Aller au contenu
Agir
Faire un don
ou montant libre :
/mois
Grâce à la réduction d'impôts de 66%, votre don ne vous coûtera que : 5,1 €/mois
URGENCE GAZA

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

Les six activistes membres du Projet Women Wave © lostpanton

Women Wave : un voilier pour porter la voix des peuples à la COP30  

Elles sont six jeunes femmes activistes à embarquer pour un transatlantique depuis la France, direction Belém au Brésil où se déroulera la COP30, la 30ème conférence des Parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Leur projet s’appelle “Women Wave”. Ces militantes traversent l’océan pour porter la voix de la société civile lors de ce grand rendez-vous annuel sur le climat. Leur objectif est d’allier leurs forces et de faire converger leurs luttes pour défendre une justice qui soit à la fois climatique, sociale, raciale, et de genre. Nous avons rencontré l’une d’entre elles, Mariam Touré, quelques jours avant la traversée.  

Quelle est votre histoire et pourquoi vous êtes-vous engagée pour le climat ?  

Je suis née pendant la guerre civile en Côte d’Ivoire. Mon enfance a forgé ma conscience de l’importance de défendre les droits humains. Pendant mes études, j'ai rejoint plusieurs associations avec la conviction que si on ne se battait pas contre toutes les violations des droits humains, même celles commises à l’autre bout du monde, alors il ne fallait pas que l'on s'étonne que demain, cela se passe aussi devant notre porte et que personne ne fasse rien. 

Je suis engagée en tant que femme, migrante, racisée, musulmane portant un foulard et ayant grandi dans un quartier populaire. Je suis à l’intersectionnalité de tout cela, de toutes ces discriminations.  

L’année dernière, j’ai cofondé Jeunesse Populaire pour donner la voix à cette jeunesse que la France oublie et ne voit pas. La jeunesse des quartiers, comme celle des Outre-mer ou la jeunesse rurale, sont les plus impactées par le changement climatique. Il n’y a qu’à voir l’affaire du chlordécone dans les Antilles [ndlr : le chlordécone est un pesticide qui a été utilisé depuis 1972 avant d'être interdit en 1993 dans les bananeraies aux Antilles alors que sa dangerosité pour la santé humaine est connue depuis 1969.]. Et pourtant, cette jeunesse n’est pas écoutée. Elle est ignorée et décrédibilisée.  

Au-delà de la jeunesse, ce sont les personnes qui n’ont pas les moyens, ce sont les femmes, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les minorités, en somme les personnes les plus marginalisées qui sont les plus touchées par la crise climatique.  

Lire aussi : Pourquoi le changement climatique est une crise des droits humains

Comment est née l’idée de partir en non-mixité sur un voilier à la COP30 ?  

Ce projet est né grâce à Adélaïde et Lucie qui ont voulu faire une traversée intersectionnelle jusqu’à la COP30, qui lierait toutes nos luttes. Ce sont deux jeunes militantes de la justice climatique qui ont conscience qu’on ne peut pas parler de justice climatique sans parler de justice humaine, de justice de genre, de justice raciale et sans parler de répartition des richesses. Et c’est pourquoi elles nous ont proposé de faire la traversée ensemble.  

La planète devient de plus en plus inhabitable et il y a de moins en moins d'espace. Cet espace est trop petit pour rester chacun dans notre coin. Nous devons l’investir, et croiser nos luttes qui sont en totale intersection. Elles n'existent pas les unes sans les autres. C’est pourquoi nous avons décidé de partir ensemble, nous, les sœurs de combat comme je nous appelle. Et en voilier, car c'est le mode de transport le plus sobre environnementalement. 

Nous faisons cette traversée en non-mixité, c’est-à-dire avec un équipage uniquement composé de femmes et qui sont engagées. En tant que femmes, nous sommes celles qui subissons le plus les effets du changement climatique et des injustices sociales. Pourtant nos voix ne sont pas entendues. C’est pourquoi nous allons prendre la mer et nous rendre sur place pour nous faire entendre. On s'unit pour amplifier nos voix

Un nombre croissant de lobbies sont présents dans les COP, au détriment des activistes et de la société civile. Nous souhaitons débarquer pour participer aux échanges, porter la voix de la société civile et prendre cette place qui nous revient de droit. Les COP sont des espaces très fermés alors que cela devrait être ouvert à tout le monde. 

En tant que co-fondatrice de “Jeunesse Populaire”, comment voyez-vous la mobilisation de la jeunesse pour les questions climatiques et sociales ? 

La jeunesse, et plus particulièrement la jeunesse populaire, se mobilise de plus en plus pour ces questions. Pourtant, le pouvoir ne nous laisse pas de place pour nous mobiliser car, à ses yeux, nous n’existons pas.  

Je trouve le terme “intersectionnalité” intéressant. C'est un terme qui s’est popularisé ces dernières années, même si pour moi, les jeunes de quartier ont toujours été intersectionnels. Ce sont bien souvent des personnes qui sont à la croisée de multiples discriminations en tant que personnes racisées, peu dotées financièrement, et qui sont davantage impactées par changement climatique. On vit dans des zones qui sont laissées à l’abandon, dans des bâtiments qui sont mal isolés et qui subissent de plein fouet les canicules.  

Il y a un manque d’investissements de l’Etat dans ces quartiers pour faire face aux effets de la crise climatique. Pour pallier ces manquements, les personnes qui vivent dans ces quartiers dits “populaires” s’auto-organisent pour donner un peu de dignité à ces lieux. Cela passe par des collectifs de quartier qui vont replanter des arbres, faire des opérations de nettoyage, organiser des vacances solidaires où tout le monde part en groupe pour économiser de l’essence. L’avion coûte tellement cher pour aller dans des destinations comme l’Afrique qu’on ne peut pas y aller tous les ans. On a ainsi toujours été confrontés au fait de se restreindre pour la planète, sans en être forcément conscients. On n’a peut-être pas le privilège d’acheter du bio, mais on a l’obligation de faire attention à ce qui nous entoure. 

Lors des Jeux Olympiques, il y a eu plus d’un milliard de dépenses pour assainir la Seine. J’ai trouvé cela choquant car ces dépenses auraient pu être utiles pour assainir l’eau en Guadeloupe en Martinique où l’eau potable est empoisonnée par le chlordécone. 

C’est face à ces injustices, face à cet oubli de la part de l’Etat, que nous nous organisons. Et c’est ce qui nous anime dans le projet Women Wave. Nous partons en voilier jusqu’à la COP30 pour porter la voix de celles et ceux qui sont les plus touchés par le changement climatique et qui ne sont pourtant ni considérés, ni entendus.  

loading ...