Législations répressives, violences ciblées, stigmatisation renforcée... Les droits des personnes LGBTI+ ont subi des revers alarmants dans de nombreuses régions du monde au cours de l’année écoulée. Parallèlement, des victoires, souvent obtenues de haute lutte, témoignent aussi que la mobilisation collective est un levier puissant pour résister aux politiques discriminatoires, liberticides et répressives.
Portées par des mouvements anti-droits de plus en plus virulents contre la justice de genre, les législations régressives se multiplient. Les personnes trans, notamment, sont confrontées à la violence, à la stigmatisation et aux violations de leurs droits. Ces évolutions inquiétantes s’inscrivent dans un contexte politique international de plus en plus polarisé. L’arrivée au pouvoir du président des États-Unis Donald Trump a marqué un tournant, en donnant un écho mondial à des discours LGBTIphobes et en légitimant des politiques répressives. Face à ces attaques, la résistance s’organise. On fait le point.
Des reculs alarmants pour les droits LGBTI+
L’année écoulée été marquée par une vague inquiétante de régressions en matière de droits humains, visant particulièrement les personnes LGBTI+. Dans de nombreuses régions du monde, des gouvernements ont adopté ou renforcé des lois discriminatoires. Ainsi, en 2024 :
Au Ghana, au Malawi, au Mali et en Ouganda, les autorités ont renforcé ou confirmé l’interdiction des relations consenties entre personnes de même sexe.
Le Burkina Faso, a par ailleurs adopté en conseil des ministres un projet de loi visant à interdire l’homosexualité.
En Tunisie, des groupes LGBTI ont signalé une augmentation des poursuites concernant des relations sexuelles consenties entre adultes de même sexe. Pas moins de 41 procès de personnes homosexuelles ou trans ont débuté en Tunisie au cours de l’année.
En Turquie, les autorités ont une nouvelle fois interdit illégalement les marches des fiertés, réduisant les espaces d'expression et de visibilité des personnes concernées.
En Afghanistan, les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe demeuraient passibles de la peine de mort.
L’Irak a, pour la première fois, érigé en infraction les rapports sexuels entre personnes de même sexe, les rendant passibles d’une peine maximale de 15 ans d’emprisonnement.
En Géorgie, une loi sur les « valeurs familiales » et la « protection des mineurs » a été adoptée, reprenant les grandes lignes de la législation russe anti- « propagande LGBT ».
Au Kirghizistan, les autorités ont permis l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi introduisant des restrictions discriminatoires des droits des personnes trans à la santé et à l’autonomie corporelle.
La Bulgarie a interdit toute « propagande homosexuelle » dans les établissements scolaires, une mesure calquée sur celle votée en Hongrie en 2021.
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A ce jour, un tiers des pays du monde continue de criminaliser les rapports sexuels consentis entre personnes de même sexe et ces derniers sont encore passibles de la peine de mort dans une douzaine de pays.

Dans plus d'une douzaine de pays, la législation criminalise de manière explicite les personnes trans, principalement par des lois de « cross-dressing ». Mais en réalité, c’est un éventail beaucoup plus large de lois qui est utilisé pour les cibler : dans de nombreux pays, des mesures liées aux nuisances publiques, à l'indécence, à la moralité, à la flânerie, aux infractions liées au travail du sexe et aux activités consensuelles entre personnes du même sexe, entre autres, sont activement déployées dans ce but. Le recours à des lois apparemment inoffensives participe d’un ciblage systémique répressif et liberticide des personnes trans.
Amériques : violences exacerbées contre les personnes trans
Exacerbées par des contextes de discrimination systémique, de racisme et de marginalisation sociale, les personnes trans continuent d’être exposées à des violences particulièrement brutales sur le continent américain. Les données récentes dressent un tableau alarmant pour l'année 2024 :
En Colombie, au moins 21 femmes trans ont été tuées, selon l’ONG Caraïbes afûrmatives (Caribe Aûrmativo).
Au Mexique, la presse et des organisations de la société civile ont recensé pas moins de 59 transféminicides.
Au Brésil, le Grupo Gay da Bahia, une organisation de défense des droits humains, a fait paraître en 2024 un rapport indiquant que 257 personnes LGBTI+ étaient décédées de mort violente en 2023 et que les victimes étaient essentiellement de jeunes noir·es trans.
Aux États-Unis, selon les données publiées par le gouvernement en 2024, au moins 2 900 crimes de haine contre des personnes LGBTI+ avaient été recensés en 2023.
Les 100 premiers jours du mandat du président Donald Trump ont donné le ton : une offensive politique d’envergure contre les droits des personnes LGBTI+ et les droits sexuels et reproductifs.
Suppression des programmes de diversité et d’inclusion au sein du gouvernement fédéral, restriction de l’accès à l’avortement pour les femmes et personnes pouvant être enceintes, effacement des personnes trans de la vie publique : en quelques semaines, le président américain a signé une batterie de décrets pour affaiblir les protections acquises ces dernières années.
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Lors de sa campagne, Donald Trump avait promis de s’attaquer à ce qu’il qualifiait de « délire transgenre ». Le jour de son investiture, il a réaffirmé une vision rigide du genre, excluant toute reconnaissance des identités non binaires. Cette position s’est rapidement traduite par la signature d’un décret supprimant la mention de genre neutre « X » sur les documents officiels, une mesure qui expose les personnes concernées à des discriminations et entraves accrues dans leur vie quotidienne.
