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Personnes réfugiées et migrantes

Italie : le navire d’une ONG placé sous séquestre

L'Open Arms a été placé sous séquestre par les autorités italiennes le 18 mars. Son crime ? Avoir secouru en mer 218 réfugiés et migrants et avoir refusé de les remettre aux garde-côtes libyens.

Ils avaient embarqué sur un bateau à destination de l'Europe et se sont retrouvés bloqués en mer. Segen, un jeune homme âgé de 21 ans, était décédé le lendemain. Ses compagnons de voyage ont ensuite reçu une aide indispensable, grâce aux actes courageux de leurs sauveteurs à bord du navire de l’ONG Proactiva Open Arms.

En regardant les réfugiés et migrants émaciés débarquer du navire d'une ONG espagnole dans le port italien de Pozzallo en mars, le maire de la ville a déclaré qu'ils lui rappelaient « une scène des camps de concentration ».

Pourtant, cela n’a pas empêché le procureur Carmelo Zuccaro de placer le bateau d’Open Arms sous séquestre.

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Un procureur en charge controversé

Ce procureur de Catane en charge de l'affaire, s’était déjà fait connaître en 2017 en déclarant publiquement soupçonner des liens entre des ONG et des trafiquants d'êtres humains. Il a par la suite admis que c'était une théorie sans preuves à l'appui. La mise sous séquestre du navire n'est peut-être qu'un nouveau chapitre de la criminalisation gratuite des ONG.

L'Open Arms peut rester sous séquestre pendant des mois, à l'instar de la Iuventa, un navire de l'ONG allemande Jugend Rettet. La Iuventa a été saisie au motif qu'elle avait « aidé l’immigration irrégulière », en l'absence de preuves solides ou d'accusations portées contre ses membres d'équipage.

Le tollé suscité par la saisie du bateau et l'enquête menée sur trois membres de Proactiva pour « association de malfaiteurs en vue de favoriser l’immigration clandestine » a attiré l'attention sur le plan de l'Union européenne (UE) qui consiste à sous-traiter le contrôle de la Méditerranée centrale aux garde-côtes libyens en vue d'empêcher les réfugiés et les migrants d’arriver jusqu’en Europe.

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L’acte courageux d’Open Arms

Selon l'équipage de l'Open Arms, le 15 mars, les garde-côtes libyens les ont menacés et leur ont ordonné de leur remettre les personnes qu'ils venaient de secourir. Des cas similaires avaient été recensés en 2017 : les Libyens ont tiré en l'air, pointé leurs armes sur les sauveteurs, proféré des menaces par radio et sont même montés à bord des navires des ONG.

Nombreux réfugiés et migrants nous ont raconté que des garde-côtes libyens les avaient menacés et délestés des quelques affaires qu'ils avaient, ou étaient de mèche avec des passeurs pour se faire de l'argent. L'ONU, aussi, a recensé des actes analogues.

Alors même qu'elles ont lancé l'intervention en alertant les navires dans le secteur et en demandant à l'Open Arms de se rapprocher du bateau de réfugiés, les autorités italiennes estiment qu’il incombait aux garde-côtes libyens – qui coordonnaient le sauvetage – de décider du lieu de débarquement. Lorsque l'Open Arms a refusé de remettre les personnes secourues, il ne savait pas trop où se rendre. Une chose est claire : si le fait de remettre des réfugiés et des migrants aux autorités libyennes viole un principe de droit international, refuser de le faire ne saurait être considéré comme un crime.

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Ne pas renvoyer vers l’enfer lybien

Les garde-côtes libyens débarquent les personnes qu'ils interceptent en mer sur le sol libyen, où elles sont exposées à des détentions arbitraires de longue durée dans des centres où la torture est monnaie courante.

Ainsi, en vertu du droit, un navire européen ne peut pas renvoyer des personnes en Libye, car il est prohibé de transférer une personne vers un lieu où elle risque d'être victime de torture ou de graves violations des droits humains.

Pour cette raison, les gouvernements européens investissent dans le renforcement des capacités des garde-côtes libyens, qui détournent de diverses manières la dynamique des opérations de sauvetage. Lorsque les bateaux des garde-côtes libyens – donnés pour la plupart par l'Italie – et ceux des ONG atteignent une embarcation en détresse, à la suite d'alertes lancées par les garde-côtes italiens, les conflits sont fréquents.

Si l'assistance et la formation fournies par l'Europe ont renforcé la capacité des garde-côtes libyens, elles n'ont pas permis d'améliorer leur professionnalisme.

La formation s'avère insuffisante en l'absence de mécanismes solides de suivi et d'obligation de rendre des comptes. Les promesses faites par le passé – concernant des caméras, des rapports de mission et autres – n'ont pas été concrétisées par des mesures suffisantes.

Malgré cela, les gouvernements européens s'efforcent de développer la capacité des garde-côtes libyens à patrouiller en Méditerranée centrale et à coordonner les opérations de sauvetage menées par d'autres.

Il est probable que le nombre de traversées va augmenter au printemps. On peut se demander si les ressources disponibles pour patrouiller en mer et secourir les personnes en détresse seront suffisantes.

Il est temps pour nos dirigeants de revoir leur coopération avec la Libye et de réajuster leurs priorités.

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