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Camp de réfugiés Rohingya à Thaun Khali à Cox's Bazar au Bangladesh. 09/09/2017 © Amnesty International

Camp de réfugiés Rohingya à Thaun Khali à Cox's Bazar au Bangladesh. 09/09/2017 © Amnesty International

Conflits armés et protection des civils

Myanmar : politique de la terre brûlée dans l'État d'Arakan

Une véritable politique de la terre brûlée est à l’œuvre dans le nord de l'État d'Arakan. Les forces de sécurité du Myanmar et des milices réduisent des villages rohingyas en cendres et ouvrent le feu sur des habitants en fuite.

Les preuves sont irréfutables – les forces de sécurité du Myanmar mettent le nord de l'État d'Arakan à feu et à sang dans le cadre d'une campagne ciblée visant à faire partir les Rohingyas du Myanmar. Il s'agit bien d’un nettoyage ethnique.

La méthode est claire et systématique les forces de sécurité encerclent un village, tirent sur les habitants qui fuient dans la panique, puis mettent le feu aux maisons. Sur le plan juridique ce sont des crimes contre l'humanité.

Une campagne d'incendies systématiques

Nous avons analysé des données sur la détection d'incendies, des images satellite, des photos et des vidéos prises sur le terrain. Nos équipes ont mené des entretiens avec des dizaines de témoins au Myanmar et de l'autre côté de la frontière au Bangladesh.

Tout converge pour décrire une campagne d'incendies systématiques cible les villages rohingyas dans le nord de l'État d'Arakan depuis près de trois semaines.

Nous avons détecté au moins 80 incendies de grande envergure dans des zones habitées dans le nord de l'État d'Arakan, depuis le 25 août, lorsque l'armée du Myanmar a lancé une opération en réponse aux attaques menées contre des postes de police par l'Armée du salut des rohingya de l'Arakan (ARSA), un groupe armé.

Sur la même période d'un mois au cours des quatre dernières années, les capteurs satellite n'avaient décelé aucun incendie de cette ampleur dans aucune zone de cet État.

Les incendies ont été détectés sur de grandes bandes de terre dans des zones majoritairement peuplées de Rohingyas dans l'État d'Arakan.

La carte ci-dessous montre des incendies détectés à distance au moyen de capteurs environnementaux dans le nord de l’État d'Arakan entre le 25 août et le 12 septembre 2017. Dans cette période, 80 probables foyers d’incendies ont été détectés dans la région. Des images satellite provenant de plusieurs sources ont ensuite été utilisées pour confirmer la présence de structures et de zones entières brûlées dans de nombreux villages où les incendies avaient été détectés. Une couverture nuageuse importante empêchait l’analyse complète de la zone où les incendies avaient été signalés par des témoins ou détectés par les capteurs.

Si l'ampleur des dégâts ne peut pas être vérifiée de manière indépendante sur le terrain, en raison des restrictions d'accès qu'impose le gouvernement du Myanmar, il est probable que des villages entiers ont été brûlés, contraignant des dizaines de milliers de personnes à fuir dans la terreur.

Le nombre réel d'incendies et l'ampleur des destructions sont probablement encore plus importants. Les satellites ont du mal à détecter tous les incendies du fait de la couverture nuageuse durant la saison de la mousson et les capteurs des satellites environnementaux ne détectent pas les feux plus petits.

Réfugiés Rohingya à la descente de bateau en provenance du Myanmar près du village de Shamlapur, Cox Bazar, Bangladesh. 06/09/2017 © Amnesty International

Des attaques calculées et coordonnées

Les témoins rohingyas dans l'État d'Arakan et les réfugiés au Bangladesh décrivent un mode opératoire des forces de sécurité qui fait froid dans le dos :

- Les soldats, les policiers et les miliciens encerclent parfois un village et tirent en l'air avant d'y entrer, mais bien souvent ils prennent d'assaut un village et se mettent à tirer dans tous les sens, les habitants terrorisés prenant la fuite.

- Pendant que les villageois qui ont survécu tentent de s’enfuir, les forces de sécurité mettent le feu aux maisons à l'aide d'essence ou de lance-roquettes portatifs.

