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Deux corps des Gardiens de la révolution islamique posent devant un drapeau iranien lors d'un rassemblement de protestation pro-gouvernemental dans le sud de Téhéran, le 29 décembre 2022 / Photo de Morteza Nikoubazl - NurPhoto via AFP

Deux corps des Gardiens de la révolution islamique posent devant un drapeau iranien lors d'un rassemblement de protestation pro-gouvernemental dans le sud de Téhéran, le 29 décembre 2022 / Photo de Morteza Nikoubazl - NurPhoto via AFP

Liberté d'expression

En Iran, le viol comme arme de répression du régime

Les forces de sécurité iraniennes ont commis des viols, des viols collectifs et d'autres violences sexuelles à l'encontre de femmes, d'hommes et d'enfants âgés d'à peine 12 ans qui participaient au soulèvement « Femme, Vie, Liberté ». Dans une nouvelle enquête, nous avons recueilli plusieurs témoignages et restitué les méthodes glaçantes de répression des autorités iraniennes.

120 pages d’horreur. Notre rapport intitulé « Ils m’ont violée : les violences sexuelles utilisées comme arme pour écraser le soulèvement iranien Femme, Vie, Liberté » décrit les terribles épreuves traversées par 45 personnes, parmi lesquelles 26 hommes, 12 femmes et sept mineur·es, qui ont subi des viols, des viols collectifs ainsi que d’autres formes de violences sexuelles aux mains des services de renseignement et des forces de sécurité iraniennes.

Des viols commis pour torturer, intimider et punir les manifestant·es qui remettaient en question des décennies d’oppression du régime, dans le cadre du soulèvement populaire déclenché suite à la mort de Mahsa Amini.

Les témoignages bouleversants que nous avons recueillis révèlent les atrocités que les forces de sécurité iraniennes ont infligées aux manifestant·es et personnes qui se trouvaient dans l’espace public lors du soulèvement. L’objectif premier étant la répression des personnes qui manifestent afin de les briser de l’intérieur et de les faire taire. C’est la double peine : des personnes sont victimes de violences sexuelles et doivent ensuite se taire par crainte de représailles des autorités. En Iran, il n'y a ni vérité, ni justice, ni réparation.

Attention, les témoignages de notre rapport sont difficiles à lire, ils décrivent des viols, d’autres violences sexuelles et les traumatismes psychologiques. Nous remercions toutes celles et ceux qui ont eu le courage et la confiance de partager leur témoignage.

Arrestations, viols, aveux forcés  

Notre rapport révèle que les auteurs des viols et autres formes de violences sexuelles sont des membres des pasdaran (gardiens de la révolution), des membres de la la force paramilitaire Bassidj, du ministère du Renseignement, ainsi que de différentes branches des forces de police. Parmi les victimes figuraient des femmes et des filles qui avaient retiré leur voile en public ainsi que des hommes et des garçons qui étaient descendus dans la rue pour exprimer leur indignation suite à la mort de Mahsa Amini.

Lire aussi : 8 méthodes de répression des autorités iraniennes contre les manifestant·es

Les violences sexuelles sont utilisées comme une arme clé dans l’arsenal répressif des autorités iraniennes.

Pendant le soulèvement, les forces de sécurité iraniennes, en uniforme ou en civil, ont arbitrairement arrêté des manifestant·es dans la rue, à leur domicile ou sur leur lieu de travail, sans mandat d'arrêt. Embarquées de force dans les véhicules, certaines personnes ont été violées dans des fourgons de police, lors de leur transfert dans des lieux détention, dont des écoles et des immeubles résidentiels, illégalement utilisés comme lieux de détention. C'est dans ces lieux que l’horreur se poursuivait : torture, viols commis par une personne ou viols collectifs, mauvais traitements avec comme objectifs l’obtention d’ « aveux » forcés, l'humiliation et la destruction des esprits.

