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Pérou
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Pérou en 2024.
Contexte
Le Congrès a pris des décisions politiques qui restreignaient le mandat de plusieurs institutions publiques chargées de protéger les droits humains.
L’annonce faite par la présidente de la fermeture du ministère de la Femme et des Populations vulnérables a montré que le gouvernement faisait peu de cas de la lutte contre la violence fondée sur le genre.
Liberté d’expression et de réunion
Une enquête pénale était en cours sur les 50 morts et les centaines de personnes blessées lors de manifestations entre décembre 2022 et février 2023. En juillet, le ministère public a engagé des poursuites pénales contre de hauts gradés de l’armée et de la police et le procureur général a déposé une deuxième plainte constitutionnelle contre la présidente, Dina Boluarte, et cinq de ses anciens ministres. Les enquêtes portant sur les homicides commis pendant les manifestations de novembre 2020 n’ont guère progressé.
Des propositions de loi soumises au Congrès visaient à accroître le contrôle exercé par l’État sur les organisations de la société civile, à restreindre l’espace civique et les financements externes, et à ériger en infraction administrative certains troubles à l’ordre public.
Droit à un environnement sain
Entre janvier et novembre, l’Institut national de la défense civile a recensé plus de 241 feux de forêt dans le pays, qui ont fait 35 mort·e·s et 285 blessé·e·s. Plusieurs communautés et zones naturelles protégées ont été durement touchées.
Trois ans après le déversement de pétrole au large de Ventanilla, une ville de la périphérie de Lima, la capitale, l’Organisme d’évaluation et de contrôle environnemental a indiqué que des signes de dommages environnementaux étaient toujours visibles dans 19 sites sinistrés. Les autorités n’ont toujours pas apporté d’aide suffisante aux populations touchées par la contamination de l’environnement dans la province d’Espinar (région de Cuzco).
En décembre, les autorités ont déclaré une urgence environnementale de 90 jours en raison d’un déversement d’hydrocarbures sur la plage de Lobitos (province de Talara, dans la région de Piura), qui s’est étendu sur plus de 275 hectares, notamment dans la partie sud de la réserve nationale Mar Tropical de Grau.
Défenseur·e·s des droits humains
Quatre défenseurs de la terre, du territoire et de l’environnement ont été tués au cours de l’année. Deux d’entre eux, assassinés dans la zone tampon autour de la réserve communale Amarakaeri, bénéficiaient de mesures de protection du Mécanisme intersectoriel pour la protection des défenseur·e·s des droits humains.
Le ministère de l’Intérieur ne s’était toujours pas doté d’un protocole permettant de coordonner avec la police la protection des défenseur·e·s des droits humains.
Les auteurs du meurtre, en 2014, de quatre défenseurs de l’environnement appartenant au peuple indigène ashaninka ont été déclarés coupables en avril.
Droit à la santé
Des obstacles structurels restreignaient l’accès à des soins de santé adéquats. Dans ces conditions, les taux d’automédication sont restés élevés et la demande de prise en charge médicale en pharmacie et dans les cliniques privées a augmenté, imposant des dépenses excessivement lourdes aux personnes aux revenus les plus faibles.
L’Ordre des médecins péruvien a dénoncé la pénurie de médicaments dans les établissements de santé publics et la réponse insuffisante des autorités face à ce problème.
Droits des personnes LGBTI
Les droits des personnes LGBTI n’étaient pas respectés et des propositions de loi sur la reconnaissance du genre à l’état civil et l’égalité devant le mariage étaient encore en cours d’examen au Congrès.
Le « transsexualisme » a été qualifié de « trouble mental » dans un décret du ministère de la Santé, au mépris des lignes directrices établies par l’OMS. En réponse à des critiques sur ce point, le ministère a précisé qu’en pratique les personnes transgenres ne devaient pas être traitées comme si elles souffraient de troubles mentaux. Le décret est toutefois resté en vigueur.
Des organisations de la société civile ont dénoncé une proposition de loi débattue au Congrès sur l’union civile des couples de même sexe. Elles la jugeaient discriminatoire, trouvaient qu’elle accordait trop de place à la protection du patrimoine et regrettaient qu’elle n’inclue pas tous les droits auxquels devaient pouvoir prétendre les couples de même sexe, notamment en matière de nationalité et de résidence.
