Le 7 octobre 2023, le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens ont mené des attaques dans le sud d’Israël, principalement contre les populations civiles. Les conclusions de notre enquête sont implacables : les multiples violations du droit international humanitaire et des droits humains perpétrées par ces groupes armés constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Les responsables de ces atrocités doivent répondre de leurs actes devant la justice.
Mila Cohen n’avait que 9 mois. Elle est morte le 7 octobre 2023, dans les bras de sa mère, qui tentait de la protéger en se réfugiant dans une pièce sécurisée de sa maison. Ce jour-là, armés de fusils, de mitraillettes, de grenades et de lance-roquettes, les groupes armés palestiniens ont attaqué des lieux de festivités, des plages ou encore des lotissements résidentiels.
Les témoignages relatent des scènes d’horreur : des cadavres jonchant la route, des voitures criblées de balles et des populations pourchassées pendant leur fuite. Comme Mila, environ 1 200 autres personnes ont été tuées et quelque 4 000 autres ont été blessées lors des attaques du 7 octobre 2023. Plus de 800 d'entre elles étaient des civil·es. Au moins 36 n’étaient encore que des enfants. Ce même jour, ce sont 251 personnes qui ont été prises en otage et maintenues en captivité, pendant des semaines, des mois, voire des années.
Pendant des mois, nous avons documenté ces crimes. Amnesty International s’est entretenue avec 70 personnes, dont 17 personnes ayant survécu aux attaques du 7 octobre 2023, des membres de familles de victimes, des spécialistes médicolégaux, des membres du personnel médical, des avocat·es, des journalistes et d’autres enquêteurs·trices. Nous avons également collecté, vérifié et analysé, à l’aide d’expert·es, plus de 350 vidéos et photographies disponibles en open source afin de recouper les informations collectées.
Le refus des autorités israéliennes de coopérer avec notre organisation pour partager certaines informations, l’absence de preuves médico-légales suffisantes, et la réticence de beaucoup de survivant·es et de témoins à confier leur histoire à nos équipes, ont constitué des défis importants durant notre enquête.
Les autres rapports publiés le même sujet
D’autres organisations ont également publié des enquêtes sur les attaques du 7 octobre 2023 :
Le 14 juin 2024, la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël a remis son rapport d’enquête.
Le 17 juillet 2024, l’organisation Human Rights Watch a publié son rapport “I Can’t Erase All the Blood from My Mind”
Le 8 juillet 2025, l’ONG israélienne “Projet Dinah” a publié son rapport “A Quest for Justice : October 7 and Beyond”
Malgré ces difficultés, nous avons rassemblé un nombre important de preuves pour étayer nos conclusions. Ce travail nous a permis de documenter les crimes commis le 7 octobre 2023 et depuis.
Les conclusions de notre rapport, publié ce jeudi 11 décembre 2025, sont implacables : la branche armée du Hamas, la brigade Al Qassam, et d’autres groupes armés palestiniens se sont rendus responsables de meurtres, d’extermination, d’emprisonnement, de disparitions forcées, d’enlèvements, de torture et de viols ou tout autre forme de violences sexuelles...
Ces graves violations sont constitutives de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Voici les détails de notre enquête.
Les crimes de guerre sont commis en temps de conflit armé. Les crimes de guerre sont des violations du droit international humanitaire, et plus particulièrement de ce que l’on appelle des « lois et coutumes de la guerre » définies par les Conventions de Genève et les Conventions de la Haye.
Le crime contre l’humanité, quant à lui, s’applique en temps de paix comme en temps de guerre. Il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile, et en connaissance de cette attaque.
Avec le crime de génocide, les crimes de guerre et crimes contre l'humanité sont les trois crimes internationaux les plus graves. La Cour pénale internationale (CPI) a été créée spécialement pour juger les auteurs de tels crimes.
Il n’existe aucune hiérarchie entre ces crimes : tous ont des conséquences absolument dévastatrices pour les victimes et survivant·es. Ils doivent donc être pris extrêmement au sérieux par la communauté internationale.
