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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

© Rob Stothard/Getty Images

© Rob Stothard/Getty Images

France

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en France en 2023.

Le racisme systémique et la discrimination religieuse, notamment à l’égard des femmes et des jeunes filles musulmanes, ont persisté. La pratique du profilage ethnique s’est poursuivie, en toute impunité. Cette année encore, des manifestations ont fait l’objet de restrictions excessives et la police a eu recours à la force de façon injustifiée. La mort d’un adolescent de 17 ans d’origine algérienne, tué par un policier lors d’un contrôle routier, a déclenché des troubles et des manifestations de grande ampleur. De nombreux actes de vandalisme et violences à caractère raciste, xénophobe ou anti- LGBTI ont été signalés. Le Parlement a adopté de nouvelles lois très controversées autorisant l’usage de technologies de vidéosurveillance de masse par les forces de l’ordre et introduisant des restrictions discriminatoires en matière d’immigration, de nationalité et d’asile.

DISCRIMINATION

Le gouvernement a présenté en janvier son Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. Cette stratégie portant sur une période de quatre ans ne répondait pas au racisme institutionnel et systémique, ni même ne reconnaissait son existence.

En juin, le HCDH a demandé au gouvernement français de « s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination parmi les forces de l’ordre ». Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] a appelé la France à « s’attaquer en priorité aux causes structurelles et systémiques de la discrimination raciale, y compris dans l’application de la loi, en particulier dans la police ».

Le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative du pays, a reconnu en octobre l’existence d’une pratique des contrôles d’identité discriminatoires à l’égard des hommes et des jeunes gens noirs ou arabes, mais n’a pas proposé de mesures pour y mettre fin.

Des attaques à caractère raciste ont eu lieu toute l’année contre des mosquées, des synagogues et des cimetières ; dans bien des cas, les lieux ont été vandalisés et couverts d’inscriptions racistes et de messages en faveur de groupes politiques extrémistes. Les cas se sont multipliés à la suite de la flambée de violence en Israël et dans la bande de Gaza occupée ; des bâtiments scolaires et des murs ont notamment été maculés d’inscriptions nazies ou antisémites.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU] s’est déclaré préoccupé par la persistance de stéréotypes discriminatoires ainsi que d’un taux de chômage élevé chez les femmes migrantes sans papier, les femmes appartenant à des minorités ethniques ou religieuses, les femmes en situation de handicap et les femmes âgées.

FEMMES ET FILLES MUSULMANES

Ignorant la recommandation du rapporteur public, le Conseil d’État a jugé que la Fédération française de football pouvait maintenir sa politique discriminatoire interdisant de fait aux joueuses musulmanes portant un couvre-chef religieux de participer à des matchs en compétition. En octobre, 69 équipes ont demandé l’abrogation de l’interdiction discriminatoire de participation à des compétitions officielles qu’imposait la Fédération française de basketball aux joueuses portant un couvre-chef religieux.

Dans un entretien donné en septembre, la ministre des Sports a déclaré que les femmes portant un couvre-chef religieux ne pourraient pas représenter la France aux Jeux olympiques de Paris en 2024. Une porte-parole du HCDH a déclaré que personne ne devrait imposer à une femme ce qu’elle doit porter ou non, et a mis en garde contre les conséquences néfastes de ces pratiques discriminatoires.

En août, le ministre de l’Éducation nationale a adressé à tous les chefs d’établissement une circulaire interdisant le port de l’abaya et du qamis dans tous les établissements scolaires publics. La circulaire ne donnait pas la définition de ces termes, alors qu’ils pouvaient s’appliquer à tout un éventail de vêtements amples. La police a été déployée devant certains établissements et, une semaine après l’interdiction, des dizaines de jeunes filles musulmanes s’étaient vu refuser l’accès à leur établissement scolaire, en violation de leurs droits à l’éducation et à la non-discrimination.

PERSONNES LGBTI

Des organisations de défense des personnes LGBTI ont signalé une hausse des violences anti-LGBTI, notamment des attaques et des actes de vandalisme contre des centres d’accueil en métropole et en outre-mer.

ATTAQUES ET HOMICIDES ILLÉGAUX

Le cadre juridique français réglementant l’usage de la force meurtrière et des armes à feu par les responsables de l’application des lois n’était pas conforme aux dispositions du droit international relatif aux droits humains et aux normes en la matière.

En juin, lors d’un contrôle routier, un policier a tiré sur un adolescent de 17 ans d’origine algérienne, Nahel M., qui a été mortellement touché. Cet homicide illégal a suscité une vague d’indignation quant à l’usage de la force meurtrière par les forces de l’ordre en France, à l’impunité dont jouissaient leurs membres et au racisme systémique à l’œuvre dans le maintien de l’ordre. L’événement a été le déclencheur de manifestations et de troubles de grande ampleur. Dans certaines zones, l’armée a été déployée aux côtés des forces de l’ordre.

Au moins 32 enquêtes ont été ouvertes sur des cas présumés d’usage excessif de la force par des membres des forces de l’ordre lors des troubles et manifestations qui ont fait suite à la mort de l’adolescent. Un chauffeur- livreur, Mohamed Bendriss, a été tué, et des dizaines d’autres personnes ont été grièvement blessées (dont certaines mutilées à vie) à la suite de l’usage d’armes à létalité réduite.