Droits sexuels et reproductifs
Cent ans après la dépénalisation de l’avortement thérapeutique, des obstacles limitant l’accès à ce droit fondamental étaient toujours en place et ce type d’avortement restait trop peu accessible. En 2024, 1 080 filles de moins de 15 ans ont mené une grossesse à terme, dont une de moins de 11 ans.
L’État n’a pas appliqué les recommandations du Comité des droits de l’enfant [ONU] sur l’avortement thérapeutique pour toutes les personnes mineures. En 2023, le Comité s’était prononcé en faveur de Camila, une jeune fille indigène de 13 ans qui n’avait pas été autorisée à interrompre sa grossesse.
Des organisations de la société civile s’étant plaintes, l’accès aux guides d’éducation complète à la sexualité du ministère de l’Éducation, qui avait été restreint, a de nouveau été autorisé. Néanmoins, en octobre, des parlementaires ont déposé la proposition de loi no 9174, qui prévoyait la suppression de l’éducation complète à la sexualité.
Violences sexuelles ou fondées sur le genre
En 2024, le ministère de la Femme et des Populations vulnérables a recensé 168 492 cas de violences perpétrées contre des femmes et d’autres groupes menacés. Il s’agissait de violences sexuelles dans 32 388 de ces cas, dont 22 797 (70 %) concernaient des personnes âgées de 17 ans ou moins. Le ministère a compté 12 924 cas de viols perpétrés contre des femmes et des filles, dont 65 % (8 416 cas) contre des fillettes et des adolescentes. Étant donné que seulement 2 768 « kits post-viol » ont été distribués, on pouvait se demander si tous les protocoles de protection des victimes de violences sexuelles avaient été mis en place. Quant aux féminicides, 162 ont été recensés au cours de l’année. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 10 278 femmes et filles ont été portées disparues en 2024, soit 58 % de l’ensemble des cas de disparition.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
La loi no 32107 est entrée en vigueur en août. Elle prévoyait d’appliquer un délai de prescription aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre commis avant que le Statut de Rome ne prenne effet en 2002. Cette loi était contraire aux obligations qui incombaient au Pérou au titre du droit international, et notamment de la Convention de 1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Les juges ne l’ont d’ailleurs pas appliquée dans au moins trois cas. Ainsi, dans l’affaire de Huanta, une décision a finalement été rendue contre deux anciens hauts dirigeants de la marine péruvienne pour l’homicide de six personnes et la disparition forcée de plus de 50 personnes en 1984, dans la province de Huanta (Ayacucho). Il en a été de même pour la disparition forcée du journaliste Jaime Alaya pendant le conflit armé interne. Les débats se sont poursuivis au Congrès concernant la proposition de loi no 7549, qui visait à amnistier des membres des forces armées et de la police et des fonctionnaires contre lesquels aucune peine définitive n’avait été prononcée dans des affaires liées à la lutte contre les groupes d’opposition armée entre 1980 et 2000.
En juin, un tribunal a rendu un jugement historique contre 13 anciens militaires accusés d’avoir violé dix paysannes à Manta y Vilca (province de Huancavelica) dans les années 1980, pendant le conflit armé interne.
À la suite d’une décision de justice, le processus de réparation intégrale pour les personnes victimes de stérilisation forcée dans les années 1990 a été engagé.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
Les autorités ont continué d’expulser des migrant·e·s dans le cadre de la procédure spéciale de sanction administrative exceptionnelle, sans garantie que ces personnes soient accueillies par un autre pays.
En juillet est entrée en vigueur une décision supprimant la dérogation dont bénéficiaient certaines populations vulnérables, par exemple les enfants, les personnes âgées et les personnes atteintes de maladies chroniques, qui pouvaient se voir délivrer un visa humanitaire sans présenter de passeport. Cette décision obligeait également les Vénézuélien·ne·s à présenter un passeport valide, bafouant les droits de milliers de personnes dont l’accès à des documents d’identité à jour était restreint.
En octobre, le gouvernement a pris un décret obligeant les hôtels et les autres types d’hébergement à demander aux étrangères et aux étrangers leurs documents de voyage et à communiquer ces informations aux autorités. Des amendes étant prévues pour les établissements qui ne se conformaient pas à cette directive.

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