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Afrique du Sud
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Afrique du Sud en 2024.
Le niveau des violences liées au genre demeurait élevé et leurs auteurs étaient rarement inquiétés ; la médiatrice d’Afrique du Sud a conclu que la justice pénale manquait à ses obligations envers les victimes. Le taux d’homicides était toujours très haut et la capacité de la police à enquêter en bonne et due forme sur ces crimes a diminué. Les défenseur·e·s des droits humains menacés n’ont pas été protégés par la police. Le ministère de l’Éducation n’a pas tenu son engagement d’éliminer les latrines à fosse dans les établissements scolaires. La Loi sur l’assurance maladie nationale a été promulguée, mais des dispositions ont été contestées en justice. Des pénuries d’eau ont eu lieu dans tout le pays. Le gouvernement a adopté un livre blanc menaçant de fragiliser les droits des personnes réfugiées. La police a cette année encore fait usage d’une force excessive. La Commission présidentielle pour le climat a conclu que, malgré des engagements forts en faveur de la lutte contre le changement climatique, les progrès étaient lents.
CONTEXTE
Le Congrès national africain (ANC) a perdu sa majorité en mai, lors des élections générales qui ont marqué le 30e anniversaire de la fin de l’apartheid. Un gouvernement d’unité nationale a été formé, composé de 11 partis, et certains postes ministériels ont été attribués à d’autres partis politiques que l’ANC.
Avant les élections, le président, Cyril Ramaphosa, avait promulgué la Loi sur la prévention et la répression des crimes et des discours de haine.
En janvier, le rapport d’enquête publié par la Commission sud-africaine des droits humains sur les émeutes de juillet 2021 a conclu que celles-ci avaient été orchestrées, mais n’a pas identifié les responsables présumés ni les raisons de ces troubles.
En octobre, l’État a déposé devant la Cour internationale de justice (CIJ) son mémoire à l’appui de l’enquête pour génocide visant Israël, dans lequel il indiquait avoir fourni des éléments de preuve démontrant que les autorités israéliennes commettaient le crime de génocide dans la bande de Gaza occupée.
Selon les statistiques officielles, 32,1 % de la population en âge de travailler était au chômage, et 34,2 % des jeunes de 15 à 24 ans n’occupaient pas d’emploi, ne poursuivaient pas d’études et n’étaient pas en formation.
Les phénomènes météorologiques extrêmes, notamment les inondations, survenus dans les provinces du KwaZulu-Natal, du Cap-Ouest et du Cap-Est, ont affecté les populations marginalisées de façon disproportionnée.
VIOLENCES FONDÉES SUR LE GENRE
Le niveau de violence liée au genre demeurait élevé. Selon les statistiques trimestrielles sur la criminalité, 12 765 infractions sexuelles ont été signalées entre juillet et septembre, dont 10 191 viols. Sur la même période, 957 femmes ont été tuées, ce qui représentait une augmentation de 8,6 % par rapport à 2023. Le projet de loi relatif au Conseil national sur la violence liée au genre et le féminicide, qui visait à mettre en place un organe chargé de superviser la mise en œuvre du Plan national stratégique sur la violence liée au genre et les féminicides, a été promulgué en mai.
L’impunité demeurait la règle pour les violences fondées sur le genre. La nouvelle enquête ordonnée en août 2023 par le tribunal de première instance de Protea au sujet des meurtres de Popi Qwabe et Bongeka Phungula n’avait pas encore commencé, notamment parce que le policier chargé de la première enquête n’avait pas fourni suffisamment d’informations. Ces deux femmes avaient été abattues et leurs corps abandonnés sur le bord d’une route à Johannesburg en 2017. L’Autorité nationale chargée des poursuites n’avait pas pu engager une action en justice car elle n’avait pas suffisamment d’éléments de preuve, et l’affaire avait été transmise au ministère de la Justice, qui a ouvert la nouvelle enquête.
En juin, la médiatrice d’Afrique du Sud a publié un rapport d’enquête concluant que le ministère de la Justice et du Développement constitutionnel, la police sud-africaine et le ministère du Développement social s’étaient rendus coupables de mauvaise gestion et de comportement inapproprié dans le traitement des affaires pénales concernant des violences liées au genre.
