Arrêtée le 7 mai 2022 lors d’un voyage touristique en Iran, Cécile Kohler, une enseignante française, est depuis détenue arbitrairement par les autorités iraniennes qui l’accusent d’« espionnage ».
C’est lors d’un voyage touristique en Iran que Cécile Kohler, professeure de lettres modernes, âgée aujourd'hui de 40 ans, est arrêtée le 7 mai 2022 avec son compagnon, Jacques Paris. Raison officielle : « espionnage ». Depuis, elle est détenue dans la tristement célèbre prison d'Evin à Téhéran, dans des conditions déplorables.
Deux ans après son arrestation, le ministère des Affaires étrangères français a estimé qu'elle et son compagnon étaient retenus en otage par la République islamique d’Iran. Le Quai d’Orsay dénonce une politique de « prise d’otages d’État », et le « chantage permanent » exercé par les autorités iraniennes. Le ministère a également condamné la « pratique odieuse des aveux forcés et publics » ainsi que « les conditions inhumaines et indignes » qui lui sont infligées depuis son arrestation.
« Espions français »
Entre son arrestation et le 23 novembre 2022, date à laquelle Cécile Kohler a obtenu pour la première fois une très brève visite consulaire de 10 minutes, elle a été soumise à une disparition forcée et maintenue à l'isolement prolongée. Pendant toute cette période les autorités iraniennes n'ont communiqué aucune information sur sa situation et ont dissimulé le lieu où elle était détenue. Un crime au regard du droit international.
Sa famille a par la suite appris qu'elle avait été conduite à la prison d’Evin, à Téhéran, et était détenue dans la section 209, une section de haute sécurité, qui dépend du ministère du Renseignement.
Nous avons également recueilli de nombreuses informations montrant que les conditions de détention prévalant dans la section 209 bafouent l’interdiction absolue de la torture et des autres formes de mauvais traitements.
Aveux forcés
Le 6 octobre 2022, la Radio-télévision de la République islamique d’Iran (IRIB) a diffusé les « aveux » forcés de Cécile Kohler sur les médias d’État, dans une vidéo de propagande entrecoupée d’images de vidéosurveillance la montrant lors de son voyage en Iran, avec une narration en voix off, une musique mélodramatique et des mots affichés en grand extraits des « aveux », pour assurer un effet dramatique.
Sous la contrainte, on l’entend « avouer », être un agent du service de renseignement extérieur de la France, ou s’être rendue en Iran pour « aider à préparer les conditions de la révolution en Iran et du renversement du régime iranien islamique » et avoir utilisé l’Internationale de l’Éducation (une fédération mondiale de syndicats enseignants) pour soutenir ces efforts.
Les autorités françaises ont dénoncé « ces prétendus ‘aveux’ extorqués sous la contrainte ».
Sa famille a également nié à plusieurs reprises toutes les allégations formulées dans cette vidéo de propagande.
⚠️En diffusant ces « aveux » forcés à la télévision, les autorités iraniennes ont bafoué le droit de Cécile Kohler à la présomption d’innocence, ainsi que son droit de ne pas témoigner contre elle-même.

Des personnes participent à un rassemblement place de la République à Paris pour soutenir et demander la libération de Cécile Kohler et des citoyens français détenus en Iran, le 23 mars 2024.© Kiran Ridley / AFP
Privée de contacts réguliers avec sa famille
Ses contacts avec les membres de sa famille et des fonctionnaires consulaires français sont très limités. Les appels de Cécile Kohler à sa famille sont rares et brefs.
« On sent que son désespoir grandit de plus en plus, on sent dans sa façon de parler et les questions qu'elle nous pose qu'elle doute que sa sortie de prison arrive un jour», confiait Noémie Kohler, sa sœur, sur l’antenne de BFM fin 2024.
Ses proches sont d’autant plus préoccupés qu’ils ne savent pas si elle obtient les soins médicaux dont elle a besoin. Les rares témoignages venant directement de la prison d’Evin confirment que son état se dégrade. La prix Nobel de la paix 2023, la journaliste Narges Mohammadi, temporairement libérée pour raisons médicales, expliquait lors d’une interview sur France Inter début janvier 2025 avoir demandé des nouvelles de Cécile à d’autres prisonnières qui avaient partagées sa cellule. « Elles disent que sur le plan physique, elle est extrêmement affaiblie, je suis très inquiète pour elle. Moi aussi j’ai été en isolement, ce sont des conditions terribles, une vraie torture », a-t-elle expliqué.
Des procès iniques
Nous avons recueilli de nombreuses informations attestant que les procès se déroulant en Iran sont systématiquement inéquitables, et débouchent sur la détention arbitraire de milliers de personnes. Parmi les personnes détenues arbitrairement figurent des manifestant·es, des femmes défiant les lois sur le port obligatoire du voile en public, des journalistes, des acteurs/actrices et des musicien·nes, des écrivain·es et des universitaires, des étudiant·es, des personnes LGBTI+ et des défenseur·es des droits humains, notamment des militant·es en faveur des droits des femmes, des militant·es contre la peine de mort, des syndicalistes, des avocat·es et des familles en quête de vérité et de justice pour les victimes d’homicides illégaux.
La détention de Cécile Kohler est manifestement arbitraire, compte tenu de la gravité des violations de ses droits à un procès équitable, notamment de son droit à la présomption d’innocence, de son droit de ne pas témoigner contre elle-même, de son droit à un procès devant un tribunal indépendant, compétent et impartial, de consulter un avocat de son choix dès son arrestation et lors de son procès, de son droit à une défense adéquate et d’être protégée de la torture et autres formes de mauvais traitements et de son droit de véritablement pouvoir contester la légalité de sa détention.
Nous appelons la France à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour la protéger et obtenir sa libération
Les autorités iraniennes doivent pour leur part :
protéger Cécile Kohler contre de nouveaux actes de torture et toute autre forme de mauvais traitements ;
veiller à ce qu’elle puisse communiquer avec ses proches régulièrement par téléphone, recevoir des soins médicaux adaptés ;
consulter un avocat de son choix et bénéficier d’une assistance consulaire sans entrave.