L'armée a attaqué à 11 heures. Les soldats ont commencé à tirer sur les maisons et les gens, cela a duré environ une heure. Lorsque cela s'est arrêté, j'ai vu mon ami qui gisait sur la route, mort. Plus tard, à 16 heures, les tirs ont repris. Lorsque les habitants ont fui, les soldats ont brûlé les maisons à coups de bouteilles d'essence et de lance-roquettes. Les feux ont duré trois jours. Aujourd'hui, il ne reste plus une seule maison dans notre quartier – elles ont toutes été réduites en cendres.

Un Rohingya ayant fui sa maison à Myo Thu Gyi, dans la municipalité de Maungdaw, le 26 août.

Dans certaines zones, les autorités locales semblent avoir averti les villageois à l'avance que les maisons allaient être incendiées, ce qui démontre clairement le caractère délibéré et planifié de ces attaques.

À Kyein Chaung, dans la municipalité de Maungdaw, un homme de 47 ans a déclaré que l'administrateur du village a rassemblé les villageois rohingyas pour les informer que l'armée risquait de brûler leurs maisons de manière imminente et les encourager à se réfugier à l'extérieur du village, sur les rives du fleuve voisin.

Le lendemain, 50 soldats ont pénétré dans le village des deux côtés, se sont approchés des Rohingyas qui se trouvaient près du fleuve et ont commencé à ouvrir le feu sur les gens terrorisés qui couraient, alors que ceux qui ne pouvaient pas traverser le fleuve à la nage étaient pris au piège. Les soldats ont commencé à cibler les hommes du groupe, tirant à bout portant et poignardant ceux qui n'avaient pas réussi à s'enfuir.

Lire aussi : Myanmar, une frontière minée

Le déni honteux des autorités

Les autorités du Myanmar nient toute responsabilité des forces de sécurité dans les incendies et ont affirmé avec un aplomb surprenant que les Rohingyas mettent eux-mêmes le feu à leurs propres maisons.

Les tentatives du gouvernement de rejeter la responsabilité sur les Rohingyas sont des mensonges éhontés. Notre enquête fait clairement ressortir que ses propres forces de sécurité, appuyées par des milices, ont mis le feu aux maisons des Rohingyas.

Un demi-million de personnes déplacées de force.

D'après les estimations de l'ONU, les violences et les incendies de villages ont contraint plus de 370 000 personnes à fuir l'État d'Arakan pour se réfugier au Bangladesh depuis le 25 août.

Des dizaines de milliers d'autres sont sans doute déplacées à l'intérieur du pays.

Lire aussi : Myanmar, les Rohingyas pris au piège

Elles s'ajoutent aux 87 000 personnes, selon les estimations, qui ont fui fin 2016 et début 2017 en raison de l'opération de grande envergure menée par l'armée dans l'État d'Arakan.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Il n'est pas exagéré de dire que près d'un demi-million de Rohingyas ont dû quitter leur foyer en moins d'un an.

Il est urgent d’agir

Les crimes commis par les forces de sécurité doivent faire l'objet d'enquêtes en vue de traduire en justice les responsables présumés. Le Myanmar doit mettre un terme à la discrimination systématique dont sont victimes les Rohingyas, discrimination qui est au cœur de la crise actuelle.

L’armée et les forces de sécurité sont les principaux responsables des violences commises contre les Rohingyas et d’autres minorités.

Demandez au général Min Aung Hlaing, commandant en chef des forces armées, de mettre immédiatement fin aux violences.

Agir : 3 choses que vous pouvez faire dès maintenant pour les Rohingyas

Il est également temps pour la communauté internationale d'ouvrir les yeux sur le cauchemar qu'endurent les Rohingyas.

Il faut augmenter les pressions sur Aung San Suu Kyi et les hauts dirigeants de l'armée du Myanmar qui continuent de perpétrer des violations afin de mettre un terme à ce carnage.

Dans quelques jours, le Myanmar fera l'objet de discussions au Conseil des droits de l'homme de l'ONU. C'est l'occasion pour le monde de montrer qu'il a pris la mesure de l'ampleur de la crise et d'adopter une ferme résolution qui en témoigne.

Le Conseil doit aussi prolonger le mandat de la mission internationale d'établissement des faits, à laquelle les autorités du Myanmar doivent offrir leur pleine coopération.

Agir

STOP AU NETTOYAGE ETHNIQUE DES ROHINGYAS AU MYANMAR

Interpellez le commandant en chef des forces armées