En septembre, la chambre de la Cour suprême située à Pretoria a estimé que certains articles de la Loi portant modification du droit pénal (infractions à caractère sexuel et aspects connexes) étaient contraires à la Constitution dans la mesure où ils prévoyaient une caractérisation subjective de l’intention criminelle, selon laquelle les violences sexuelles n’étaient pas pénalement répréhensibles si l’auteur des faits croyait à tort et de façon déraisonnable que la personne ayant porté plainte était consentante.
DROIT À LA VIE ET À LA SÉCURITÉ DE LA PERSONNE
Le taux d’homicides demeurait élevé. La police a recensé 6 545 meurtres entre juillet et septembre. Son efficacité et sa capacité à enquêter comme elle le devait sur les homicides, notamment en déférant les personnes soupçonnées à la justice, ont continué de décliner. Le nombre d’affaires de meurtre élucidées a diminué de presque 60 % en 12 ans.
Des défenseur·e·s des droits humains membres d’Abahlali baseMjondolo (AbM), un collectif d’habitant·e·s des bidonvilles, ont cette année encore subi des menaces et des attaques. La police n’a pas protégé ce collectif ni mené d’enquête approfondie sur les homicides dont plusieurs de ses membres ont été victimes.
L’enquête sur les commanditaires du meurtre de Babita Deokaran était toujours en cours, trois ans après la mort de la lanceuse d’alerte. Le ministère de la Justice et du Développement constitutionnel n’a pris aucune mesure pour renforcer la législation afin de protéger les lanceurs et lanceuses d’alerte depuis son appel à contributions sur un document de consultation en 2023.
DROIT À L'ÉDUCATION
Selon un rapport du Système de gestion des établissements scolaires, 1 770 écoles utilisaient encore des latrines à fosse, 287 n’ayant pas d’autres toilettes. Cette situation bafouait les droits à l’éducation, à la santé, à la dignité, à la sécurité et à la vie, et elle était contraire à l’engagement pris à plusieurs reprises par le gouvernement de remplacer toutes les latrines à fosse des établissements scolaires. En avril, un garçon de trois ans s’est noyé dans une latrine à fosse dans une garderie de la province du Cap-Est.
DROIT À LA SANTÉ
En mai, le président a promulgué la Loi sur l’assurance maladie nationale. En juillet, la chambre de la Cour suprême à Pretoria a invalidé certains articles de cette loi qui auraient permis au gouvernement de réglementer les lieux d’exercice des professionnel·le·s de la santé. D’autres contestations de la constitutionnalité du texte étaient à prévoir. Cette loi visait à garantir un accès universel aux services de santé, mais des organisations de la société civile et des organismes d’aide médicale ont exprimé la crainte qu’elle ne limite encore davantage l’accès aux soins en raison du risque de corruption généralisée. L’exclusion des personnes demandeuses d’asile et des migrant·e·s sans papier du dispositif a également été dénoncée, et des réserves ont été émises quant à la capacité de la loi à enrayer la dégradation du système public de santé.
En juillet, les résultats de l’enquête judiciaire sur l’affaire Life Esidimeni (filiale d’un prestataire de soins de santé privé) ont été rendus publics. L’enquête concernait la mort de 144 patient·e·s qui souffraient de pathologies mentales dans la province du Gauteng. Elle a conclu que l’ancienne membre du conseil exécutif du Gauteng chargée de la santé et l’ancienne directrice de l’Agence de la santé mentale de cette province étaient responsables du décès de neuf d’entre eux par la négligence dont elles avaient fait preuve en annulant un contrat avec Life Esidimeni en 2016, décision qui a entraîné le transfert de patient·e·s vers des structures sous-équipées, et dans certains cas non autorisées, gérées par des ONG. Outre les 144 patient·e·s décédés, plus de 1 400 ont subi des actes de torture ou d’autres traumatismes et 44 ont été portés disparus. L’Autorité nationale chargée des poursuites devait encore décider si elle engagerait une procédure pénale en lien avec les neuf décès pour lesquels les responsabilités avaient été établies.
