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Un camp de réfugiés rohingyas au Bengladesh © Andrew Stanbridge / Amnesty International

Un camp de réfugiés rohingyas au Bengladesh © Andrew Stanbridge / Amnesty International

Responsabilité des entreprises

Quand un géant de la bière finance le massacre des rohingyas

Une filiale de la multinationale japonaise Kirin, le producteur de bière, a versé un don au bénéfice de l’armée et des autorités du Myanmar. Et ce, lors de la campagne de nettoyage ethnique contre les Rohingyas, fin 2017.

Une filiale de la multinationale japonaise Kirin, le producteur de bière, a versé un don au bénéfice de l’armée et des autorités du Myanmar. Et ce, lors de la campagne de nettoyage ethnique contre les Rohingyas, fin 2017.

La Kirin Holdings Company, Inc. a déclaré que sa filiale Myanmar Brewery a effectué un don pour un total de 30 000 dollars américains (environ 25 000 euros) aux autorités du Myanmar entre le 1er septembre et le 3 octobre 2017.

Le Japon a la responsabilité de veiller à ce que ses entreprises ne contribuent pas à des violations des droits humains, où qu'elles implantent leurs activités. Il doit donc enquêter sans délai sur ces dons contestables.

Des dons plus que douteux

Selon Kirin, les versements étaient destinés à aider les victimes des violences. Toutefois, selon les informations dont nous disposons, le premier don a été remis par le personnel de Myanmar Brewery au commandant en chef des armées du Myanmar.

Le général Min Aung Hlaing. Kirin a par la suite confirmé qu'un don de 6 000 dollars (environ 5 000 euros) a été effectué à cette date. Min Aung Hlaing a déclaré que les dons iraient en partie « aux membres des forces de sécurité et au personnel du service d'État » déployés dans l'État d'Arakan.

Cela dépasse l'entendement qu'un investisseur international puisse faire des dons à l'armée du Myanmar au moment où ses forces procèdent au nettoyage ethnique de la population rohingya dans le nord de l'État d'Arakan. Cela revient à faire savoir que Myanmar Brewery appuie les actions de l’armée contre la population rohingya.

Lire notre dossier : Le sort des rohingyas au Myanmar

Nous disposons des éléments de preuves nous permettent de dire que cet argent aurait servi à l’armée du Myanmar :

La brasserie japonaise a reconnu que sa filiale avait fait trois dons au moment des récentes violences qui ont secoué l'État d'Arakan.

Un officier de l'armée a été filmé en train de recevoir les dons qui, selon lui, étaient destinés aux forces de sécurité.

Kirin reconnaît qu’elle ignore à quoi ont servi ces dons.

Des financements meurtriers

De plus, les dons ont été effectués à un moment où les médias dans le monde croulaient sous les informations faisant état d’atrocités commises par les forces de sécurité du Myanmar contre des hommes, des femmes et des enfants rohingyas, qui fuyaient déjà par dizaines de milliers vers le Bangladesh voisin (environ 690 000 rohingyas).

Lire aussi : Le Bangladesh et la crise des réfugiés rohingyas

Le 11 septembre 2017, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a comparé l'opération visant les Rohingyas à un « exemple classique de nettoyage ethnique », tandis que nos recherches permettaient d'établir que les actions de l'armée birmane s'apparentaient à des crimes contre l'humanité.

Les forces de sécurité du Myanmar ont également utilisé des mines terrestres interdites par le droit international le long de la clôture frontalière. Le gouvernement du Bangladesh a porté plainte contre les autorités du Myanmar pour leur usage.

Le général Min Aung Hlaing a justifié les opérations militaires et déclaré que les dons des entreprises étaient des « dons en cash destinés aux membres des forces de sécurité et au personnel du service d'État qui ont risqué leur vie en assumant la défense nationale et leur mission de sécurité, ainsi qu’aux habitants qui ont dû fuir leurs foyers en raison des attaques de l'Armée du salut des Rohingyas de l’Arakan ».

Kirin n'a pas fourni d'éléments attestant de ces versements bancaires et n'a pas pu confirmer l'usage final de cet argent. La multinationale reconnaît que :

Nous n'avons pas suffisamment creusé pour savoir à quel service il incomberait finalement de le faire.

En faisant des dons à l'armée ou au gouvernement de l'État d'Arakan, Myanmar Brewery risquait d'aggraver la situation des droits humains pour les Rohingyas et d'autres groupes ethniques en butte depuis fort longtemps à la discrimination.

La responsabilité de la multinationale

Aux termes des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, Kirin a la responsabilité de respecter les droits humains. Au titre de cette norme reconnue au niveau international, les entreprises comme Kirin ont l’obligation de respecter tous les droits humains, où qu’elles opèrent.

Afin de s'en acquitter, elles doivent veiller à ce que leurs activités ne donnent lieu ni ne contribuent à des violations des droits humains. Les entreprises doivent identifier et évaluer leur impact potentiel et réel sur les droits humains en mettant en œuvre le devoir de vigilance fondé sur les risques.

Kirin a institué une nouvelle politique en matière de droits humains au niveau mondial en février 2018 et nous a fait savoir qu'elle a l'intention d'examiner en priorité les transactions de Myanmar Brewery dans le pays. Elle a également annoncé la suspension de tous les dons.

Toutefois, à ce stade, une évaluation interne fondée sur une politique mise en place quatre mois après ces dons suspects, c'est à la fois trop peu et trop tard. Les dégâts éventuels ont déjà eu lieu.