d’enquêter.   

Le 13 juillet, nous avons écrit au ministre pour lui faire part de nos premières conclusions et lui demander des informations sur les mesures adoptées par les autorités. Au moment de la publication de cette enquête, nous n’avions reçu aucune réponse.  

« Les autorités syriennes ont promis à maintes reprises de bâtir une Syrie pour tous les Syriens et Syriennes, mais elles ne font pas le nécessaire pour mettre fin aux enlèvements et à la séquestration de femmes et de filles […] ni pour poursuivre les responsables. La communauté alaouite, déjà dévastée par les massacres qui ont eu lieu, est profondément ébranlée par cette vague d’enlèvements. » 

Agnès Callamard, la secrétaire générale d’Amnesty International. 

Toutes les femmes en Syrie doivent pouvoir vivre sans avoir à craindre la violence, la discrimination et la persécution. Les autorités syriennes ont la responsabilité juridique et morale d’agir pour empêcher et punir les violences fondées sur le genre ciblées à l’encontre de la communauté alaouite. Tout manquement à cet égard constitue une violation des droits humains.  

C’est pourquoi nous appelons les autorités syriennes à agir rapidement et de manière transparente pour :  

  • Mener des enquêtes approfondies et impartiales sur les cas d’enlèvement et de séquestration de femmes et de filles alaouites 

  • Traduire les auteurs de ces actes en justice  

  • Fournir aux familles touchées des informations fiables et un soutien adéquat 

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