Lire aussi : Crime de guerre, crime contre l’humanité, conflit armé, terrorisme,… Que dit le droit international ?
Meurtres de masse de populations civiles
Le 7 octobre 2023, des zones résidentielles, des communautés, des plages, des lieux de festivité sont devenus le théâtre de massacres. Au festival de Nova, qui rassemblait plus de 3 000 personnes, ce sont 378 personnes qui ont été tuées de sang-froid. La grande majorité était des civil·es.
Armés de fusils d’assaut, de mitraillettes, de grenades et de roquettes, les groupes armés palestiniens n’ont épargné personne. Des nourrissons et des personnes âgées ont eux aussi été massacrés. Les combattants ont pourchassé celles et ceux qui essayaient de fuir, s’infiltrant jusque dans les lotissements résidentiels et dans les habitations. À maintes reprises, ils se sont introduits dans les maisons, jetant des grenades jusque dans les pièces sécurisées dans lesquelles les familles s’étaient réfugiées.
Les victimes étaient principalement des Israélien·nes de confession juive. Mais les attaques ont également ciblé des Bédouin·nes d’Israël et plusieurs dizaines de personnes d’autres nationalités, notamment des travailleur·euses migrant·es, des étudiant·es ou des demandeur·euses d’asile. Au total, environ 1 200 personnes ont perdu la vie et quelque 4 000 personnes ont été blessées.
La majorité des combattants ayant pris part aux attaques du 7 octobre 2023 faisaient partie des Brigades Al-Qassam, la branche militaire du Hamas. Nous avons également pu identifier des combattants des brigades Al-Quds, la branche militaire du Jihad islamique palestinien, ainsi que des brigades des Martyrs Al-Aqsa, la branche militaire du Fatah.
Répondant aux appels lancés par les dirigeants du Hamas ou agissant spontanément, des centaines d'autres personnes, en vêtements civils, se sont également joints aux attaques dans ce qui semble apparaître comme une action largement non coordonnée.
Mais contrairement aux affirmations du Hamas, le caractère systématique, coordonné et généralisé des attaques ne laisse aucune place au doute : ces attaques étaient commanditées et ciblaient délibérément les populations civiles. Elles ont causé la destruction de centaines d’habitations. Des dizaines de milliers de personnes qui habitaient dans les zones attaquées, ainsi qu’aux alentours, ont été déplacées.
Aujourd’hui, elles doivent vivre avec d’immenses traumatismes causés par les attaques et la perte de leurs proches. Or nombre de responsables des crimes commis durant cette journée ont été exécutés par l’armée israélienne, empêchant les familles de pouvoir obtenir justice.
L’enfer de la captivité pour les otages
Durant la journée du 7 octobre 2023, 251 personnes ont été prises en otages par les groupes armés palestiniens. Parmi elles, seize n’étaient encore que des enfants âgés de moins de 10 ans. Neuf avaient plus de 80 ans.
Ces personnes ont été retenues captives pendant des semaines, des mois voire pour certains des années. Certain·es survivant·es expliquent avoir été enchaîné·es dans des tunnels souterrains pendant une partie voire la totalité de leur captivité.
Beaucoup racontent avoir été maltraités, torturés et avoir subi de multiples abus physiques, sexuels et psychologiques. Dans près d’une vingtaine de cas, les corps de personnes décédées et prises en otage ont même été maltraités, mutilés, brûlés, battus.
Les brigades al-Qassam, Al-Quds et Al-Aqsa comptent parmi les responsables que nous avons pu identifier.
Dans une vidéo qui a largement circulé, on voit le corps inerte de Shani Louk à l’arrière d’un pick-up. Elle ne porte que des chaussures, un short noir et un soutien-gorge, visiblement remonté au-dessus de sa poitrine. Autour d’elle, quatre hommes la promènent en parade, devant une foule en liesse.
Un jeune agriculteur thaïlandais, pris en otage par les brigades de Al-Qassam le 7 octobre, explique avoir été tabassé par des combattants, avant d’être emmené dans un tunnel et maintenu captif avec trois autres Tthaïlandais et un Israélien. Durant sa captivité, il rapporte avoir été battu à de multiples reprises pendant les trois premiers jours et privé de provisions suffisantes. Il a été libéré le 25 novembre 2023.
