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Une manifestante se coupe les cheveux lors d'une manifestation en faveur des femmes iraniennes à Istanbul, le 2 octobre 2022. © BULENT KILIC / AFP

Une manifestante se coupe les cheveux lors d'une manifestation en faveur des femmes iraniennes à Istanbul, le 2 octobre 2022. © BULENT KILIC / AFP

Discriminations

En Iran, les femmes qui défient le port obligatoire du voile risqueraient 10 ans de prison

Le 20 septembre, le Parlement iranien a adopté un projet de loi "visant à soutenir la culture de la chasteté et du hijab". Un texte qui imposerait des sanctions encore plus dures en cas de non-respect de la législation dégradante et discriminatoire du port obligatoire du voile. Le texte doit maintenant être approuvé par "le Conseil des gardiens" pour devenir loi. Nous dénonçons ces atteintes graves aux droits des femmes et des filles en Iran.

Depuis avril 2023, une nouvelle campagne de répression contre les femmes non voilées fait rage en Iran. 

Un « virus », une « maladie sociale », un « trouble » ou encore une « dépravation sexuelle ». C’est ainsi que des fonctionnaires et des médias publics qualifient le fait de ne pas porter le voile en Iran.

Alors que depuis la mort de Mahsa Amini, en septembre 2022, les Iraniennes et Iraniens manifestent courageusement pour réclamer plus de libertés et le respect de leurs droits fondamentaux, les autorités redoublent de méthodes oppressives pour contrôler et punir les femmes et les jeunes filles.  

Au lieu d’entendre le message scandé à l’unisson dans les rues du monde entier, « Femme, Vie, Liberté », les autorités iraniennes continuent de violer gravement leurs droits sociaux, économiques, culturels, civils et politiques et de restreindre leur liberté de mouvement. 

Ce que nous dénonçons  

Plus d'un million de femmes qui ont été photographiées et identifiées alors qu’elles ne portaient pas de voile dans leur voiture, ont reçu, selon les autorités, des SMS d'avertissement les prévenant que leur véhicule risquait de leur être confisqué. Des milliers de menaces ont déjà été mises à exécution. 

Des centaines d'entreprises ont été fermées de force pour ne pas avoir fait respecter les lois sur le port obligatoire du voile.  

D'innombrables femmes se sont vu refuser l'accès à l'éducation, aux services bancaires et aux transports publics.  

Les tribunaux ont également imposé des peines dégradantes aux femmes reconnues coupables d'avoir enfreint les lois sur le port obligatoire du voile (obligation d’assister à des séances de conseil pour "comportement antisocial", de laver des cadavres à la morgue, de fournir des services de nettoyage dans les bâtiments publics, etc.) 

Le projet de loi visant "à soutenir la culture de la chasteté et du hijab" qui renforcerait encore la discrimination en privant de leurs droits humains, y compris de leurs droits sociaux et économiques, les femmes et les jeunes filles qui choisissent de ne pas porter le voile. Cette loi exposerait par ailleurs toutes celles et tous ceux qui soutiennent le droit des femmes à choisir leur mode d'habillement à de longues peines d'emprisonnement, à la flagellation ou encore à des interdictions de voyager. 

Lire aussi : Les méthodes de répression utilisées par les autorités contre les manifestants

Face à l’intensification de l’oppression des femmes et les filles en Iran, la communauté internationale ne peut pas se contenter d’observer sans rien dire.  

La police des mœurs est de retour 

Le 16 juillet 2023, le porte-parole de la police, Saeed Montazer-Almahdi, a annoncé le retour des patrouilles de police à pied et en voiture pour imposer le port obligatoire du voile dans tout le pays. Il a précisé que des poursuites judiciaires seraient engagées contre les femmes et les filles "qui s'obstinent à enfreindre les règles" et menacé de les "déférer devant la justice".  

En décembre 2022, sous la pression de la contestation sans précédent qui avait gagné le pays à la suite de la mort de la jeune Mahsa Amini, le procureur général iranien avait annoncé la dissolution de la police des mœurs, l’unité qui avait arrêté Mahsa Amini. Une annonce qui n’a cependant jamais été confirmée par les autorités officielles de la République islamique d’Iran, ni suivie de faits. Aujourd’hui, des annonces officielles indiquent au contraire leur retour dans la rue d'Iran et même le renforcement du contrôle des femmes non voilées.  

