Exit, les agences de l’ONU ! Une « fondation » proche du gouvernement israélien gère désormais l’aide à Gaza. Au service d’un projet de concentration et de déportation des habitants de l’enclave palestinienne.

Extrait de la Chronique d'été # 464-465
Par Thierry Brésillon
Depuis le 2 mars, le gouvernement israélien soumet l’enclave de Gaza à un blocus total. Après avoir provoqué une situation de quasi-famine, il a confié le monopole de l’aide humanitaire à une société privée, la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF), adossée à une entreprise de sécurité américaine, la Safe Reach Solutions (SRS). Cette fondation est chargée de gérer les points de distribution installés par l’armée israélienne, à Rafah dans le sud de Gaza et dans la zone centrale de Netzarim. En théorie, chaque semaine, les chefs de famille sont censés recevoir un paquet de 10 à 20 kilos, après un contrôle par reconnaissance faciale permettant d’arrêter toute personne jugée suspecte par les services israéliens.
En pratique, depuis le 27 mai, les deux centres d’aide, qui remplacent quelque 400 points de distribution, ont été submergés. Les témoignages décrivent des scènes apocalyptiques : des Gazaouis, qui doivent parfois parcourir jusqu’à 15 km, sont pris pour cibles par des drones et des snipers israéliens aux abords des points de distribution. Certains ont été bombardés de gaz lacrymogènes par des agents de sécurité américains totalement dépassés. Chaque jour, les morts se comptent par dizaines et les blessés par centaines.
Ce dispositif a été imaginé dès la fin 2023 par des hommes d’affaires et d’anciens militaires très proches du gouvernement israélien, comme l’a révélé le New York Times. Son but ? Évincer les agences onusiennes et les organisations humanitaires, tout en déchargeant, en apparence, les autorités israéliennes de la gestion directe de la population. Les deux sociétés GHF et SRS ont été enregistrées en février à Genève selon un montage permettant de préserver l’opacité de leur financement.
« C’est un système totalement inacceptable, tranche Rony Brauman, de la Fondation Médecins sans frontières (MSF). Il n’y a pas lieu de distinguer entre bonnes et mauvaises victimes. Les points de distribution, en majorité dans le sud de l’enclave, ne sont pas établis en fonction des besoins de la population, mais d’une stratégie politique. » Le gouvernement israélien a en effet découpé la bande de Gaza en trois zones hermétiques et entend utiliser l’aide pour concentrer la majorité des 2,4 millions de Gazaouis dans le sud, en prévision d’un plan de transfert.
Rony Brauman réfute fermement l’argument avancé par Israël d’un détournement de l’aide par le Hamas pour justifier son dispositif : « Preuve que l’aide a bien été délivrée pendant le cessez-le-feu, en janvier et février, les prix ont chuté, les consultations pour malnutrition ont sensiblement baissé. Pour prendre le cas de MSF, aucune livraison de médicaments, de matériel, de carburant n’a été empêchée. En revanche, s’il y a bien des pillages, ils sont commis par des groupes mafieux protégés par les Israéliens, puisque des snipers israéliens abattent les policiers palestiniens qui protègent les camions. »
Amnesty International demande qu’Israël renonce immédiatement à tout projet visant à contrôler ou à militariser la distribution de l’aide humanitaire à Gaza. « L’alternative, c’est de revenir à un système éprouvé d’aide avec des organisations onusiennes et d’associations humanitaires qui connaissent le terrain, qui ont la confiance des habitants et qui sont là pour les aider, pas pour les contrôler ou les déporter », conclut Rony Brauman.

Découvrez La Chronique sans plus tarder : recevez un numéro "découverte" gratuit
Remplissez ce formulaire en indiquant votre adresse postale et recevez gratuitement votre premier numéro dans votre boîte aux lettres !