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Des chefs héréditaires de la nation autochtone Wet'suwet'en manifeste contre le pipeline Trans Mountain, le 10 mars 2018, à Burnaby, Colombie-Britannique, Canada / © Michael Wheatley - Alamy Banque D'Images
Les Wet’suwet’en : le combat d’une nation autochtone pour sauver ses terres
Les Wetʼsuwetʼen vivent en territoire autochtone, non cédé au Canada, depuis des milliers d'années. Or, voilà qu’en 2021, un projet faramineux de gazoduc, le « Coastal Gaslink » menace de traverser leurs terres ancestrales. S’engage alors une lutte effrénée pour faire face aux appétits des entreprises et au harcèlement de la Gendarmerie Royale Canadienne (GRC) et de l’entreprise de sécurité privée Forsythe Security. Plongée au cœur du combat de la nation Wet’suwet’en.
“Je ressens une telle connexion à mes ancêtres sur ce territoire. Cette connexion à la terre, c’est ce qui fait ce que nous sommes.” Sleydo’ (Molly Wickham) est l’une des figures principales de la lutte des Wet’suwet’en. Elle vit avec sa famille sur ce territoire autochtone où vivent environ 5000 personnes Wet’suwet’en dans la province de Colombie-Britannique, une terre convoitée par des entreprises désireuses de mettre la main sur les richesses du territoire, au détriment de leurs droits.
Lire : L’entretien avec Sleydo’ de notre magazine La Chronique
La compagnie d’énergie canadienne, TC Energie, a mis en place un projet de construction de gazoduc, le Coastal GasLink qui traverse les terres des Wet’suwet’en. Un projet non consenti par les chef·fes autochtones. Sleydo’ habite à côté du chantier. Elle a vu s’installer une menace considérable sur la terre de ses ancêtres. La lutte doit s’organiser, au plus vite. Un combat pour la défense de l’environnement, pour sauver leurs terres ancestrales et pour faire respecter les droits des peuples et nations autochtones.
L’ampleur des dégâts qui se produisent sur le territoire est déchirante.
Molly Wickam
La Wedzin Kwa (la rivière Morice) qui se trouve sur le territoire Wet’suwet’en est l’une des dernières sources d’eau potable et l’une des dernières frayères à saumon. Les chef·fes héréditaires Wet’suwet’en craignent que le gazoduc pollue la rivière. Le chantier a déjà entraîné des dommages à la forêt empêchant le peuple Wet’suwet’en de pratiquer ses activités traditionnelles telles que la chasse ou la pêche.
La répression s’abat sur les Wet’suwet’en
Sleydo’ devient la porte-parole du poste de contrôle Gidim’ten qui sert à réguler l’accès à cette partie du territoire des Wet’suwet’en. Elle organise des manifestations pacifiques pour bloquer l’accès des terres à l’entreprise fossile. Les autorités répondent par la répression et par la violence.
Dès 2019, un juge accorde une injonction interdisant aux Wet’suwet’en et à leurs sympathisants de mener des actions de défense des terres à proximité du chantier de construction du gazoduc de Coastal GasLink.
Les Wet’suwet’en se voient harcelés, intimidés, évacués de force et criminalisés par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et par la société privée chargée de la sécurité des travaux.
Entre 2019 et 2021, la GRC mène des raids violents à l’encontre des défenseurs, déployant des hélicoptères, des armes, et des drones de surveillance. Plus de 75 défenseurs des Wet'suwet'en et d'autres défenseurs de l’environnement ont été arrêtés. Parmi eux, Sleydo’, accusée d’outrage. Pourtant, ces personnes ne revendiquaient que l’application du droit à l’auto-détermination.
La décision de permettre la construction du gazoduc de Coastal Gaslink sur les terres des Wet’suwet’en sans le consentement libre, préalable et éclairé de leurs chef·fes héréditaires constitue une violation du droit de la nation à l’auto-détermination et un recul lamentable dans la démarche du Canada vers la réconciliation avec les nations autochtones.
Le Canada est partie à divers traités internationaux relatifs aux droits humains, telles que la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le Canada et la Colombie-Britannique ont adopté des lois pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cette Déclaration reconnaît les droits des Peuples Autochtones à protéger leurs territoires et à ne pas en être chassés. Elle reconnaît aussi le droit à des recours et à des réparations conséquentes pour toute atteinte aux droits individuels et collectifs tels qu’inscrits dans les systèmes de justice autochtones et les mécanismes internationaux des droits humains. Pourtant, le Canada bafoue systématiquement les droits des Peuples Autochtones lorsque ceux-ci s’opposent à des projets d’extraction de ressources.
En février 2025, la Cour suprême de la Colombie-Britannique avait statué que les droits de Sleydo’, Sampson et Jocko ont été bafoués pendant leur arrestation.
La Cour a conclu que le comportement de certains membres de la Gendarmerie royale du Canada lors de l’opération de novembre 2021, notamment leurs propos racistes contre les autochtones, était contraire à la Charte canadienne des droits et libertés.
Cependant, le juge a refusé de lever toutes les charges pesant sur les défenseur·e·s lors de leur condamnation le 17 octobre 2025.
Condamnés pour avoir défendu leurs terres
Plus de 150 000 personnes en France avaient signé notre pétition pour que le Canada abandonne les charges contre les Wet’suwet’en.
Après plusieurs années à combattre aux côtés des Wet’suwet’en, un nouveau verdict est tombé le 17 octobre 2025. Sleydo’, Shaylynn Sampson, et Corey "Jayohcee" Jocko ont été condamnés pour la défense de leurs terres. Cette condamnation est basée sur leur non-respect de l’injonction qui leur interdisait de s’approcher du tracé du gazoduc.
Une injonction que nous avions dénoncée comme portant atteinte aux droits fondamentaux des Wet’suwet’en.
Chacune des peines des défenseur·es incluent du temps de prison : 17 jours pour Sleydo’, 12 jours pour Jocko et 9 pour Sampson. Toutefois, le juge a suspendu l’application de ces peines et a plutôt ordonné aux défenseur·es d’effectuer 150 heures de travaux d’intérêt général.
Un an plus tôt, c’était le chef Dsta’hyl qui était condamné par la justice canadienne et assigné à résidence. Nous l'avions déclaré comme le premier prisonnier d’opinion de l’histoire du Canada.
Même si ces défenseurs restent libres, la peine appliquée à leur encontre envoie un message inquiétant envers l’ensemble des défenseurs de l’environnement. Face à l’urgence climatique, ces condamnations paraissent absurdes et injustes à l’heure où les Etats devraient soutenir plutôt que réprimer les défenseurs de l’environnement.
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