Le citoyen français Camilo Castro a été victime de disparition forcé au Venezuela. Après avoir été détenu plus de quatre mois en prison, il a enfin été libéré et a pu rentrer en France auprès de ses proches. Mais d’autres ressortissants étrangers restent prisonniers des geôles vénézuéliennes. Ils ne doivent pas servir de monnaie d’échange.
26 juin 2025, 10H25. Camilo Castro envoie une note vocale à ses proches. Il annonce qu’il doit franchir la frontière vénézuélienne pour essayer de régler son problème de visa. « Je ne sais pas comment je vais régler ça ». Ce sera son dernier message. Depuis, il était porté disparu.
Français par sa mère, chilien par son père - un ancien exilé qui a fui le régime de Pinochet, aujourd’hui décédé - Camilo était en train de s’installer durablement en Colombie. Non loin des territoires du peuple autochtone Kogis, il se construit une maison. Mais le chantier s’avère plus long que prévu. Pour prolonger son visa, il se rend au poste frontière de Paraguachón, tout au nord du pays. Son objectif : faire un rapide aller-retour au Venezuela pour faire tamponner son passeport et revenir en Colombie avec un nouveau visa d’entrée. Il ne reviendra pas.
Des recherches longtemps infructueuses
Sans nouvelles de lui, ses amis colombiens se mobilisent. La presse locale relaie sa disparition. Dans les semaines suivantes, ses proches reçoivent même des demandes de rançon de différents pseudo ravisseurs. Finalement, la police colombienne fait savoir que Camilo a été arrêté au Venezuela. Des informations non officielles précisent qu’il a été transféré à Caracas.
En France, sa mère, Hélène Boursier et son beau-père, Yves Gilbert, avec l'aide de l'organisation colombienne Hasta Encontrarlos, multiplient les démarches pour le rechercher. Ils contactent l’ambassade de France en Colombie et au Venezuela. Interpol publie une note sur sa disparition. Une demande en habeas corpus est transmise au Venezuela*. Le bureau de Caracas du Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme de l'ONU est interpellé. Aucune de ces démarches ne permet de localiser Camilo.
Littéralement, "habeas corpus" signifie « que tu aies le corps ».
Une demande en habeas corpus transmise à un pays où une personne est portée disparue permet de faire intervenir la justice pour obliger un État ou une autorité à lever le voile sur le sort de cette personne, à exiger sa présentation devant la justice. C’est un moyen de lutter contre la détention arbitraire ou la disparition forcée.
Nous avons remué ciel et terre : Interpol, les forces de police colombiennes, le groupe de travail de l’ONU sur les détentions arbitraires… À chaque fois, la même question : où est-il ?
Yves Gilbert, le beau-père de Camilo Castro
Finalement, il faudra attendre le 19 juillet 2025 et un échange de prisonniers entre les États-Unis et le Venezuela pour avoir des nouvelles de Camilo. Les ressortissants américains – échangés contre des Vénézuéliens expulsés et détenus au Salvador – confirment avoir rencontré Camilo en détention.
« On a eu alors beaucoup de détails sur ses conditions de détention » racontent sa mère et son beau-père. « On a appris qu’ils étaient deux par cellule, qu’ils avaient deux repas par jour, qu’ils pouvaient sortir une heure par jour, et que Camilo arrivait à faire un peu de yoga », pratique qu’il enseigne depuis plusieurs années. Les conditions de détention semblent relativement correctes. Fait important : Camilo est visiblement détenu avec d’autres ressortissants étrangers dans une aile dédiée de la prison d'El Rodeo, à 40 km de Caracas, plutôt qu’avec des prisonniers de droit commun.
Le combat de ses proches pour sa libération
Lorsque ses proches apprennent la détention de Camilo, ils contactent immédiatement des associations locales, dont Foro Penal, qui œuvre pour la libération des détenus arbitraires au Venezuela.
La famille a d’abord hésité à rendre l’affaire publique, pour ne pas nuire à son cas et l’exposer à davantage de risques. Elle a discuté avec la diplomatie française mais aussi avec les familles d’autres personnes qui ont vécu une situation similaire comme les familles de Cécile Kohler et Jacques Paris, récemment libérés en Iran.
Finalement, nous avons rendu public son cas, en prenant certaines précautions pour ne pas vexer le pouvoir en place - ne pas citer directement le président, faire attention aux termes pour qualifier les détenus, etc. Et ça a tout changé. Les sollicitations ont explosé, l’attention portée à son cas s’est élargie.
Yves Gilbert
La mère de Camilo Castro, militante à Amnesty International depuis plus de dix ans, impulse des rassemblements pour exiger la libération de Camilo. D’abord avec la section toulousaine d’Amnesty International puis avec d’autres sections régionales. Des militantes et militants se photographient avec le message « Libérez Camilo ». Des photos ont afflué de toute la France.

Helene Boursier, mère de Camilo Castro, s'exprime lors d'un rassemblement à Toulouse avec des militant·es d'Amnesty International pour protester contre la détention de son fils au Venezuela, le 20 septembre 2025. © Lionel BONAVENTURE / AFP
Le combat de sa famille et des militant·es a fini par payer. Camilo Castro est enfin libéré après plus de quatre mois de détention. Il atterri le 16 novembre 2025 à Paris, accueilli par sa famille soulagée de retrouver leur proche sain et sauf après quatre mois d’angoisse.
Sa libération, c’était comme si on soulevait la chape de plomb qui nous étouffait. Une respiration.
Yves Gilbert
Si Camilo est libre, ces près de cinq mois de détention auront laissé des séquelles indélébiles. Il reste en état de choc selon ses proches et aurait subi des maltraitances psychologiques en prison, comme ses autres codétenus. Depuis son retour, il n’a qu’une obsession. Faire savoir ce qu’il se passe dans les geôles vénézuéliennes et aider les autres personnes victimes de disparitions forcées au Venezuela.
Dans les geôles vénézuéliennes : des ressortissants de plus de 30 pays
Selon les prisonniers libérés, plus de 30 nationalités différentes sont détenues depuis 2024. En plus de ressortissants de pays voisins (Colombie, Uruguay, Argentine …) ou européen (Espagne, Allemagne, France), de nombreux double-nationaux, mais aussi des Yéménites et des Ukrainiens.
Certains prisonniers étrangers sont considérés comme des opposants politiques. Leur arrestation s’inscrit dans une politique systématique et généralisée de répression des dissidents au Venezuela.
Mais la plupart des détenus étrangers sont privés de liberté sans raison apparente. Le franco-américain Lucas Hunter, qui a été libéré dans le cadre de l’échange de juillet dernier faisait du kitesurf en Colombie et avait franchi sans s’en rendre compte la frontière avec le Venezuela avant de se faire arrêter. La famille de Camilo évoque aussi le cas d’un Argentin, marié à une Vénézuélienne, arrêté à son arrivée dans le pays alors qu’il avait tous les documents requis pour entrer légalement sur le territoire.
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Une monnaie d’échange
Le récent échange de prisonniers entre le Venezuela, les États-Unis et le Salvador confirme que la disparition forcée semble être utilisée comme un moyen de pression politique, notamment à travers des négociations internationales.
La diplomatie des otages
« La diplomatie des otages » désigne une stratégie politique et diplomatique de certains États qui utilisent la détention de citoyens occidentaux, ou binationaux comme un moyen de pression pour obtenir des concessions politiques, économiques ou diplomatiques.
C’est le cas actuellement de l’Algérie qui a condamné fin juin 2025 le journaliste sportif français Christophe Gleizes à sept ans de prison sur la base d’accusations fallacieuses.






