La ville d’El Fasher, l’un des derniers bastions de l’armée soudanaise dans le Darfour, est tombée aux mains des forces de soutien rapide. Les atrocités commises envers les populations civiles sont terriblement choquantes. Le groupe paramilitaire poursuit sa conquête à l’est, dans la région du Kordofan, et les civil·es risquent à nouveau d’être au cœur des violences. La communauté internationale ne doit pas rester silencieuse face à ces massacres.
Au Soudan, la terrible guerre déclenchée en avril 2023 se poursuit. Elle a provoqué des dizaines de milliers de morts et le déplacement de 12 millions de personnes. Plus de 30 millions de personnes, soit les deux tiers de la population, nécessitent une aide humanitaire. C’est la plus grande crise humanitaire au monde selon les Nations unies.
Les populations civiles se retrouvent entre les deux feux. Amnesty International a documenté de graves violations de droits humains commises par les deux parties depuis les débuts du conflit au Soudan. Les femmes et les filles sont particulièrement victimes de sévices. Elles sont la cible de violences sexuelles comme les viols, les viols en réunion et l’esclavage sexuel. Nos équipes de recherche ont documenté les violences sexuelles commises par les forces de soutien rapide (FSR) qui visent à humilier, contrôler et déplacer des communautés à travers le pays.
Notre organisation a également documenté des attaques ciblées des FSR et de groupes alliés en fonction de critères ethniques contre les Masalits et d’autres communautés non arabes dans l’État du Darfour occidental.
L’intensification des attaques des forces de soutien rapide (FSR) dans la région du Kordofan au Soudan laisse présager de nouveaux massacres.
Les forces armées soudanaises (FAS) menées par Abdel Fattah al-Burhan se disputent le contrôle du Soudan avec les forces de soutien rapide (FSR) menées par le général “Hemetti”. Les rivalités entre les deux hommes pour le contrôle de l'État n’ont fait que s’intensifier avant d’aboutir au déclenchement de la guerre civile le 15 avril 2023. Depuis lors, les populations civiles se retrouvent au cœur du conflit qui opposent les FAS et les FSR et sont victimes de graves violations commises par les deux parties.
Lire aussi : ce qu’il faut savoir sur le conflit au Soudan
Le tournant avec la prise de la ville El Fasher par les FSR
La ville d’El Fasher, située dans la région du Darfour, était l’une des dernières enclaves à ne pas être encore passée sous le contrôle des FSR. Mais après 18 mois de siège féroce, la ville est tombée le 26 octobre 2025 entre leurs mains.
Avant le siège, plus de 1,5 million de personnes habitaient à El Fasher. Des centaines de milliers de personnes avaient fui la ville et étaient en proie à la famine dans des camps de déplacés autour de la ville. Le camp de réfugiés de ZamZam, à 15km d’El Fasher, abritait plus de 400 000 personnes avant d’être vidé de ses habitant·es victimes de bombardements. Mais certaines personnes n’avaient pas réussi à fuir la ville. 260 000 civil·es étaient encore pris au piège, coupé·es de toute aide humanitaire, lorsque la ville est tombée aux mains des FSR.
Depuis la chute de la ville, des atrocités ont lieu à l’encontre des populations civiles à El Fasher. L’un des faits les plus choquants est le massacre d’au moins 460 personnes dans une maternité lors de la prise d’El Fasher selon l’Organisation mondiale de la santé. Des vidéos étudiées par nos chercheur·es ont révélé une série d’attaques. Les FSR commettent des violences, des homicides. lIs tirent sur les personnes qui tentent de fuir la ville.
Le 3 novembre, le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale s’est dit “profondément alarmée”par la situation à El Fasher. Le 7 novembre, les Nations unies ont mis en garde contre de “possibles crimes de masse”.
Nous n’entendons pas les cris, mais – alors que nous sommes réunis ici – l’horreur continue.
Le chef des affaires humanitaires de l’ONU, Tom Fletcher, devant le Conseil de sécurité des Nations unies le 31 octobre 2025.
Ce qu’il se passe à El Fasher est abominable. Ces événements s’inscrivent dans la longue liste des sévices infligés par les FSR aux populations civiles.
La région de Kordofan menacée
Après la prise d’El Fasher, les FSR se déplacent désormais dans l’est du Soudan. Les populations civiles de la région du Kordofan-Nord et celle du Kordofan-Sud sont menacées par les incursions des FSR.

Carte du Soudan indiquant les zones contrôlées par les FAS (en vert) et celles contrôlées par les FSR et leurs alliés (en orange) au 28 octobre 2025 après la chute d’El Fasher. Données du Critical Threats Project at the American Enterprise Institute. © SYLVIE HUSSON / AFP
A la veille de la prise d’El Fasher, les FSR s’étaient également emparés de la ville de Bara, à 30 kilomètres d’El Obeïd, la capitale du Kordofan du Nord. Mais Bara a depuis été reprise par l’armée soudanaise le 17 novembre.
El Obeïd est également menacée de siège par les FSR. Le 3 novembre, une frappe de drone aurait tué au moins 40 personnes lors de funérailles. En plus d’encercler El Obeïd, les FSR continuent d’assiéger la ville de Kadugli dans le Kordofan du Sud.
Nous craignons que les populations civiles soient la cible de massacres comme ceux commis à El Fasher. Nous ne devons pas laisser ces atrocités continuer à se perpétrer au Soudan dans le silence assourdissant de la communauté internationale.
Il ne doit pas y avoir de répétition des terribles massacres et atrocités signalés depuis El Fasher ces dernières semaines.
Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International
Le commerce mondial des armes alimente le conflit au Soudan
Au Soudan, les parties au conflit sont armées par des pays tiers. Amnesty International a identifié sur le champ de bataille soudanais des armes en provenance de Chine, des Émirats arabes unis, de Russie, de Serbie, de Turquie et du Yémen. Ces armes sont mises entre les mains de combattants qui sont accusés de violations du droit international. Elles aggravent la crise humanitaire au Soudan.
Du matériel de guerre français, incorporé sur des véhicules blindés émiratis, a également été détecté par nos équipes de recherche sur le terrain. Il s’agit du système GALIX, fabriqué par les entreprises françaises KNDS France et Lacroix Défense, vendu aux Émirats Arabes Unis.
L’utilisation de ces armes sur le tout le territoire soudanais démontre que l’embargo actuel appliqué aux armes dans la région du Darfour est inefficace. Un embargo étendu à l’ensemble du Soudan est primordial pour enrayer les violences envers les populations civiles.
Nos demandes
La communauté internationale, notamment les Émirats arabes unis, le Conseil de sécurité des Nations unies, les États membres de l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine, doivent exercer de toute urgence des pressions sur le commandement des FSR afin qu’ils cessent leurs attaques brutales contre la population civile
Au niveau régional, l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement, l’Organisation de la coopération islamique, et la Ligue arabe, doivent également faire pression sur les FSR.
Les Nations unies doivent étendre l’embargo actuel sur le commerce des armes au Darfour à l’ensemble du Soudan.
La communauté internationale doit accélérer l’aide humanitaire au Soudan.
Les responsables d’atrocités commises contre des civil·es au Souan doivent répondre de leurs actes devant la justice.
loading ...





