Près de deux ans après leur capture par le Hamas, 47 personnes continuent d’être retenues en otage dans la bande de Gaza occupée, dont une vingtaine d’entre elles seraient encore vie. La prise d’otage constitue un crime de guerre. Nous demandons leur libération immédiate et sans condition. Nous réitérons également nos appels en faveur d'un cessez-le-feu immédiat et exhortons à Israël de à mettre fin au génocide qu'il perpétue contre les Palestinien·nes de Gaza. Chaque instant d’inaction aggrave les horreurs auxquelles les otages et les civil·es sont confronté·es.
Après les terribles attaques du 7 octobre 2023 perpétrées par le Hamas, 251 personnes – pour la plupart des civils – ont été enlevées et retenues en otage dans la bande de Gaza. 48 personnes sont mortes en captivité et 47 sont encore détenues illégalement. On estime qu’une vingtaine seulement seraient en vie. Ces hommes risquent de mourir et d’être soumis à la torture ou d’autres mauvais traitements.
Les images et les témoignages que nous avons recueillis d’anciens otages libérés soulignent l’horreur de leurs conditions de détention et des violences subies pendant leur captivité aux mains du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens. Ils sont clairement utilisés comme monnaie d’échange pour faire pression sur les autorités israéliennes. Cela constitue un crime de guerre.
Rien ne saurait justifier de prendre des gens en otage ni de maintenir des personnes en détention arbitraire pendant de longues durées sans inculpation ni procès. Le monde ne doit pas tourner le dos à l’humanité.
Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International
Qui sont les otages ?
Selon une base de données établie par le journal israélien Haaretz, recoupée avec d'autres ensembles de données, sur les 251 personnes enlevées lors des attaques menées par le Hamas dans le sud d'Israël, 27 étaient des soldats en service actif. La grande majorité des 224 personnes restantes étaient des civil·es.
Il s'agissait de 124 hommes, 64 femmes et 36 enfants. Parmi les personnes enlevées en Israël, 16 étaient des enfants de moins de 10 ans et neuf étaient âgées de plus de 80 ans.
La plupart des personnes enlevées étaient des Israéliens juifs, dont certains avaient la double nationalité. Sept étaient des citoyens bédouins d'Israël. Au moins 35 étaient des ressortissants étrangers. Dans 36 cas, les victimes étaient déjà mortes lorsqu'elles ont été emmenées à Gaza.
L’horreur vécue par les otages
Les récentes photos et vidéos d’otages israéliens publiées par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens sont d’une atrocité inouïe. On y voit des personnes blessées, souffrantes, effrayées, suppliant pour leur vie ou leur libération. Certaines vidéos exposent les otages lors de « cérémonies de remises » humiliantes.
Fin juillet et début août 2025, des groupes armés palestiniens ont publié en ligne des vidéos de deux otages montrant qu’ils étaient soumis à de graves mauvais traitements.
Dans une de ces vidéos, on voit l’otage Rom Baslavski allongé par terre dans un tunnel, très amaigri et en larmes. Il est trop faible pour se lever et semble être à l’article de la mort. Ajoutant encore à la souffrance de sa famille, le Djihad islamique palestinien a affirmé que, depuis que la vidéo avait été tournée, il avait perdu le contact avec les ravisseurs du jeune homme.
L’autre vidéo, publiée le 2 août 2025, par les Brigades al Qassam, montre l’otage Evyatar David, le corps émacié, contraint de creuser dans un tunnel qu’il pense être sa propre tombe. Il indique ne pas avoir été nourri depuis plusieurs jours
➡️ Que dit le droit international ? Soumettre des otages à de tels traitements humiliants et dégradants est une forme d’atteinte à la dignité de la personne, qui est interdite par le droit international humanitaire et constitue un crime de guerre.
Nous avons recueilli les témoignages de plusieurs otages qui ont été libérés. Tous disent l’ampleur des abus et de l’horreur vécus durant leur captivité. L’un d’eux nous a raconté avoir été battu avec quatre autres hommes pendant plusieurs jours après leur capture et avoir été détenu dans un tunnel, sans nourriture ni eau en quantités suffisantes. Selon une personne du personnel médical chargé de soigner les otages libérés en novembre 2023, certains otages ont été frappés, contraints d’assister ou de participer à des actes de violence, placés à l’isolement ou dans l’obscurité totale et privés de leurs besoins les plus élémentaires.
➡️ Que dit le droit international ? Il s'agit là de formes de violence qui constituent des actes de torture ou d'autres mauvais traitements, interdits au regard du droit international.
