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Un homme tenant une pancarte  « Non à la guerre ! » se fait arrêter par des policiers dans les rues de Moscou, le 25 février 2022 / © Evgenia Novozhenina via Reuters

Un homme tenant une pancarte  « Non à la guerre ! » se fait arrêter par des policiers dans les rues de Moscou, le 25 février 2022 / © Evgenia Novozhenina via Reuters

Liberté d'expression

Russie : les manifestants antiguerre arrêtés par milliers  

Depuis le 24 février 2022, de nombreux Russes descendent dans la rue pour dénoncer l’invasion de l’Ukraine. L’opposition à la guerre est réelle mais les autorités veulent l’effacer. Les arrestations de manifestants se comptent par milliers. Un arsenal législatif renforcé les rend possibles. Explications.

Septembre 2022

Nouvelles manifestations en Russie

L’allocution du 21 septembre de Vladimir Poutine à des réservistes pour combattre en Ukraine a déclenché une vague de protestation en Russie. Les autorités ont répondu par un recours à la force injustifié et excessif, notamment en les frappant à coups de matraque et en utilisant des prises d’étranglement. Plus de 1 300 personnes ont déjà été arrêtées, pour avoir dit non à la guerre.

La communauté internationale doit intensifier ses efforts pour mettre un terme à l’agression contre l’Ukraine, notamment en soutenant les personnes qui protestent de manière pacifique contre l’invasion ou refusent de participer au conflit.

Aujourd’hui, partout dans le monde, le droit de manifester est menacé. Des manifestants pacifiques qui se battent, défendent des idées, protestent pour leurs droits, sont réprimés et subissent  des menaces. Face à l’urgence, nous lançons une campagne mondiale pour défendre le droit de manifester. Rejoignez-nous manifestez-vous !

Plus de 15 400 manifestants pacifiques ont été arrêtés en Russie depuis le début de la guerre en Ukraine (chiffre fourni par l’ONG russe OVD-info au 7 avril). Les arrestations sont massives, immédiates, presque surréalistes : pour la seule journée du 6 mars, 5 000 personnes ont été arrêtées dans 69 villes russes.

Les autorités russes montrent qu’elles sont prêtes à poursuivre en justice absolument n’importe qui. Ces poursuites honteuses constituent des violations flagrantes au droit à la liberté d’expression.

Marie Struthers, notre responsable du bureau Europe de l'Est et Asie Centrale

« NON À LA GUERRE ! » : AUSSITÔT DIT, AUSSITÔT ARRÊTÉ  

 « Non à la guerre ! ». Voici l’un des slogans scandés par les manifestants de la place Rouge à Moscou, des places centrales de Saint Pétersbourg et de dizaines d’autres villes partout en Russie. À cette opposition à la guerre, la police répond par une vague d’arrestations, arbitraires et souvent brutales. Même des enfants participants aux rassemblements ont été arrêtés, plus de 100 selon l’ONG OVD-info.

Lire aussi : Notre dossier d'enquêtes sur la guerre en Ukraine

Ces arrestations éclair et à tout va n’ont qu’un seul objectif : faire taire la contestation, étouffer le mouvement antiguerre et tenter de le rendre inexistant.

Les images des arrestations qui nous sont parvenues de Russie sont choquantes. Porter des ballons aux couleurs de l’Ukraine : arrestation. Ecrire « Non à la guerre » dans la neige : arrestation. Applaudir ou passer à côté d'une manifestation : arrestation. Détourner une pancarte en écrivant « Deux mots » (en référence au slogan « Nyet voyne », qui signifie « Non à la guerre») : arrestation. Tenir une pancarte blanche, sans aucun message de protestation : arrestation.

Les autorités ont lancé une véritable chasse aux sorcières en instrumentalisant le système judiciaire russe pour poursuivre les manifestants antiguerre.

3 actions pour soutenir les manifestants russes qui disent NON à la guerre !

Un manifestant antiguerre se fait arrêter par deux policiers dans les rues de Saint-Pétersbourg, le 6 mars 2022 / © Stringer - SOPA Images - Sipa via Reuters

UN ARSENAL DE LOIS RÉPRESSIVES 

La répression n’est pas chose nouvelle en Russie. Depuis plus de quinze ans, les autorités russes utilisent des lois de plus en plus restrictives pour réduire au silence toute dissidence. 

Avec la guerre en Ukraine, la répression s’est accélérée. Ces lois sont utilisées comme un outil de répression dans un contexte où les autorités russes entendent contrôler tout ce qui va être dit ou vu.

La loi qui sape le droit de manifester

C'est en 2004 que la Russie a commencé à déployer un arsenal législatif contre le droit de manifester avec la Loi fédérale sur les rassemblements. Depuis 2014, cet arsenal s’est durci. Une série d’amendements a vu le jour et leur application est de plus en plus restrictive.

Concrètement, qu'est-ce qui a changé depuis le déploiement de ces amendements ?