En l’absence d’avancée dans ce dossier, justice n’avait toujours pas été rendue pour la mort de Zineb Redouane, une Algérienne tuée par une grenade de gaz lacrymogène tirée par un policier lors d’une manifestation se déroulant devant son immeuble, en décembre 2018.

LIBERTÉ DE RÉUNION

Les autorités ont imposé à de nombreuses reprises des restrictions excessives, disproportionnées et illégitimes du droit de manifester. Un grand nombre de manifestant·e·s ont été arrêtés, ont reçu une amende ou encore se sont vu confisquer des équipements de sécurité, banderoles, haut- parleurs, casseroles et autres ustensiles, de façon tout à fait arbitraire.

Invoquant des risques de « troubles à l’ordre public », les autorités locales ont dans bien des cas interdit la tenue de manifestations sans examiner d’autres moyens de faire en sorte que les rassemblements se déroulent de manière pacifique. En avril, le tribunal administratif de Paris a ordonné la suspension du dernier d’une série d’arrêtés imposant une interdiction générale de manifester. Le tribunal a considéré que cet arrêté portait « une atteinte manifestement illégale à la liberté de manifester » et que l’interdiction ne paraissait « ni nécessaire ni proportionnée à la préservation de l’ordre public ».

En juillet, le tribunal administratif de Cergy- Pontoise a maintenu l’interdiction, au nom de l’« ordre public », de la tenue d’un rassemblement prévu à l’occasion de l’anniversaire de la mort en détention d’Adama Traoré. La police a violemment interpellé plusieurs personnes, dont Youssouf Traoré, le frère d’Adama. Le tribunal a maintenu l’interdiction d’un autre rassemblement organisé un peu plus tard pour protester contre les violences policières et le racisme systémique au sein de la police, invoquant là encore le risque de troubles à l’ordre public dans le contexte des troubles ayant suivi l’homicide de Nahel M.

En octobre, le ministre de l’Intérieur a adressé un message aux préfets leur demandant d’interdire toute manifestation organisée en solidarité avec la Palestine, ce qui constituait une atteinte disproportionnée et discriminatoire au droit de réunion pacifique. Saisi, le Conseil d’État a statué que les préfets devaient apprécier au cas par cas les risques de troubles à l’ordre public.

La force, notamment le matraquage aveugle, a souvent été utilisée en premier recours pour disperser des manifestations. La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a fait part en mars de ses préoccupations concernant l’usage excessif de la force et les arrestations et placements en détention arbitraires de manifestant·e·s et de passant·e·s.

Le rapporteur spécial sur la protection des défenseurs de l’environnement au titre de la Convention d’Aarhus [ONU] a condamné l’intervention « disproportionnée » des forces de l’ordre lors d’une manifestation écologiste à Sainte- Soline, intervention qui avait fait de nombreux blessés parmi les personnes présentes. Un manifestant a dû recevoir des soins neurologiques après avoir été placé en coma artificiel pendant un mois et avoir passé six semaines en soins intensifs.

En juin, des expert·e·s de l’ONU spécialisés dans les droits humains ont fait part de leur inquiétude concernant l’usage excessif de la force contre des manifestant·e·s, des journalistes et des passant·e·s lors de manifestations contre la réforme des retraites ou pour le climat, dénonçant notamment l’usage de grenades de désencerclement et de gaz lacrymogène, ainsi que des tirs de balles en caoutchouc depuis des véhicules en mouvement.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe s’est alarmée des blessures infligées à des manifestant·e·s et a engagé les autorités à réformer les mécanismes d’obligation de rendre des comptes pour les responsables de l’application des lois.

La Cour européenne des droits de l’homme a ouvert une procédure pour acte de torture ou traitement inhumain à la suite des allégations formulées par Laurent Théron, qui avait perdu un œil après avoir été touché par une grenade de désencerclement lancée par un policier lors d’une manifestation en 2016.

À Mayotte, des membres des forces de l’ordre ont tiré illégalement à balles réelles vers le sol pour disperser des manifestant·e·s lors de mouvements de protestation et de troubles liés à l’expulsion de migrant·e·s en situation irrégulière.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

Faisant valoir la nécessité de respecter le droit à la liberté d’association, le Conseil d’État a annulé la mesure de dissolution du mouvement militant écologiste des Soulèvements de la terre prise par le gouvernement. Le ministre de l’Intérieur avait qualifié les membres de ce groupe d’« écoterroristes ».

Entendu en avril par une commission parlementaire après que la Ligue des droits de l’homme eut dénoncé un usage excessif de la force par les responsables de l’application des lois, le ministre de l’Intérieur a laissé entendre qu’il conviendrait de se pencher sur la question des subventions allouées à cette association.