Nudité forcée, agressions sexuelles, menaces de mariage forcé… Plusieurs otages ont également déclaré avoir été victimes de violences sexuelles. Leurs témoignages rejoignent les observations et preuves recueillies par la Commission d’enquête internationale indépendante sur le territoire palestinien occupé, des Nations unies et de la Cour pénale internationale.
➡️ Que dit le droit international ? Ces actes sont des formes de violences physiques et sexuelles constitutives de torture ou d’autres mauvais traitements, interdits au regard du droit international.
La violence psychologique est elle aussi de mise. Tous les otages ont été détenus dans le secret, sans aucun contact avec le monde extérieur. Impossible de recevoir des soins parfois vitaux, ou de contacter leur famille. Pendant des mois, voire des années, certaines familles n’ont ainsi reçu aucun signe de vie et ont vécu dans la douleur et l’angoisse permanente.
Fondatrice et présidente de Fair Planet et membre de Women Wage Peace, Shoshan Haran a été retenue otage par le Hamas avec six autres membres de sa famille, dont trois enfants.
Âgée de 67 ans à l’époque, elle vivait dans le kibboutz de Beeri, à environ quatre kilomètres de la barrière de séparation entourant Gaza. Elle raconte s’être abritée avec sa famille dans une pièce sécurisée rapidement après avoir reçu des alertes par WhatsApp lors de l’attaque du kibboutz.
D’après son témoignage, des hommes armés les ont forcés à en sortir. L’un d’eux leur a crié en anglais : « Les femmes, les enfants, on emmène. Les hommes, bang-bang. ». Ils ont été emmenés en dehors du kibboutz, à Gaza.
Après avoir vécu « 50 jours épouvantables de captivité », Shoshan a appris que son mari, Avshalom Haran, avait été tué après que la famille eut été extraite de force de la pièce sécurisée. Son gendre, Tal Shoham, est resté plus de 500 jours en captivité avant d’être libéré. Quatre autres de ses proches ont été tués lors de l’attaque du kibboutz.
D’autres fois, ce sont des corps qui ont été emportés par les combattants palestiniens à Gaza. Des corps de personnes décédées au cours des attaques dans le sud d’Israël qui ont été pris en otage, empêchant les familles de pouvoir enterrer leurs morts, et les laissant dans l’ignorance, parfois durant des mois, sans savoir si leurs proches étaient vivants ou morts.
➡️ Que dit le droit international ? L'incertitude et l'angoisse causées aux proches des otages constituent une forme de torture et autres mauvais traitements.
Des otages assassinés de sang-froid
Les groupes armés palestiniens n’ont cessé d’utiliser les otages ainsi que leurs corps comme une monnaie d’échange, menaçant de les tuer en représailles des actes d’Israël ou afin d’empêcher les opérations de sauvetage de l’armée israélienne.
Les menaces de mort filmées par les Brigades al Qassam
En 2025, les Brigades al Qassam ont multiplié les menaces de tuer les otages israéliens restants.
Le 15 février 2025, une vidéo que nous avons analysée montre les brigades al Qassam forcer l’un des trois otages israéliens en cours de libération dans le cadre d’un échange négocié contre des prisonnier·ères à tenir un sablier au-dessus d’une photo de Matan Zangauker, un autre otage toujours détenu à Gaza, faisant ainsi passer un message menaçant selon lequel le temps était compté pour les otages restants.
Le 24 mars 2025, les Brigades al Qassam ont publié une autre vidéo montrant deux otages qui suppliaient les autorités de conclure un accord pour les échanger contre des prisonniers, soulignant que c’était leur seule chance de survie.
Le 1er septembre 2024, les corps de six otages israéliens ont été découverts par l’armée israélienne dans un tunnel souterrain de Rafah. Trois déclarations d’Abu Obaida, porte-parole des Brigades al Qassam, laissent à penser que ces six personnes ont été tuées pour empêcher leur sauvetage par les autorités israéliennes.
Les corps de l’israélo-Argentine Shiri Bibas et de ses deux fils, de neuf mois et quatre ans, ont quant à eux été rendus le 21 février 2025, dans le cadre d’un accord négocié d’échange d’otages contre des prisonnier·ères. Nous ignorons toujours les circonstances de leur décès.
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Un certain nombre d’otages ont été également tués par l’armée israélienne elle-même. Yotam Haim, 28 ans, Samer Talalka, 22 ans et Alon Shamriz, 26 ans ont été tous les trois abattus le 15 décembre 2023 dans la bande de Gaza, alors que les forces israéliennes se heurtaient à une importante résistance de la part de groupes armés palestiniens. Si l’armée israélienne a rapidement reconnu sa responsabilité dans la mort de ces otages, il aura fallu attendre 10 mois pour obtenir l’annonce des autorités israéliennes du décès de trois autres otages à la suite d’une frappe aérienne en novembre 2023.
