Après l’offensive israélienne contre l’Iran, la population civile subit une autre forme de violence : la répression de la société civile s'est considérablement durcie. Depuis la mi-juin, sous prétexte d'une chasse aux espions et aux personnes accusées de « collaboration » avec Israël, les arrestations et les exécutions arbitraires et expéditives se multiplient. Un engrenage alarmant.
Nouvelles exécutions
Le 27 juillet 2025, deux dissidents politiques, Behrouz Ehsani et Mehdi Hassani, ont été exécutés arbitrairement, en secret, sans avertissement préalable, et après un procès totalement inéquitable qui a duré à peine cinq minutes. Privés d’accès à leurs avocats pendant près de deux ans, ils n’ont pas été autorisés à se défendre. Des “aveux” forcés, obtenus sous la torture, un isolement prolongé et des menaces de violences supplémentaires contre eux et leurs proches, ont été utilisés comme preuves pour les condamner. Plus de 700 personnes ont été exécutées par pendaison cette année. Les autorités iraniennes continuent d’intensifier leur répression depuis "la guerre des 12 jours" avec Israël.
Loin des regards et sous couvert de sécurité nationale, des dizaines de personnes ont été arrêtées par les autorités iraniennes depuis le déclenchement de l’offensive israélienne Rising Lion dans la nuit du 12 au 13 juin. Toutes sont accusées de « collaboration » ou d’« espionnage » pour le compte d’Israël.
Ces arrestations s’accompagnent d’appels officiels à des procès expéditifs et à des exécutions rapides lancé par les autorités judiciaires. Au moins cinq personnes ont d’ailleurs été exécutées en l’espace de quelques jours. Parmi elles, Esmail Fekri, sommairement pendu le 16 juin à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante.
Fragilisée par les frappes israéliennes et américaines, les autorités iraniennes se retournent désormais contre leur propre population, resserrant encore un peu plus leur étau contre la société civile.
Les appels officiels à accélérer les procès et exécutions des personnes arrêtées pour des accusations de collaboration avec Israël illustrent l’instrumentalisation par les autorités iraniennes de la peine de mort en vue d’exercer un contrôle et d’instiller la peur parmi la population en Iran.
Hussein Baoumi, directeur régional adjoint d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord
Un climat de peur et de torture
Le Conseil suprême de la sécurité nationale a affirmé que toute action « en faveur d’Israël » entraînerait la peine capitale pour des infractions floues telles que l’« inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh) ou la « corruption sur terre » (efsad-e fel-arz). Ces infractions aux contours extrêmement vagues ont souvent servi, dans le passé, à justifier des condamnations pour des actes ne constituant en rien des crimes selon les standards internationaux – comme le simple exercice de la liberté d’expression.
Le Parlement iranien est allé encore plus loin : un projet de loi prévoit désormais de rendre automatiquement passible de mort toute accusation de « coopération avec des gouvernements hostiles », notamment Israël et les États-Unis. Ces mesures s’inscrivent dans un durcissement autoritaire généralisé, qui s’est visiblement renforcé ces dernières semaines avec de nouveaux déploiements militaires, couplés à un quasi-total black-out d’internet.
En danger immédiat
Nous sommes particulièrement inquiets pour les personnes déjà condamnées à mort -à l’issue de procès manifestement iniques pour des affaires distinctes des accusations d’espionnage et de collaboration avec Israël. Parmi celles qui se trouvent actuellement dans le couloir de la mort et qui courent un danger imminent, figurent l’universitaire suédo-iranien Ahmadreza Djalali, détenu depuis 2016 et condamné à mort à l’issue d’un procès fondé sur des « aveux » arrachés sous la torture. Le refus persistant des autorités de révéler son lieu de détention fait craindre un danger imminent d’exécution secrète.
Au moins trois femmes risquent également d'être exécutées : la défenseuse des droits des femmes Sharifeh Mohammadi, la travailleuse humanitaire kurde Pakhshan Azizi, et la dissidente kurde Verisheh Moradi. De même neuf personnes risque la pendaison en lien avec les manifestations « Femme Vie Liberté »; et six autres en raison d'une prétendue affiliation à l'Organisation des Moudjahidines du peuple d’Iran (OMPI). En plus de ces 19 cas documentés par notre organisation, nous avons reçu les noms de 13 autres personnes également menacées d'exécution.
La peine capitale est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, et elle ne devrait jamais être infligée, quelles que soient les circonstances. Chercher à exécuter au plus vite des personnes après des “aveux” obtenus sous la torture et à l’issue de procès manifestement iniques constituerait un grave abus de pouvoir et une atteinte flagrante au droit à la vie.
Hussein Baoumi, directeur régional adjoint d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
L’Iran est le deuxième pays, après la Chine, à avoir commis le plus d’exécutions en 2024.