En parallèle, des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent les forces de sécurité en train d'agresser violemment des femmes dans la capitale Téhéran et dans la ville de Rasht, dans la province de Gilan. 

La police des mœurs est de retour en Iran. Les autorités ne trompent personne lorsqu’elles retirent l’insigne de la police des mœurs sur les uniformes et les camionnettes des patrouilles, mais que parallèlement elles encouragent les partisans de l’oppression par la République islamique et de la soumission des femmes et des filles à participer aux mêmes violences que celles qui ont tué Mahsa Zhina Amini en toute impunité. 

Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty International France 

Qu'est-ce que la police des moeurs ?

La  police des mœurs iranienne (Gasht-e Ershad) est une sous-branche des forces de police du pays mise en place en 2005. Elle relève du mandat du ministère de l'Intérieur. Cette unité patrouille dans les rues iraniennes et agit au nom de la défense des « bonnes mœurs ». C’est cette même unité qui a arrêté Mahsa Amini pour « port du voile non conforme à la loi. » 

Le soulèvement populaire qui a lieu en Iran reflète la rage de la population face à des décennies d’oppression. 

Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International 

Plusieurs vidéos analysées en 2019 ont dévoilé le niveau de brutalité de cette police des mœurs contre les femmes : ils les arrêtent au hasard dans la rue, les menacent, leur ordonnent de remonter leur foulard pour cacher des mèches de cheveux ou leur donnent des mouchoirs en papier pour essuyer leur maquillage. Dans ces vidéos, on les voit les agresser physiquement, les gifler, et les pousser sans ménagement dans des fourgons de police.  

Lire aussi : En Iran, les femmes agressées et insultées au nom des "bonnes moeurs"

« Ils nous font vraiment vivre dans la peur »  

La répression observée actuellement en Iran est renforcée par le recours à des technologies de surveillance de masse qui sont capables de révéler l’identité des femmes qui ne portent pas le voile dans leur voiture ou dans des lieux où elles circulent à pied. 

Entre le 15 avril et le 14 juin 2023, la police a envoyé près d'un million de SMS contenant des messages d’avertissement à des femmes photographiées sans voile dans leur voiture.

133 174 SMS ont ordonné l’immobilisation temporaire du véhicule, 2 000 voitures ont été confisquées et 4 000 récidivistes ont été déférées devant la justice à travers le pays. 

Des centaines de commerces ont été fermés parce qu’ils n’ont pas appliqué les lois sur le port obligatoire du voile, et des femmes se sont vu refuser l'accès au système éducatif, aux services bancaires ou aux transports publics.  

Émotionnellement et psychologiquement, toutes ces menaces que [les autorités] lancent ont un impact très négatif sur nous […] La République islamique veut nous montrer qu’elle fera tout pour garantir l’application de l’obligation du port du voile […] Ils veulent faire croire à la communauté internationale qu’ils renoncent à la violence alors qu’en réalité ils continuent de mener ces actions discrètement. Ils nous font vraiment vivre dans la peur. 

Une femme dans la province d’Esfahan qui a reçu un SMS lui ordonnant d’immobiliser sa voiture pendant 15 jours parce qu’elle conduisait sans porter le foulard 

1millionde SMS contenant des messages d’avertissement adressés à des femmes photographiées sans voile dans leur voiture.
108 211signalements relatifs à l’obligation du port du voile ont été effectués concernant des « infractions » observées dans des commerces
300« délinquantes » ont été identifiées et déférées devant la justice

Le projet de loi visant « à soutenir la culture de la chasteté et du hijab » 

Les autorités judiciaires et de l’exécutif ont soumis au parlement, le 21 mai 2023 le projet de loi visant « à soutenir la culture de la chasteté et du hijab ». Ce texte prévoit que les femmes et les filles, qui apparaissent sans voile dans les espaces publics et sur les réseaux sociaux ou qui montrent « une partie dénudée de leur corps ou portent des vêtements légers ou collants », s’exposent à tout un ensemble de sanctions qui porteront gravement atteinte à leurs droits fondamentaux, notamment à leurs droits sociaux et économiques. Amendes, confiscation des voitures et des appareils de communication, interdiction de conduire, prélèvements sur le salaire ou les prestations liées à l’emploi, licenciement ou encore interdiction d’utiliser les services bancaires. 

