La France accueillait cette semaine le salon Milipol, l’un des plus gros événements mondiaux de l’armement. Nos équipes et celles de la Fondation Omega Research Foundation ont obtenu un accès sur place. Elles ont identifié la présence d’armes illégales, exposées par des entreprises chinoises. Nous avons alerté les organisateurs. Les instruments ont été retiré, un stand a été fermé. On fait le point.
Milipol, c’est l’un des plus gros salons en matière de sécurité intérieure au monde, avec plus de 1 100 exposants venus du monde entier et plusieurs dizaines de milliers de visiteurs. Le salon est inauguré par le Ministère de l’intérieur, avec un objectif : rappeler nos ambitions en matière « d’excellence technologique ».
Depuis 2006, l’exportation et l’importation d’armes, que l’on peut notamment retrouver sur ce salon, est réglementé par l’Union européenne, en vertu du Règlement européen anti-torture. En 2019, l’UE a renforcé ce règlement en interdisant la promotion et l’exposition d’équipements de torture dans les salons professionnels. En 2025, la liste des équipements interdits et soumis à contrôle a été étendue.
Pour s’assurer de l’application conforme de ce règlement par les entreprises de l’armement présentes au salon Milipol cette année, nos équipes ainsi que celles d’Amnesty International et d’Omega ont obtenu des organisateurs du salon, Civipol et Comexposium, l’autorisation d’être présents. Voici ce qu’elles ont découvert.
Des armes illégales promues par des entreprises chinoises
Sur place, nos équipes de recherche ont identifié trois entreprises chinoises faisant la promotion illégale d’équipements interdits : des boucliers anti-émeutes à pointes, des entraves lestées aux jambes et des entraves lestées aux jambes attachées à des menottes. Amnesty International et Omega ont fait remonter ces informations au bureau de contrôle des expositions de Milipol.
Comexposium, l’organisateur de l’événement, a exigé que les entreprises chinoises coupent les pages concernées des catalogues ou retirent les catalogues de leurs stands. Après qu’une entreprise étatique n’a pas respecté cette demande, son stand a été fermé.
Amnesty International et la Omega Research Foundation saluent les mesures mises en place pour faire respecter la réglementation européenne. Cela envoie un signal fort à tous les fabricants et commerçants de ces biens : ce type de promotion ne sera pas tolérée à Milipol. Tous les organisateurs de salons consacrés aux armes et aux équipements de sécurité devraient au minimum adopter des mesures similaires.
La Commission européenne devrait désormais élaborer des lignes directrices à destination des États de l’Union Européenne et des entreprises organisant des salons professionnels, afin de garantir une application cohérente de ce règlement dans toute la région.
Dr Michael Crowley, chercheur senior de la Omega Research Foundation
Stop à la commercialisation des instruments de torture
Matraques à décharges électriques, pistolets incapacitants, gants à décharges électriques, munitions contenant plusieurs projectiles à impact cinétique et de lanceurs à canons multiples tirant ce type de projectiles…
Ces armes n’ont d’autre objectif que d’infliger douleurs et souffrances. C’est pourquoi, elles sont jugées comme intrinsèquement abusives par la Rapporteuse spéciale de l’ONU. Dans son rapport sur la torture de 2023, la rapporteuse appelle tous les États à interdire la fabrication, la promotion et le commerce de 20 types d’équipements destinés à l’application de la loi.
À l’heure actuelle, cependant, le Règlement européen anti-torture n’interdit toujours pas ces équipements. Ce qui explique que certaines de ces armes figuraient dans les catalogues distribués par des entreprises sur le salon, quand d’autres étaient physiquement exposés sur leurs stands.
Ces armes sont de véritables instruments de torture ! Aux côtés de la fondation de recherche Omega, nous demandons leur interdiction.
L’urgence de renforcer le règlement anti-torture de l’UE
Par ailleurs, l’équipe a également trouvé des entreprises brésiliennes, israéliennes et sud-coréennes faisant la promotion de drones équipés de lanceurs à canons multiples capables de disperser de grandes quantités d’agents chimiques irritants.
Le Règlement européen anti-torture interdit ce type d’équipement s’il disperse « des quantités préjudiciables d’agents anti-émeute à partir de plateformes aériennes ». Mais il n’établit pas de seuil définissant ce qu’est une « quantité préjudiciable ». En l’absence de critère clair, ces équipements risquent de faciliter de graves violations des droits humains et d’avoir un effet dissuasif sur le droit de manifester.
Si nous saluons l’extension récente de la liste des biens interdits et contrôlés par le Règlement européen anti-torture, nous appelons à ce que le règlement soit encore renforcé conformément aux recommandations de 2023 de la Rapporteuse spéciale. Ce, en particulier pour les armes à décharges électriques par contact direct, les projectiles à impact cinétique multiples et les lanceurs à canons multiples.
Nos demandes
Les découvertes faites sur le salon Milipol concernant certaines entreprises d’armement démontrent une fois de plus la nécessité d’une réglementation internationale. L’Union Européenne doit désormais aligner pleinement son Règlement anti-torture sur les recommandations de la Rapporteuse spéciale des Nations unies, mais une action limitée au niveau régional ne suffit pas.
Il est indispensable d’adopter un traité international contraignant pour un commerce sans torture, qui interdise les équipements de maintien de l’ordre intrinsèquement abusifs dans le monde entier et impose des garanties strictes fondées sur les droits humains pour les autres.
Lire aussi : Commerce des instruments de torture : vers une réglementation internationale ?
Vous êtes plus de 250 000 personnes à demander la mise en place d’une réglementation mondiale, dont près de 160 000 en France. Vous aussi, rejoignez la mobilisation !
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