Avignon se transforme en « pays éphémère des arts vivants » du 5 au 26 juillet, selon Tiago Rodrigues, directeur du festival. Pour cette 79e édition, La Chronique met en lumière l’installation One’s own room Inside Kabul, conçue par Caroline Gillet et Kubra Khademi

Extrait de La Chronnique d'été #464-465
Propos recueillis par Fanny Leroy
Trois questions à Caroline Gillet, documentariste et cocréatrice de One’s own room Inside Kabul
Dans votre podcast Inside Kaboul, vous donniez la parole à deux jeunes Afghanes, Raha et Marwa. Comment est née l’idée de l’adapter à Avignon ?
Caroline Gillet : C’est une note vocale envoyée par Raha, au début de l’année 2023, qui a provoqué le déclic. À ce moment-là, les femmes n’avaient plus accès à l’université, aux jardins publics, aux bains, ni même au travail. Je lui avais demandé de me raconter une journée type. Elle m’a répondu sur un ton enjoué, en détaillant toutes ses tâches ménagères. Elle remplissait le temps, et son monde s’étiolait. Ça m’a déchiré le cœur. Raha, hier si lumineuse et ambitieuse, semblait résignée. À Avignon, j’ai voulu la rapprocher du public grâce au son spatialisé [technique qui recrée la perception naturelle de l’oreille humaine en donnant une impression de profondeur]. Nous avons donc l’impression d’être avec elle, dans son salon. Beaucoup d’auditeurs du podcast s’étaient sentis très proches de Raha et de Marwa, c’est peut-être ce dont je suis la plus heureuse.
En se rapprochant de Raha, on se sent davantage concernés par le sort des femmes afghanes. C’était votre pari ?
C’est une façon d’ouvrir la réflexion. Bien sûr, on ne peut pas ressentir ce que vit Raha, ce serait obscène de le faire croire. Mais c’est une expérience de sororité. C’est une manière de ne pas oublier ces femmes, même dans un festival comme Avignon. Une façon de continuer à penser à toutes celles qui résistent et gardent la tête haute.
Vous avez tenu à impliquer des artistes de Kaboul dans ce projet.
Kubra Khademi a dû fuir son pays en 2015 après une performance de rue à Kaboul. Depuis 2021, elle s’est souvent mobilisée pour aider d’autres artistes à quitter le pays. Dans le cadre de ce projet, nous tenions à faire travailler des vidéastes restés sur place. Grâce à Kubra, nous avons pu entrer en contact avec des artistes et des techniciens pour réaliser les images de Kaboul qui défilent derrière les fenêtres du salon. C’est un geste politique délicat : plusieurs d’entre eux ont déjà été emprisonnés, ou sont aujourd’hui menacés de mort. Ne cherchez pas leurs noms… Leur contribution est signée collectivement pour ne pas les exposer davantage.
One’s own room Inside Kabul
Du 16 au 24 juillet, salle des colloques, cloître Saint-Louis. Durée : 1 heure.
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