SURVEILLANCE DE MASSE

En préparation des Jeux olympiques prévus à Paris en 2024, le Parlement a adopté une nouvelle loi autorisant l’usage par les forces de l’ordre de technologies de vidéosurveillance de masse assistée par intelligence artificielle. Après les multiples protestations de la société civile, qui a soulevé la question de possibles atteintes au droit au respect de la vie privée et au principe de non-discrimination, entre autres, le Conseil constitutionnel a censuré, en novembre, l’élargissement des pouvoirs du ministère de la Justice en matière de surveillance qui aurait permis l’activation à distance d’appareils électroniques pour capter des sons et des images. Il a en revanche validé l’activation à distance à des fins de géolocalisation.

PROCÈS INÉQUITABLES

Jugé par contumace, Hassan Diab a été déclaré coupable en avril de l’attentat perpétré en 1980 contre la synagogue de la rue Copernic, à Paris. Cette condamnation est intervenue en dépit des appels lancés par des organisations de défense des droits humains, qui réclamaient l’abandon des charges pesant contre Hassan Diab, faisant valoir leurs craintes quant à l’équité du procès du fait de graves irrégularités ayant entaché une procédure longue de plusieurs dizaines d’années.

TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS

Le Comité contre la torture [ONU] s’est une nouvelle fois inquiété des refus de la France de rapatrier des femmes et des enfants de nationalité française retenus dans des conditions carcérales dans des camps du nord-est de la Syrie, ainsi que des lenteurs entravant le processus de rapatriement.

DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Après de premiers votes du Parlement en faveur de cette mesure, le chef de l’État a réaffirmé qu’il était favorable à l’inscription dans la Constitution, en 2024, de « la liberté des femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse ».

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] a dénoncé les graves inégalités entre la France métropolitaine et les « territoires d’outre-mer », et a demandé que la France prenne des mesures pour remédier au problème récurrent de l’accès à l’eau à Mayotte et en Guadeloupe.

DROITS DES ENFANTS

En juin, le Comité des droits de l’enfant [ONU] s’est déclaré préoccupé par le nombre croissant d’enfants et de familles vivant dans la pauvreté.

DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS

La Cour de cassation a reconnu à la justice française la compétence universelle dans deux affaires concernant des crimes de guerre commis en Syrie. Le Parlement a adopté en octobre une disposition allégeant en partie les conditions nécessaires à la tenue de poursuites pour des crimes de droit international tels que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide.

DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN

Le Haut Conseil pour le climat, organisme consultatif indépendant, a estimé en juin que la France ne progressait pas suffisamment vers son objectif de neutralité carbone.

En octobre, le quotidien britannique The Guardian a publié un article concluant que les banques françaises étaient les premiers bailleurs de fonds des plus grands projets d’extraction de combustibles fossiles au monde.

Le gouvernement a rendu publique en octobre sa nouvelle stratégie de planification écologique, dans laquelle figurait notamment l’engagement de mettre un terme à l’utilisation des centrales à charbon à l’horizon 2027 (avec cinq ans de retard par rapport à l’objectif initial de 2022).

En novembre, le Conseil d’État a une nouvelle fois condamné l’État français à payer une astreinte pour n’avoir pas pris des mesures suffisantes de lutte contre la pollution de l’air.

DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES

Le Parlement a adopté une loi discriminatoire et xénophobe visant à « contrôler l’immigration ». La défenseure des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’homme avaient appelé au rejet de ce texte au motif qu’il portait atteinte aux droits fondamentaux. Cette loi élargissait les pouvoirs de l’autorité administrative en matière de détention et d’éloignement des personnes étrangères considérées comme représentant une « menace grave pour l’ordre public » ou comme ayant manqué à l’obligation de « respect des principes de la République », quelle que soit leur situation au regard du droit de séjour et sans qu’aucun critère précis ne soit énoncé. Le texte portait en outre atteinte aux droits à la vie familiale, au logement et à la santé, et réinstaurait le délit de « séjour irrégulier », qui avait été supprimé en 2012.

Les restrictions au renouvellement des titres de séjour, à la régularisation et aux droits de recours rendaient la situation des migrant·e·s plus précaire, tandis que la diminution de l’expertise judiciaire dans les tribunaux statuant sur les demandes d’asile limitait l’accès à la justice pour les personnes demandeuses d’asile. La possibilité de placer des enfants en rétention administrative a été maintenue à Mayotte. Le Conseil constitutionnel a été saisi en décembre à propos de nombreuses dispositions du texte adopté.

La France a pris toute l’année des mesures d’éloignement et de détention contre des ressortissant·e·s de pays vers lesquels un renvoi forcé contreviendrait au principe de non-refoulement, comme la Syrie, l’Iran, le Soudan, l’Afghanistan et Haïti.

En novembre, le ministre de l’Intérieur a ordonné l’expulsion d’un ressortissant ouzbek, M. A., au mépris d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme interdisant son renvoi en raison des risques de torture pesant sur lui en cas de retour dans son pays. Au mois de décembre, le Conseil d’État a condamné cette expulsion et ordonné au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre le retour de M. A. en France.

Le Comité des droits de l’enfant a fait part en février de sa profonde préoccupation quant à la rétention de familles demandeuses d’asile avec enfants, ainsi que de mineur·e·s non accompagnés. Il a également critiqué les conditions d’hébergement inhumaines et les méthodes de détermination de l’âge.

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