Le projet de loi propose également de condamner les femmes et les filles déclarées coupables d’avoir enfreint la législation sur le port du voile « de façon systémique ou en collusion avec des services de renseignement ou de sécurité étrangers » à une peine de cinq à dix ans d’emprisonnement ainsi qu’à une interdiction de voyager et à une assignation à résidence dans un lieu désigné.  

Les dirigeant·es d’institutions publiques ou d’entreprises privées qui permettent à des employées ou à des clientes de ne pas porter le voile dans leurs locaux s’exposeraient quant à eux à des peines allant de la fermeture de l’établissement à de longues peines d’emprisonnement et à une interdiction de voyager. 

Enfin, le projet de loi propose des sanctions pour les athlètes, les artistes et les autres personnalités publiques qui ne respectent pas l’obligation du port du voile telles que l’interdiction de participer à des activités professionnelles, l’emprisonnement, la flagellation et des amendes. 

Voté par le Parlement le 20 septembre 2023, le texte doit maintenant être approuvé par "le Conseil des gardiens" pour devenir loi.

Des peines dégradantes 

Pour punir les femmes qui sont apparues dans des lieux publics sans leur voile, les autorités leur infligent des peines dégradantes.  

Nos chercheurs ont examiné les décisions rendues contre six femmes, en juin et juillet 2023. Leur sanction les obligeaient par exemple à assister à des séances de conseil sur le « trouble de la personnalité antisociale », à laver des corps à la morgue ou à nettoyer des bâtiments publics. 

L’intensification de la répression visant les femmes qui ne respectent pas l’obligation du port du voile reflète le mépris des autorités iraniennes pour la dignité humaine, les droits des femmes et des filles, le respect de la vie privée et la liberté d’expression, de religion et de croyance. Elle souligne également une tentative désespérée des autorités qui cherchent à réaffirmer leur domination et leur pouvoir sur les personnes qui ont osé s’opposer à plusieurs décennies d’oppression et d’inégalités lors du mouvement de révolte « Femme. Vie. Liberté ».  

Lire aussi : Ces Iraniennes, symboles de la lutte pour les droits des femmes en Iran, ont été libérées de prison

Nous saluons le courage des Iraniennes et Iraniens qui continuent de s’opposer à l’oppression et de se battre pacifiquement pour leurs droits fondamentaux. Nous sommes à leurs côtés et demandons à la communauté internationale, et notamment à la France, de réagir dès maintenant. Ensemble, continuons de scander avec le peuple iranien  « Femme, vie, liberté ! »  

Nos demandes 

Les autorités iraniennes doivent :  

abolir l’obligation du port du voile ; 

annuler toutes les déclarations de culpabilité et toutes les peines prononcées contre des femmes ou des filles qui ont défié cette obligation ;

abandonner toutes les charges retenues contre celles qui encourent des poursuites, et libérer sans condition toutes celles qui ont été incarcérées parce qu’elles n’ont pas respecté l’obligation du port du voile ;  

abandonner les projets visant à sanctionner des femmes et des filles parce qu’elles ont exercé leurs droits à l’égalité, au respect de la vie privée et à la liberté d’expression, de religion et de croyance. 

Les États doivent :  

réagir par le biais de déclarations publiques et d’interventions diplomatiques énergiques ; 

réagir en actionnant les recours juridiques permettant de mettre en cause la responsabilité des dirigeants iraniens qui ont ordonné, planifié et commis des violations généralisées et systématiques des droits fondamentaux des femmes et des filles avec l’application de l’obligation du port du voile ;

aider les femmes et les filles à fuir, lorsqu’elles le souhaitent, la persécution liée au genre et les graves violations des droits humains commises en Iran ;  

veiller à ce qu’elles puissent accéder rapidement et en toute sécurité à la procédure de demande d’asile, et à ce qu’elles ne soient en aucun cas renvoyées de force dans leur pays. 

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