Libéré le 8 février 2025, Eli Sharabi explique avoir été enchaîné durant 15 mois de captivité et tabassé à de multiples reprises. Cette violence, explique-t-il, ne serait rien en comparaison à la souffrance de la faim. Des violences justifiées par les combattants palestiniens sous prétexte que des détenus palestiniens expérimentaient des traitements similaires.
Aujourd'hui, une dépouille est encore retenue à Gaza. Le Hamas affirme rencontrer des difficultés pour la retrouver, sous les décombres. Nous demandons son rapatriement inconditionnel dès qu’elle sera localisée.
Sur le même sujet
Ce rapport s’inscrit en continuité du travail d’enquête mené sur les crimes commis par le Hamas et les autres groupes armés palestiniens. Des éléments, qui sont notamment publiés au sein de notre rapport annuel, chaque année.
Depuis le 7 octobre 2023, nous avons condamné les violences et atrocités commises par le Hamas et autres groupes armés palestiniens et appelé, à maintes reprises, à la libération de tous les otages.
En février 2025, nous avons ainsi remis au Président Emmanuel Macron une pétition. Signée par plus de 155 000 personnes, elle appelait à un cessez-le-feu et une libération immédiate et sans conditions des otages.
Nos publications :
Octobre 2023 : Israël/Gaza : les civil·es face à une vague de violence sans précédent
Octobre 2023 : Israël : les groupes armés palestiniens doivent rendre des comptes pour les atrocités commises
Novembre 2023 : Israël/Gaza : les otages civils retenus par le Hamas et d'autres groupes armés doivent être immédiatement libérés
Octobre 2024 : Israël : un an après le 7 octobre, l’urgence d’un cessez-le-feu et de la libération des otages
Février 2025 : Gaza : la dignité des otages défunts non respectée
Septembre 2025 : Israël/Gaza : deux ans après, l'horreur continue pour les otages et leur famille
Violences sexuelles durant les attaques
Notre enquête atteste de violences sexuelles commises sur les populations civiles par des combattants vêtus d'uniformes militaires et par des hommes armés ou non armés en tenue civile. Une personne a notamment confirmé auprès de nos équipes son témoignage livré aux médias, dans lequel elle explique avoir été immobilisée par des hommes armés, déshabillée de force et violée lors des attaques contre le festival de Nova.
Deux otages ont également affirmé publiquement à leur libération avoir été victimes d’agressions sexuelles durant les attaques. Enlevée à Nir Oz, Ilana Gritewsky a ainsi rapporté au Conseil de sécurité des Nations unies avoir été battue, humiliée et touchée sur toutes les parties de son corps lors de son enlèvement. Elle explique ainsi : « Lorsqu’ils ont commencé à abuser sexuellement de moi, j’ai perdu connaissance. Physiquement et mentalement, c’était trop pour moi ». Elle relate avoir repris conscience à Gaza, partiellement nue sur le sol, entourée d’hommes armés.
Une autre femme, Amit Soussana, a également déclaré au Conseil de sécurité des Nations unies, dans des interviews accordées à un journal et dans un film documentaire, que l'homme qui la gardait l'avait forcée à des pratiques sexuelles sous la menace d'une arme. Deux médecins israéliens et un travailleur social ont confirmé au même journal qu'Amit leur avait signalé ces violences sexuelles après son retour en Israël.
Afin d’enquêter sur les actes de violences sexuelles, nous avons recueilli des informations auprès d’un large éventail de sources.
Nous avons obtenu le témoignage d’une personne victime de violences sexuelles. Nous nous sommes par ailleurs appuyés sur des déclarations préexistantes de survivant·es, le témoignage de professionnell·es de santé ainsi que celui de thérapeutes spécialisé·es dans les violences sexuelles.
Nous avons travaillé en conformité avec les directives internationales portant sur la documentation des violences sexuelles liées aux conflits, qui reconnaissent la valeur des témoignages.