Les policiers utilisent des stratégies de plus en plus brutales pour faire taire les manifestants. 

Les tribunaux infligent des peines de plus en plus sévères 

Les rassemblements sont quasiment interdits partout en ville.  

Au niveau fédéral, les manifestations ne peuvent pas avoir lieu à proximité d’un tribunal, d’une prison, d’une résidence présidentielle ou de services d’urgence.  

Au niveau local, des manifestations ont été interdites à proximité d’établissements culturels, éducatifs, médicaux, de centres commerciaux, ou même de stations des transports publics.

Les rassemblements spontanés sont interdits partout. En notifiant les manifestations aux autorités, elles risquent fort d’être déplacées ou interdites 

Le montant des amendes a explosé, passant de 2 000 roubles (54 €) en 2012 à 300 000 roubles (3 409 €) en 2021. 

Aller plus loin : Les lois mises en place par la Russie pour saper le droit de manifester 

Signe direct de l’accélération de la répression depuis l'invasion de l'Ukraine : le vote express, le 4 mars 2022, d’une nouvelle loi réprimant les « fausses informations » sur les activités de l’armée russe en Ukraine. Avec cette loi, les personnes qui, selon les autorités russes, propagent de « fausses informations » encourent jusqu’à 15 ans de prison. Un nouvel article a également été ajouté au Code russe des infractions administratives pour sanctionner les « actions publiques visant à discréditer les forces armées russes ».

Lire aussi : Le Kremlin musèle totalement les journalistes indépendants

Lire aussi : Notre bureau à Moscou fermé par les autorités

Les citoyens russes qui s’opposent à la guerre s’exposent à de graves risques. Lorsqu’ils descendent dans la rue pour exiger la fin de la guerre, leur message représente un tel contraste avec la propagande d’État qu’ils sont directement placés dans le collimateur des forces de sécurité. Ils s’exposent à de lourdes amendes, des détentions administratives, des poursuites pénales menant à des procès iniques expédiés en quelques minutes et à des condamnations arbitraires. Ils s’exposent aussi à des violences et actes de torture. Des vidéos que nos équipes ont pu authentifier montrent que des manifestants pacifiques ont été brutalement frappés par la police via des matraques, électrocutés avec des pistolets à décharge électrique puis frappés, traînés au sol et soumis à d’autres mauvais traitements. 

Si malgré cette terreur on voit aujourd’hui des personnes qui descendent dans la rue avec des milliers d’arrestations, ça en dit long sur le fait que l’usure du pouvoir est bien là et que cette envie universelle d’un meilleur respect des droits humains et des libertés fondamentales est là elle aussi.

Cécile Coudriou, présidente d'Amnesty International France

Une manifestante tient une pancarte avec écrit « Non à la guerre » à Moscou le 28 février 2022 / © Daniil Danchenko - NurPhoto via AFP

LE COURAGE DES MANIFESTANTS 

Les autorités russes veulent instiller la peur au sein de la population. En muselant l’expression de toute opinion antiguerre, le Kremlin, veut donner l’impression que la résistance n’existe pas. Mais elle existe. Le mouvement antiguerre en Russie se poursuit malgré l’adoption de restrictions draconiennes et malgré une violente réponse policière.

Lire aussi : En Russie, une parole libre est-elle encore possible ?

La résistance féministe antiguerre 

Les féministes russes jouent un rôle très actif dans le mouvement antiguerre. 

Au lendemain de l’invasion de l’Ukraine, un mouvement féministe s’est créé : le Feminist Anti-War Resistance (FAS). Ella Rossman, l'une des rares figures publiques du mouvement, a expliqué l’objectif de la création du groupe : « Dès le début de la guerre, nous nous sommes rapidement organisées et avons lancé un appel déclarant que la guerre est contraire à tous les objectifs du mouvement féministe ». 

L’une des actions de FAS a été de remplacer les étiquettes de prix de supermarchés par des slogans contre la guerre. Comme toutes les voix antiguerre, les militantes ont subi de dures représailles. Selon le groupe, elles seraient au moins 100 à avoir été détenues, arrêtées, fouillées ou menacées par les autorités.

Les stratégies répressives des autorités russes sont inquiétantes et inacceptables. Nous saluons le courage de milliers de manifestants russes qui, malgré les risques encourus, osent s’exprimer pour dire « Non à la guerre ». Nous sommes à leurs côtés et aux côtés de celles et ceux qui se battent au quotidien pour plus de liberté, pour la justice et pour la paix.

Agir

Soutien aux manifestantes russes qui disent NON à la guerre !

Rassemblement près de l'Ambassade de Russie à Paris, interpellation de l'Ambassadeur de Russie, action sur les réseaux sociaux... nous vous proposons des actions contre la répression du mouvement antiguerre et en soutien aux manifestants russes.

Puisqu'ils ne peuvent pas faire entendre leur voix librement, nous le ferons pour eux.