Les viols et autres violences sexuelles étaient souvent accompagnés d’autres formes de torture et de mauvais traitements, notamment des passages à tabac, des flagellations, des décharges électriques, l’administration de pilules ou d’injections non identifiées, la privation de nourriture et d’eau, et des conditions de détention cruelles et inhumaines. Les forces de sécurité ont par ailleurs systématiquement refusé que les victimes reçoivent des soins médicaux, y compris pour des blessures liées à des viols.   

Les survivant·es témoignent de l'horreur

Ces Iraniennes et ces Iraniens victimes de viols et autres violences sexuelles ont entre 12 et 48 ans. Pour notre rapport, ces personnes ont accepté de témoigner, malgré leurs traumatismes et peurs de représailles. Alors qu'elles manifestaient courageusement parce qu'elles aspiraient à plus de libertés, elles ont été plongées dans la brutalité et l’horreur sans nom du régime iranien. Leurs témoignages, extrêmement difficiles, sont nécessaires pour leur permettre, un jour, d’obtenir justice.  

Tous les témoignages sont à retrouver dans notre rapport.

La complicité de la justice iranienne  

Nous avons eu accès à un document officiel ayant fait l’objet d’une fuite, daté du 13 octobre 2022 qui révèle que les autorités ont étouffé les plaintes pour viol déposées par deux jeunes femmes contre deux agents des gardiens de la révolution durant les manifestations. Le procureur adjoint de Téhéran qualifie l’affaire de « totalement secrète » et suggère de « clore progressivement [l’affaire] ».

Pour beaucoup en Iran, le système judiciaire est un outil de répression plus que de réparation.

La quasi-totalité des personnes interrogées dans notre rapport se sont abstenues de porter plainte après leur libération, craignant de subir d'autres préjudices des autorités iraniennes.

Trois victimes seulement ont porté plainte après leur libération mais deux ont été contraintes de la retirer après que les forces de sécurité ont menacé de les enlever et de les tuer, ainsi que leurs proches. La troisième personne s’est entendue dire par un haut responsable qu’elle avait « confondu » une fouille corporelle avec des violences sexuelles.

Les procureurs et les juges iraniens ont non seulement été complices en ignorant ou en étouffant les plaintes de personnes victimes de viol, mais ont également utilisé des « aveux » forcés sous la torture pour porter des accusations fallacieuses contre ces personnes et les condamner à l’emprisonnement ou à la peine de mort.

Lire aussi : Le combat d'une mère pour sauver sa fille d'une exécution

À ce jour, les autorités iraniennes n’ont pas inculpé ni poursuivi le moindre représentant de l’État pour les viols et autres violences sexuelles recensés dans le rapport. Mais elles ont condamné à mort certaines des personnes qui manifestaient et qui ont été victimes de violences sexuelles par les forces de sécurité.

Lire aussi : La peine de mort pour saper le soulèvement en Iran

Le traumatisme des victimes

Les femmes, hommes et enfants qui ont accepté de témoigner dans notre rapport nous ont déclaré continuer à souffrir de traumatismes physiques et psychologiques profonds liés aux violences sexuelles dont ils ou elles ont été victimes.

La mère d’un lycéen ayant été violé nous a déclaré que son fils avait tenté de se suicider à deux reprises pendant sa détention.

Saha, une manifestante, a subi des violences sexuelles dans le centre de détention dans lequel elle a été emmenée. Elle a été menacée de viol par les forces de sécurité qui ont touché ses parties génitales. « Avant j’étais une combattante dans la vie. Même lorsque la République islamique a essayé de me briser, j’ai continué. Ces derniers temps, cependant, je pense beaucoup au suicide [...] Je suis comme une personne qui attend la nuit toute la journée pour pouvoir dormir. » nous déclare t-elle.

En l’absence de perspectives de justice en Iran, la communauté internationale a le devoir de soutenir les personnes victimes de violences sexuelles pour qu’elles obtiennent justice. Nous exhortons les États à ouvrir sur leur propre territoire, en vertu du principe de compétence universelle, des enquêtes sur les auteurs présumés de ces crimes en Iran, dans l’objectif d’émettre des mandats d’arrêt internationaux.

Agir

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