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Témoignage 

être une personne LGBTI+ en Ukraine 

Anna, cofondatrice de l'ONG Sphere en Ukraine © Kate Mamaisur/Amnesty International

À l’occasion de la marche des fiertés parisienne, nous accueillons Anna et Vera, les fondatrices de l’ONGs Sphere en Ukraine. Découvrez leur témoignage.

Vous faites partie d’une des plus anciennes associations de défense des droits des personnes LGBTI+ en Ukraine. Avez-vous vu des évolutions de ces droits ces dernières années en Ukraine ?  

Ana et Vera - En Ukraine, la situation n’est pas devenue parfaite pour la communauté LGBTQI+ et on ne peut pas dire qu’elle se soit améliorée considérablement au cours de ces dernières années. Cependant, on a noté des changements. En matière de sensibilisation du public, notamment, le niveau d’acceptation ou de neutralité par rapport à la communauté a augmenté. Un certain nombre de mesures visibles au niveau national et régional ont été mises en œuvre. Les problématiques LGBTQI+ ont commencé à être abordées dans le débat politique (par exemple, avec le projet de loi contre les crimes de haine). Il y a trois ans, l’organisation de la marche des fiertés de Kharkiv (KharkivPride) a décidé de concentrer ses activités de campagne sur : la lutte contre les crimes et les discours de haine à l’encontre des personnes LGBT+ et d’autres groupes vulnérables ; la prévention et la lutte contre le harcèlement en milieu scolaire ; l’égalité d’accès aux institutions de l’État et en particulier aux droits relatifs au mariage et à d’autres services publics.  

Anna et Vira, les co-fondatrices de l'ONG Sphere marchent avec un drapeau LGBTI © Kate Mamaisur/Amnesty International

Depuis 2017, vous avez été la cible de 30 attaques. Comment trouvez-vous la force de continuer devant ce déferlement de violence ?  

A. et V. - La communauté LGBTQI+ ne s’est jamais sentie en sécurité en Ukraine. De plus, nous ne nous sommes jamais sentis serein·es. Pour être honnête, de nombreuses personnes de notre équipe et de bénévoles qui ont participé à l’organisation des marches des fiertés de Kharkiv et d’autres événements publics, et notamment au fonctionnement du centre communautaire PrideHub, étaient sur le qui-vive en sortant de chez elles face au risque d’agression. Nous avons malheureusement fait l’objet de menaces et d’attaques de la part de groupes d’extrême droite à de nombreuses reprises. 

Lire aussi : portrait des membres de l'ONG Sphere

Ainsi, nous avons toujours essayé de disposer de moyens de nous défendre (par exemple, des sprays anti-agression) et de stratégies de fuite en cas d’attaque. Cependant, cette situation était plus courante et plus facile à contrôler que la situation actuelle. Avant, nous avions des plans et des stratégies pour assurer notre protection personnelle et publique, ce qui n’est plus le cas. Ces stratégies, ainsi qu’une forme de soutien et de compréhension mutuels, nous ont aidé·es à trouver la force de supporter ces attaques. Il est impossible de prévoir les bombardements et encore moins de les contrôler. Ainsi, cette situation est bien plus dangereuse pour nous que ce que nous avons connu par avant (les menaces d’extrême droite).  

Vira, co-fondatrice de l'ONG Sphere, décore les locaux de l'association © Kate Mamaisur/Amnesty International

Vous avez porté plainte à plusieurs reprises à la suite de violences. Qu’a répondu la police ? De manière générale, pensez-vous que la protection policière est suffisante lors des prides en Ukraine ?  

A. et V. - La protection policière s’est améliorée ces dernières années par rapport à la période 2015-2018. Cependant, elle est loin d’être parfaite. Par exemple, lors de la dernière marche des fiertés de Kharkiv en 2021, une colonne de policiers entourait les participant·es. Ils ont assuré la sécurité, ont arrêté quelques manifestant·es opposé·es à la marche qui tentaient de s’infiltrer et ont protégé les participant·es. Néanmoins, les participant·es ont entendu des insultes homophobes, les agents de police n’étaient pas bienveillants et surtout, nous avions l’impression d’être enfermé·es dans une cage : la police protégeait population contre nous plutôt qu’elle n’assurait notre sécurité, du moins, c’est ainsi que nous avons ressenti la manière dont ils ont déployé la protection. Après la marche, des représentant·es de Sphere ont rencontré des représentant·es de la police afin de revenir sur le déroulement de la marche. Nous avons pu soulever nos préoccupations et les représentant·es de la police ont semblé les prendre en compte. 

En ce qui concerne les attaques, la police n’a pas coopéré correctement avec nous. Aucune des plaintes et signalements déposés auprès des services de police n’ont abouti, aucun auteur de crime n’a été identifié. La plupart des crimes que nous avons dénoncés n’ont pas été qualifiés correctement et aucun n’a été qualifié en tant que crime de haine. 

Dans les locaux de l'ONG Sphere en Ukraine © Kate Mamaisur/Amnesty International

En quoi le soutien d’ONG comme Amnesty est important pour vous ? 

A. et V. - Amnesty International est une organisation internationale dont l’action a un impact au niveau mondial pour des milliers de personnes. Le travail accompli chaque jour par Amnesty International est inestimable. Grâce au soutien apporté par Amnesty International, Sphere est devenue bien plus visible au niveau international, nous avons développé de nouveaux contact et renforcé notre capacité organisationnelle. Amnesty International a la capacité de faire connaître au monde entier les problèmes rencontrés par notre communauté LGBTQI+ locale et nos militant·es, ce que Sphere n’est pas en mesure de faire. Les ONG comme Amnesty International peuvent devenir nos alliées dans le combat contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie et apporter beaucoup en matière d’actions de plaidoyer. Ce n’est qu’en joignant nos efforts que nous pourrons remporter ce combat.  

 

Anna porte le drapeau LGBTI autour d'elle © Kate Mamaisur/Amnesty International

La guerre en Ukraine a-t-elle eu un impact particulier sur les personnes LGBTI ?

À la suite de l’invasion de l’Ukraine le 24 février, de nombreux groupes vulnérables, parmi lesquels les personnes LGBTQI+, se sont trouvés plongés dans des conditions de vie particulièrement difficiles. La crise humanitaire ainsi que le manque de ressources et la peur d’être victime de discrimination et d’être ciblé·e par les forces d’invasion ont touché très durement les membres de la communauté. De nombreuses personnes ont dû fuir et ont maintenant perdu le contact avec la communauté et ses ressources. Les répercussions spécifiques de la guerre se manifestent à de nombreux niveaux.

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Sur le plan personnel, les personnes LGBTQI+ se sont déplacées et installées à d’autres endroits, où elles devront à nouveau faire leur coming-out ou être confrontées à l’intolérance de voisins, de proches ou de connaissances, etc. Au niveau de la communauté, les capacités en matière de plaidoyer se sont affaiblies étant donné que les membres se sont éparpillés et que certaines organisations ont cessé leurs activités. Les répercussions générales de la guerre (problèmes de sécurité, chômage, manque de ressources, difficultés de transport, etc.) touchent également la communauté. 

 

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