Droits sexuels et reproductifs
Le taux élevé de naissances chez les adolescentes et les préadolescentes demeurait préoccupant. Selon un rapport publié en septembre par Statistics South Africa, 102 406 filles âgées de 10 à 19 ans ont accouché en 2023, ce qui représentait une légère baisse par rapport aux 105 000 cas enregistrés en 2022.
DROIT À L'EAU
Des pénuries d’eau ont encore eu lieu dans tout le pays. Les quartiers de Phoenix et Verulam, en périphérie de la municipalité d’eThekwini, dans la province du KwaZulu-Natal, subissaient des coupures d’eau intermittentes depuis deux ans et dépendaient de l’eau apportée par des camions-citernes. Selon les autorités, le vandalisme, la croissance rapide de la population urbaine et le manque d’entretien des infrastructures vieillissantes contribuaient à cette situation. Certaines zones de Johannesburg ont également subi des coupures d’eau, parfois pendant plus de deux semaines, en raison du manque de moyens alloués pour remplacer les infrastructures défaillantes. Des experts ont alerté sur le fait que la province du Gauteng risquait de vivre un « jour zéro » d’ici à 2029, c’est-à-dire une absence totale d’alimentation en eau. Cyril Ramaphosa a créé une équipe de travail spéciale, placée sous la direction du vice-président, Paul Mashatile, pour résoudre ces problèmes.
DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES
De nombreuses organisations de la société civile ont contesté le livre blanc « sur la citoyenneté, l’immigration et la protection des réfugié·e·s, pour une refonte complète du système d’immigration en Afrique du Sud » adopté par le gouvernement en avril. Elles ont notamment critiqué la représentation négative qui y était faite de l’immigration, l’inexactitude des études utilisées pour justifier la limitation de l’accueil, ainsi que la proposition de retirer l’Afrique du Sud de la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés puis d’y réadhérer avec des réserves qui réduiraient considérablement les droits constitutionnels des personnes réfugiées et seraient contraires aux obligations qui incombaient au pays au titre du droit international.
RECOURS EXCESSIF À LA FORCE
Huit des membres de l’équipe de protection du vice-président étaient visés par 12 chefs d’inculpation, dont ceux d’agression dans l’intention de causer de graves blessures, d’agression par menace et d’entrave à la justice. Ces poursuites étaient liées à l’agression présumée par ces hommes de trois membres de la Force nationale de défense sud-africaine sur une autoroute de la province du Gauteng en juillet 2023. Le procès était toujours en cours, car des témoins supplémentaires ont été appelés.
Homicides illégaux
En mars, la Direction indépendante d’enquête sur la police (IPID) avait entre les mains 1 337 dossiers de personnes tuées dans des opérations policières. Certaines affaires remontaient aux années précédentes.
Des policiers ont été accusés d’avoir agressé Thabelo Mbau, étudiant à l’Université de technologie de Tshwane (province du Gauteng), qui a succombé à ses blessures. L’IPID a achevé son enquête sur la responsabilité des agents dans cet homicide. Deux d’entre eux ont été inculpés de meurtre et une conférence préparatoire au procès devait avoir lieu en février 2025.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
En février, le président a annoncé la création d’un nouveau Fonds d’adaptation au changement climatique, un partenariat entre le gouvernement et le secteur privé dont le but était de gérer les conséquences du changement climatique et d’accroître la capacité de résilience du pays. On ignorait toutefois si ce fonds respecterait les principes de transition juste.
Cyril Ramaphosa a promulgué en juillet la Loi relative au changement climatique, premier texte législatif de l’Afrique du Sud visant expressément à lutter contre les effets du changement climatique.
Également en juillet, la Commission présidentielle pour le climat a publié sa première évaluation de l’action pour le climat. Elle a conclu que, malgré des engagements forts en faveur de la lutte contre le changement climatique et d’une transition juste, les progrès étaient lents, y compris sur le plan de l’abandon des énergies fossiles, notamment en raison du manque de financements, de l’incohérence des politiques publiques et du dysfonctionnement des structures de gouvernance.

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