En 2024, la France est devenue le premier pays au monde à inscrire explicitement dans sa Constitution l'interruption volontaire de grossesse (IVG). La constitutionnalisation de l'avortement est un point culminant pour les droits des femmes. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Pourquoi inscrire ce droit dans la Constitution est important ? Explications.
Le droit à un avortement sécurisé est un droit fondamental. Pourtant, partout dans le monde, ce droit et les personnes qui le défendent ne cessent d’être questionnés, stigmatisés et criminalisés. En Europe, certains pays restreignent encore fortement l’accès à l’avortement. Aux États-Unis, la Cour suprême a annulé le droit constitutionnel à l'avortement en 2022, pourtant protégé depuis 1973. Face à ces politiques rétrogrades, il est plus important que jamais de protéger ce droit.
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En France, le droit à l’avortement constitutionnalisé
Le 4 mars 2024, 49 ans après la promulgation de la loi Veil sur la dépénalisation de l'avortement, les parlementaires français réunis en Congrès à Versailles ont voté à une écrasante majorité en faveur de l'inscription dans la Constitution de la « liberté garantie » pour une femme d’avoir recours à une IVG.
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Cette réforme a été introduite à l'article 34 sous la formulation suivante : "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse". Une victoire historique pour toutes les personnes qui défendent ce droit, en France et dans le monde.
Ce vote historique (…) revêt une importance considérable compte tenu du recul de ce droit essentiel observé dans le monde entier. La consécration de ce droit constitue un rempart important contre les mouvements anti-droits de plus en plus virulents.
Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty international
Liberté vs droit
Si ce vote constitue une avancée historique, il est toutefois important de souligner que la formulation approuvée par les parlementaires français pour "garantir la liberté" d'accès à l'avortement n'est pas contraignante.
En inscrivant explicitement le "droit" à l'avortement, l'État aurait été obligé de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour le garantir. Ici, en décidant de consacrer plutôt la "liberté" d'une personne à recourir à l'avortement, le texte renvoie davantage aux conditions d'exercice de celle-ci.
Par ailleurs, nous demandons une approche plus inclusive, afin que le droit à l'avortement soit garanti non seulement aux femmes, mais aussi aux hommes transgenres et aux personnes non binaires.
Prévenir une remise en cause de l’IVG
En France, la Constitution est la loi suprême du pays, à laquelle toutes les autres lois doivent se conformer. En inscrivant le droit à l’avortement dans la Constitution, les autorités donnent une plus grande valeur juridique et rendent la modification de ce droit plus complexe.
En effet, la loi est discutée et votée par deux chambres au sein du Parlement : l’Assemblée nationale et le Sénat. Or l’Assemblée nationale est fortement sujette aux évolutions des forces politiques et des élections.
Une modification de la Constitution étant bien plus contraignante que celle d’une simple loi, inscrire l’avortement dans le texte suprême permet ainsi de prévenir de potentiels retours en arrière de ce droit en cas de changement de majorité au sein de l’Assemblée.
En plus d’apporter une protection supplémentaire à ce droit, inscrire ce droit dans la Constitution permet aussi de lui conférer une portée symbolique et de confirmer l'attachement du pays à ce droit.
Un exemple pour les autres pays
La France est le premier pays au monde à inscrire l’IVG dans son arsenal constitutionnel. En consacrant la liberté d'avorter, le pays affirme sa volonté de ne pas remettre ce droit en cause et de prévenir les risques de régression.
C'est un symbole important vis-à-vis des pays qui restreignent ou criminalisent le droit à l’avortement. En Europe, les cas de la Pologne, de Malte ou d'Andorre qui criminalisent toujours l’avortement rappellent combien le droit à l'avortement reste fragile et menacé.
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Aux États-Unis également, la Cour suprême a annulé, en 2022, l’arrêt Roe vs. Wade. Pierre angulaire du droit à l’avortement et de la liberté des femmes à disposer de leur corps dans tout le pays, il garantissait le droit à l’avortement au niveau fédéral depuis 1973.
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