Les décrets présidentiels des 20 et 28 janvier ont, par ailleurs, ordonné le transfert des femmes trans détenues dans des prisons pour hommes, une décision qui risque d’accroître les risques de violences sexuelles et de traitements inhumains. L’accès aux soins de transition, la participation aux activités sportives ou la reconnaissance des plus jeunes de leur identité de genre à l’école sont également menacés par une série de textes restrictifs. Ces attaques pourraient ouvrir la voie à des interdictions plus larges, y compris pour les adultes. Enfin, la décision d’exclure les personnes trans de l’armée américaine marque une volonté explicite de les effacer de l’espace public et institutionnel.
Si la mise en œuvre de certaines de ces mesures reste incertaine, leur portée symbolique est grave et inquiétante.
Europe de l’Est : la haine constitutionnalisée
L’arrivée au pouvoir de figures politiques ouvertement hostiles aux droits des personnes LGBTI+ contribue à alimenter un climat d’impunité. Ces derniers mois, en Europe de l'Est, la stratégie politique de certains pays visant à renforcer les modèles familiaux traditionnels hétéronormés et à exclure les minorités de genre et sexuelles de la reconnaissance juridique s'est encore intensifiée.
En Slovaquie, les autorités ont proposé en avril dernier une série d’amendements visant à inscrire dans la Constitution la reconnaissance exclusive de deux sexes — masculin et féminin — et à restreindre le droit à l’adoption aux seuls couples hétérosexuels mariés. Alors que la législation actuelle ne reconnaît déjà ni le genre, ni l’identité de genre, ces modifications rendraient toute reconnaissance juridique quasiment impossible pour les personnes intersexuées, non binaires et trans.
Si elles sont adoptées, ces mesures draconiennes mettront davantage encore en péril l’égalité des genres et renforceront la répression des droits des personnes LGBTIQ+, reflétant ainsi les pratiques dangereuses d’autres pays de la région tels que la Hongrie et la Pologne
Rado Sloboda, directeur d’Amnesty International Slovaquie
En Hongrie, une loi, adoptée en procédure accélérée en mars dernier, est susceptible d’être utilisée pour interdire les marches des fiertés. Un nouvel amendement constitutionnel voté dans la foulée affirme que « toute personne est soit un homme, soit une femme », une disposition qui nie de fait l’existence des personnes trans, non binaires et intersexes.
Cette offensive intervient à quelques mois seulement du 30e anniversaire de la Budapest Pride et s’inscrit dans une politique de longue date menée par le Premier ministre Viktor Orbán. Depuis 2010, son gouvernement a multiplié les restrictions : interdiction du mariage pour les couples de même sexe, interdiction d’adoption pour les couples de même sexe, blocage du changement de sexe à l’état civil, et limitations drastiques de la visibilité des personnes LGBTI+ dans l’espace public et les médias.
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Le pouvoir de la mobilisation
Face à la montée des lois répressives et des discours haineux, la mobilisation des personnes LGBTI+ et de leurs allié·es ne faiblit pas. En 2024, plusieurs progrès notables témoignent du pouvoir de la mobilisation :
En Thaïlande, une avancée historique : le pays est devenu le premier d’Asie du Sud-Est à légaliser le mariage pour les couples de même sexe. La Grèce et la République tchèque ont pris des mesures dans le même sens.
Au Japon, la justice a statué que l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe était inconstitutionnelle.
En Namibie, la Haute Cour a jugé inconstitutionnelle la criminalisation des relations consenties entre personnes de même sexe— bien que l’État ait fait appel de cette décision.
Au Botswana, les autorités ont introduit un projet de modification de la Constitution qui pourrait protéger les personnes intersexes de la discrimination.
Au Japon, en Corée du Sud et à Taïwan, des mesures ont renforcé la reconnaissance des droits des personnes trans.
Au Népal, la Cour suprême a accordé à une femme trans le droit de faire inscrire son identité de genre sur ses documents officiels, une décision saluée comme une victoire symbolique importante.
En Allemagne, le Parlement a adopté une loi sur l’autodétermination permettant aux personnes trans, non binaires et intersexes d’obtenir la reconnaissance juridique de leur genre par simple déclaration auprès d’un bureau de l’état civil.
Malgré les revers et les innombrables tentatives de blocage, de division et d’affaiblissement au cours de l’histoire, les mouvements féministes, LGBTI+ et citoyens continuent d’aller de l’avant. Le chemin est sinueux, mais nous ne cesserons jamais de nous battre pour un monde où les femmes, les filles et les personnes de genre non conforme sont libres de jouir de l’ensemble des droits humains, sans discrimination ni crainte de représailles
Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty international
Nos recommandations
Ces dynamiques témoignent d’une urgence : la nécessité pour les autorités de renforcer les mécanismes de protection, de justice et de reconnaissance des droits fondamentaux des personnes LGBTI+, et notamment des personnes trans. C'est pourquoi nous appelons les États à :
Abroger les lois répressives à l’encontre des personnes LGBTI+
Garantir l’accès à des informations et des services complets en matière de santé sexuelle et reproductive
Mettre un terme à la discrimination et aux violences fondées sur le genre et l’orientation sexuelle
Garantir le droit à l’autodétermination des personnes trans et mettre fin aux opérations non consenties sur les personnes intersexes
Face aux récentes attaques liberticides et répressives à l’encontre de la communauté LGBTI+ en Hongrie, aidez-nous à soutenir la marche des fiertés de Budapest du 28 juin prochain. #LetPrideMarch