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URGENCE GAZA

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Pièce "Taire" © Christophe Raynaud de Lage

Vos gueules, les muettes !

Avignon se transforme en « pays éphémère des arts vivants » du 5 au 26 juillet, selon Tiago Rodrigues, directeur du festival. Pour cette 79e édition, La Chronique met en lumière la pièce Taire, de Tamara Al Saadi.

Extrait de La Chronique d'été #464-465

"Taire" une pièce présentée au festival d'Avignon — Par Aurélie Carton

En prologue de la pièce Taire de Tamara Al Saadi, une phrase est tracée à la craie sur le rideau de scène métallique : « enfant : infans en latin / celui qui ne parle pas ». Tout est dit, ou presque. C’est en effet autour du mutisme que la metteuse en scène franco-irakienne a construit son spectacle. Dans un jeu de miroirs, elle fait dialoguer deux époques, deux silences, face à la fureur du monde. D’un côté, Antigone, héroïne de la Grèce antique, choisit de se taire pour résister à Créon, son oncle, va-t’en-guerre implacable dont les discours martiaux résonnent étrangement avec notre actualité : « Il ne s’agit pas de défendre la cité [de Thèbes]. Il s’agit d’exterminer toute éventuelle menace […]. C’est avec la haine qu’on fait la guerre. » De l’autre, Eden, adolescente d’aujourd’hui, née d’un viol, ballottée de familles d’accueil en foyers. Elle aussi s’est murée dans le silence, faute de mots, broyée par l’arbitraire d’une institution comme l’Aide sociale à l’enfance, avec ses règles rigides et ses défaillances. Jusqu’au jour où elle explose : « Je dois louer ma place sur terre avec zéro thune », hurle-t-elle à son éducatrice. Pour Taire, Samara Al Saadi a mené un travail de terrain approfondi auprès de jeunes suivis en milieu hospitalier, notamment en pédopsychiatrie.

 

Bruitages et musique

Sur scène, le décor est minimaliste : un simple échafaudage se transforme en tour de guet, en salon, en dortoir… Les comédiens glissent avec fluidité d’une époque à l’autre. Les rôles ne sont pas genrés : une femme incarne un Créon tout en imprécations, tandis qu’un homme enturbanné joue avec fantaisie une servante espiègle. Tamara Al Saadi fait confiance à la magie du théâtre : « Ce qui m’intéresse, ce n’est pas d’avoir une voiture sur scène parce que j’en aurais les moyens, mais de la raconter de façon ludique et amusante. » Car, malgré la gravité du propos, l’humour affleure. Dès les premières minutes, un jeune soldat qui s’ennuie ferme, posté devant Thèbes, met ses écouteurs pour écouter Mylène Farmer : « Tous mes idéaux : des mots abîmés... Je cherche une âme, qui pourra m’aider ? Je suis d’une génération désenchantée, désenchantée. » Ces télescopages comiques ou grinçants offrent une respiration bienvenue à la tragédie. Tout comme les interventions sur scène d’une bruiteuse et des musiciens Bachar Mar-Khalifé (percussions, chant, composition) et Fabio Meschini (guitare et basse électriques). La musique vient alors raconter ce que les mots ne peuvent plus dire.

 

Taire

Texte et mise en scène de Tamara Al Saadi

21, 22, 23 juillet, à 13 h, à la FabricA, 11, rue Paul-Achard. Durée : 2 heures.

 

Pour en savoir plus

Trois questions à Caroline Gillet, documentariste et cocréatrice de One’s own room Inside Kabul

 

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