Le droit international doit prévaloir
En mai 2024, le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale a déposé des demandes de mandats d'arrêt contre les dirigeants du Hamas Ismail Haniyeh, Mohammed Deif et Yahya Sinwar pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Un mandat d’arrêt a été délivré par la Chambre préliminaire de la Cour contre Mohammad Deif, avant que les procédures ne soient finalement levées à la suite du meurtre des trois dirigeants palestiniens par Israël.
Dans le même temps, l’offensive militaire lancée par Israël à la suite des attaques du 7 octobre 2023 a fait plus de 65 000 mort·es, dont plus de 18 000 enfants, et plus de 200 000 blessé·es, selon le ministère de la Santé basé à Gaza. Nombre de personnes ont été tuées ou blessées dans le cadre d’attaques directes contre la population civile ou d’attaques aveugles, qui ont souvent anéanti des familles entières sur plusieurs générations. Des dizaines de milliers de Palestiniens et Palestiniennes de Gaza sont toujours portés disparus.
Des milliers de palestinien·nes détenu·es illégalement
Depuis octobre 2023, les autorités israéliennes ont considérablement accru le nombre de détentions de Palestiniens dans l'ensemble du territoire palestinien occupé (TPO).
Selon Hamoked, au 1er septembre 2025, 11 040 Palestinien·nes étaient détenus par les autorités israéliennes, certains d'entre eux étant emprisonnés depuis des décennies. Plus de la moitié d'entre eux sont détenus sans inculpation ni procès. Selon le Centre d'aide juridique et des droits humains de Jérusalem (JLAC), les corps d'au moins 730 Palestinien·nes sont détenus par Israël comme monnaie d'échange, certains depuis des décennies.
Pendant leur détention, les autorités israéliennes les ont systématiquement soumis à la torture ou à d'autres mauvais traitements, notamment la privation de nourriture, des violences physiques et sexuelles, et leur ont refusé l'accès à des observateurs indépendants et à des organisations humanitaires. Depuis le 7 octobre 2023, au moins 76 Palestinien·nes sont mort·es pendant leur détention par Israël, selon la commission des détenus palestiniens. Le nombre réel de décès de Palestiniens en détention serait plus élevé.
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Ainsi, en novembre 2024, la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale a émis des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre, notamment pour avoir affamé des civil·es et dirigé intentionnellement une attaque contre la population civile, ainsi que pour crimes contre l'humanité, notamment pour meurtre, persécution et autres actes inhumains.
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Ce que nous demandons
L'escalade militaire actuelle d'Israël à Gaza, en particulier dans la ville de Gaza, a non seulement des conséquences catastrophiques pour les Palestinien·nes qui luttent pour survivre à une famine provoquée et à des déplacements forcés, mais elle met également davantage en danger la vie des Israélien·nes et des autres personnes retenues en otage par les groupes armés palestiniens.
Nous demandons au Hamas et autres groupes armés palestiniens de :
libérer immédiatement tous les otages civils. En attendant leur libération, le Hamas doit veiller à ce que tous les otages soient traités avec humanité, aient accès à des observateurs internationaux et puissent communiquer régulièrement et dignement avec leur famille et leurs proches.
restituer immédiatement et sans condition les corps de toutes les personnes enlevées le 7 octobre 2023. Tout manquement à ces obligations continue de constituer un crime grave au regard du droit international et est une source supplémentaire d'angoisse pour les familles qui attendent désespérément le retour sain et sauf, ou au moins des nouvelles, de leurs proches.
Au cours du mois dernier, Israël a intensifié sa campagne d'extermination contre les Palestinien·es à Gaza, ajoutant des centaines de civil·es supplémentaires au nombre toujours croissant de victimes, détruisant délibérément des infrastructures civiles et déplaçant de force des centaines de milliers de Palestinien·es, démontrant ainsi sa détermination à les anéantir physiquement.
C’est pourquoi nous appelons les autorités israéliennes à :
mettre fin à son génocide contre les Palestinien·es à Gaza, y compris à leur politique délibérée de famine et de déplacements massifs.
libérer immédiatement les milliers de Palestinien·es qu'elles détiennent arbitrairement, mettre fin aux abus commis à l'encontre des détenus palestiniens, notamment la torture, la privation de nourriture et les violences sexuelles, et cesser leur pratique illégale de longue date consistant à retenir les corps des Palestinien·es comme monnaie d'échange.
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