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URGENCE GAZA

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

Des membres des forces de sécurité talibanes montent la garde tandis dans une rue d’un marché du district de Baharak, dans la province du Badakhshan, le 26 février 2024 © Wakil KOHSAR / AFP

Quatre ans après, les Afghanes plongées dans le cauchemar et l’oubli 

Quatre ans après la prise de pouvoir des talibans, les femmes et les filles afghanes vivent sous un régime de la terreur. Privées de leurs droits fondamentaux, elles sont les premières victimes de l’effondrement de l'État de droit, du rétrécissement des libertés et de la multiplication des châtiments corporels sur place. Face à cette politique d’invisibilisation, les États démocratiques ne peuvent plus rester silencieux. Dans une tribune, nous appelons la communauté internationale à agir concrètement pour protéger les Afghanes ainsi qu’à reconnaître les persécutions qu’elles subissent comme un crime d’« apartheid de genre ».

Tribune parue le 15 août 2025 dans Le Monde : « Depuis 2021, la guerre menée contre les femmes est peu à peu remportée par les talibans »

Un avion qui décolle en catastrophe, des civils qui s’accrochent à ses flancs ou son train d’atterrissage, essayant dans un élan désespéré de fuir la répression à venir : nous avons encore tous en mémoire ces images de l’aéroport de Kaboul, ce 15 août 2021, lors du retour au pouvoir des talibans.  

En quatre ans, le nouveau régime a totalement invisibilisé les femmes et les filles afghanes. Il a aussi étouffé tout ce qui relevait, de près ou de loin, au souvenir d'un État de droit, à commencer par le système judiciaire. 

Celui-ci a été entièrement démantelé et remplacé par un système fondé sur une interprétation rigoriste de la charia islamique. Criblé d’incohérences, il se caractérise par l’impunité pour les talibans et leurs alliés, et des procès arbitraires, iniques et à huis clos pour les autres. Il se caractérise également par un pouvoir discrétionnaire dans l’application des sanctions, telles que les flagellations et exécutions en public. 

Ce rétrécissement des libertés, et la multiplication des châtiments corporels ont particulièrement ciblé les femmes afghanes. Alors qu’elles occupaient activement des fonctions de juges, de procureures et d'avocates avant le retour des talibans, la plupart d'entre elles ont depuis été contraintes de se cacher ou de s'exiler après avoir été démises de leurs fonctions. 

Au sein de la société, les femmes sont devenues invisibles. Interdites d’accès aux parcs ou de marcher dans la rue sans la présence d’un tuteur masculin (mahram), elles sont obligées de se soumettre ou de subir une répression terrible. Celles qui se révoltent sont victimes d’arrestations arbitraires, de torture et de mauvais traitements, de disparitions forcées ou encore de mariages forcés avec des responsables talibans, en guise de réparation de leurs “fautes”.  

Depuis 2021, la guerre menée contre les femmes est peu à peu remportée par les talibans, aidés par le silence de la communauté internationale, dont l’attention s’est portée sur l’Ukraine puis Gaza, plongeant les femmes afghanes dans un nouvel oubli. 

Rare signe d’espoir, leur situation a été reconnue par la Cour pénale internationale, qui a lancé le 8 juillet dernier des mandats d’arrêt contre le chef suprême des talibans et le président de la Cour suprême, accusés d’avoir commis le crime contre l’humanité de persécution pour des motifs liés au genre. 

Pour beaucoup, l’exil est la seule issue. 

Dès 2021, nombre d’Afghans et Afghanes se sont réfugiés dans des pays voisins comme l’Iran ou le Pakistan, dans l’espoir d’y obtenir des visas pour pouvoir se rendre dans des pays plus sûrs. Ces derniers, dont la France, ont cependant failli à leurs obligations et à leurs promesses, ne délivrant les précieux sésames qu’au compte-goutte, laissant les populations afghanes en proie à l’insécurité et à l’arbitraire des autorités iraniennes et pakistanaises (viols, coups, torture, vols d’effets personnels, emprisonnements, etc.).  

Pourtant, le président Macron s’était engagé en 2021 à rester « aux côtés des femmes afghanes », et le ministre des Affaires étrangères de l’époque (Jean-Yves Le Drian) avait promis d’accélérer les procédures de délivrance de visas pour les femmes en Iran et au Pakistan. Aujourd’hui, dans les communiqués du même ministère, cette question n’est plus à l’ordre du jour. A peine peut-on y lire des annonces généralistes de participation à des projets de développement et quelques déclarations de principe. 

Parmi les personnes sous la menace permanente d’un retour forcé en Afghanistan, figurent aussi de nombreux défenseurs des droits humains, journalistes, cadres de l’ancien régime, etc. Le 24 juillet dernier, la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (UNAMA) lançait un cri d’alarme devant le nombre de retours forcés de réfugiés, organisé par les autorités iraniennes et pakistanaises.  

Selon l’OIM, il y a eu 700 000 retours contraints d’Afghans depuis le Pakistan entre le 15 septembre 2023 et le 10 août 2024, et le même nombre de réfugiés est retourné depuis l’Iran en 2025, dont plus de 230 000 pour le seul mois de juin. 

Ces retours contraints condamnent les femmes à l’isolement, les privent d’accès à l’éducation et à une quelconque autonomie. Elles les exposent aux mariages forcés, aux violences permanentes et à une pauvreté extrême. Beaucoup de ces filles et femmes sont nées et ont grandi en Iran et au Pakistan, où elles allaient à l'école et à l'université, travaillaient, étaient libres de leurs mouvements...  

Face à ces reculs et ces lâchetés, nous continuerons à dénoncer la situation des femmes en Afghanistan et l’inaction de nombreux États démocratiques, dont la France, lorsqu'il s'agit de les accueillir. 

Enfin, confrontée à cette politique d’invisibilisation totale des femmes Afghanes, la communauté internationale doit prendre des mesures concrètes pour reconnaître le crime d’« apartheid de genre », à commencer par l’adoption de la Convention sur les crimes contre l'humanité, actuellement en cours de négociation. 

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