Face au manque de coopération des autorités israéliennes, nous nous sommes par ailleurs appuyés sur les informations documentées par le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies sur les violences sexuelles dans les conflits, qui a eu accès à des documents non communiqués à Amnesty International.
Plusieurs autres cas de violences sexuelles commises sur des personnes lors des attaques ou durant leur captivité ont été identifiés par nos équipes, sans que nous ayons pu recouper de manière satisfaisante les informations obtenues. Les difficultés rencontrées pour obtenir des témoignages de victimes ou de témoins ont largement entravé notre capacité à déterminer l’échelle ou le caractère systématique de ces violences.
Néanmoins, en juin 2024, la Commission d'enquête des Nations unies, déclarait avoir identifié « un schéma de violence sexuelle » et que « ces incidents n'étaient pas isolés, mais avaient été perpétrés de manière similaire dans plusieurs endroits, principalement contre des femmes israéliennes ». Elle souligne cependant également les limites rencontrées durant son enquête.
Plusieurs témoignages de personnes victimes de violences sexuelles ont été livrés aux médias, au sein de forum publics ou auprès d’instances internationales telles que le Conseil de sécurité de l’ONU.
Cependant, il nous a été difficile de documenter ces cas et de recouper les informations avec l’appui de nouveaux témoignages de ces victimes. Premièrement, une grande partie des victimes est morte lors des attaques. Beaucoup de survivant·es de violences sexuelles ont par ailleurs refusé de témoigner auprès de nos équipes.
Les raisons avancées sont diverses : certains ont déclaré qu'ils souffraient encore d'un traumatisme, qu’ils souhaitaient tourner la page, ou ne pas répéter leur récit déjà partagé dans les médias. Certains anciens otages avaient encore des proches retenus captifs et craignaient que cela ne mette leur proche en danger. D’autres encore craignaient de divulguer des informations sensibles en matière de sécurité.
Par ailleurs, il existe peu de preuves visuelles disponibles et publiques des cas de violences sexuelles. De plus, les autorités israéliennes ont recueilli peu de preuves médico-légales après les attaques, ce qui est souvent le cas en temps de conflit. Enfin, Amnesty International a sollicité la coopération des autorités et de l'armée israélienne aux fins de cette enquête, mais sans succès.
D’autres organisations ont fait face à des contraintes similaires. Dans son rapport publié en juin 2024, la Commission d’enquête des Nations unies explique avoir rencontré d’importantes difficultés pour accéder aux victimes et aux témoins de violences sexuelles et avoir fait face à de nombreuses obstructions de la part des autorités israéliennes.
De la même manière, dans un des derniers rapports parus sur le sujet en juillet 2025, le Projet Dinah énumère d’importantes entraves : le décès d’une partie des victimes, l’existence de barrières inhérentes qui empêchent les victimes de témoigner (traumatismes, honte, etc), la destruction des éléments de preuves médico-légales et l’absence de protocoles adaptés pour protéger les preuves de ces crimes.
Pas de paix sans justice
Plus de deux ans après les attaques, les victimes attendent toujours que justice soit rendue. Ni le Hamas, ni les dirigeants militaires n’ont reconnu publiquement les crimes commis, leur ampleur et leur gravité. Nous appelons les autorités palestiniennes à dénoncer publiquement ces crimes, engager des enquêtes pour identifier les responsables et coopérer avec les mécanismes internationaux.
Le mois dernier, la résolution adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies présentant un plan de paix pour Gaza a été saluée. Pourtant, nulle part dans les discussions ne figure la question centrale de la justice et de la lutte contre l’impunité. Sans justice, il n’y aura pas de paix durable. Les victimes d’atrocités commises en Israël et dans les territoires palestiniens occupés doivent obtenir vérité, justice et réparations.
Nous appelons les États à mettre en place une feuille de route en ce sens et à apporter leur soutien et leur coopération aux institutions comme la Cour pénale internationale et la Commission d’enquête des Nations unies et en protégeant la capacité de ces institutions à exiger l‘obligation de rendre des comptes.
loading ...











