En ce 15 novembre, journée mondiale de mobilisation pour le climat, alors que les négociations de la COP30 arrivent à mi-parcours, nous, activistes climatiques, féministes, anti-racistes et ONG pour les droits humains, voulons amplifier l’appel du Sommet des Peuples de résistance contre les responsables de la crise climatique et de solidarité avec les personnes, les peuples et les pays en première ligne de ses impacts.
Le Women Wave Project, soutenu par Amnesty International, est né de cette volonté de faire entendre la voix de celles et ceux qui exigent la justice climatique et sociale, raciale et féministe, face aux intérêts économiques qui dominent lors des négociations internationales sur le climat. Traverser l’Atlantique en voilier pour s’inviter là où les lobbies sont les bienvenus, prendre la parole et renforcer celle des femmes, des personnes racisées, des communautés LGBTQI+, des habitant·es des quartiers populaires, des zones rurales et des territoires dits d’Outre-Mer, c’est un acte de résistance pour le climat et pour nos droits.
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Parce que depuis dix ans, nos chef·fes d’Etat piétinent impunément leur engagement à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels. Pourtant, d’après la Cour international de justice, l’action climatique n’est pas un choix, c’est une obligation juridique.
Parce que les intérêts économiques des responsables de la crise climatique continuent d’être choyés. Moins d’un mois avant la COP, la compagnie pétrolière publique brésilienne Petrobras a obtenu l’autorisation du gouvernement pour un projet d’exploration pétrolière en eaux profondes, au large de l’Amazonie.
Parce qu’à 1,5°C de réchauffement, les conséquences du changement climatique sont déjà dramatiques et injustes. Chaque dixième de degré additionnel, ce sont des milliers de décès dus aux vagues de chaleur et d’enfants déscolarisés, des millions de personnes en insécurité alimentaire ou qui doivent quitter leurs terres.
Parce que la répression des personnes qui s’opposent à la destruction de leurs terres et à un futur invivable s’accélère partout dans le monde : menaces, interdictions de manifestations, violences contre des manifestant·es, criminalisation, retraits de financements, surveillance, attaques physiques, disparitions forcées, assassinats. L’Etat du Pará au Brésil qui accueille la COP30 est celui où il y a le plus de violences contre les défenseur·es des droits humains et de l’environnement, dont beaucoup sont issus des peuples autochtones et des Quilombolas (communautés d’ancien·nes esclaves auto-affranchi·es).
Les décisions prises pour nous ne peuvent plus l’être sans nous.
Les COP peuvent paraître techniques, loin de nous, voire inutiles, mais si c’était le cas, comment expliquer la présence des lobbies des énergies fossiles à chaque COP ? Ils étaient plus de 1770 à la COP29 à Bakou et plus de 2400 lors de la COP28 à Dubaï. La COP30 est accueillie sur un continent abritant parmi les groupes les plus impactés par la crise climatique mais aussi en première ligne des actions de protection des terres : peuples autochtones, populations afrodescendantes, paysan·nes et communautés rurales, communautés riveraines de projets extractivistes, jeunes. Elle doit non seulement visibiliser leurs luttes, leurs savoir-faire et leurs connaissances mais aussi leur laisser une réelle place à la table des négociations. Car comment éteindre le feu quand on écoute les pyromanes et qu’on fait taire les pompiers ?
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Des décisions essentielles pour notre futur doivent sortir de cette COP, sur la sortie des énergies fossiles, la transition juste, le financement climatique, le genre, la protection des forêts tropicales, etc. Mais qu’attendons-nous quand les personnes dont le mode de vie et la survie même dépendent de l’ambition de ces décisions n’obtiennent pas de visa, n’ont pas les moyens pour se rendre à Belém, ne sont pas accréditées, n’ont pas accès aux salles de négociations ou ne sont autorisées qu’à de brèves interventions en plénière ?
Pourquoi la présence de la société civile est-elle nécessaire lors des COP ?
Les personnes les plus impactées par la crise climatique se heurtent encore trop souvent face à la porte close des COP. Rares sont celles qui réussissent à obtenir des accréditations, un visa à temps, ou à pouvoir payer les coûts élevés du transport et du logement sur place. Trop de personnes ne peuvent pas être présentes parce qu’elles sont réprimées pour leur combat pour le climat dans leur pays : elles sont arrêtées, emprisonnées, voire tuées.
Pourtant, leur présence est primordiale dans les négociations sur le climat. Elle permettrait de centrer les discussions sur les droits humains et sur la nécessité urgente d’élargir la lutte contre le changement climatique pour y intégrer les questions de justice sociale, raciale et de genre. C’est l’appel du Sommet des Peuples, qui se tient en parallèle des négociations officielles et qui rassemble des peuples autochtones et des communautés affectées par la crise climatique du monde entier.
La place laissée aux lobbyistes lors de la COP30 est-elle démesurée ?
On n’imagine pas inviter les marchands d’armes à des négociations pour la paix ou l’industrie du tabac à des discussions sur les politiques de santé publique. Pourtant, les lobbyistes des énergies fossiles, première cause de la crise climatique, sont partout dans les COP et ont un accès direct aux négociations. Selon la Kick Big Polluters Out coalition, ils étaient au moins 5368 à participer aux COP entre la COP26 en 2021 et la COP29 en 2024, représentant 90 entreprises responsables de près de 60% de la production mondiale de gaz et de pétrole. Cette année, cinq personnes de TotalEnergies, dont son PDG Patrick Pouyanné, ont reçu un badge de la délégation française.
Leur influence sur les politiques publiques est omniprésente. Rien qu’en octobre, la compagnie pétrolière publique brésilienne Petrobras a obtenu l’autorisation du gouvernement pour un projet d’exploration pétrolière en eaux profondes, au large de l’Amazonie. Cela pourrait avoir de graves conséquences sur le climat et l’environnement local, et pourrait menacer les sources d’eau, le sol et l’équilibre écologique de la région en affectant gravement les communautés traditionnelles et les peuples autochtones.
Qu’est-ce qu’on attend de la COP30 ?
Abandonner les énergies fossiles – s’engager en faveur d’un plan complet, rapide, juste et financé afin de cesser de produire et d’utiliser des combustibles fossiles (charbon, gaz et pétrole).
Protéger l’espace civique – amplifier la voix de militant·e·s et de défenseur·e·s des droits humains et de l’environnement, les protéger contre les actes d’intimidation, le harcèlement et les poursuites judiciaires dont elles et ils sont trop souvent la cible.
Augmenter massivement les financements climatiques non générateurs de dette, de la part de pays à revenu élevé historiquement émetteurs – permettant ainsi à des pays à faible revenu d’abandonner les combustibles fossiles et de protéger leur population contre les inévitables préjudices que cause déjà le changement climatique.
La participation des personnes affectées et de la société civile permet de changer de paradigme, en centrant les discussions sur les droits humains et sur la nécessité urgente d’élargir la lutte contre le changement climatique pour y intégrer les questions de justice sociale, raciale et de genre. Pendant ces quinze jours, nous serons dans les salles de négociations pour rencontrer les délégations et amplifier les luttes des personnes en première ligne, et au Sommet des Peuples pour échanger avec des activistes sur la justice climatique de demain.
Notre résistance et notre solidarité ne se limitent pas aux quinze jours de la COP, nous n’oublions pas que l’Amérique latine est le continent le plus dangereux pour défendre le climat, les défenseur·es de l’environnement y risquent leur vie chaque jour. Nous ne détournerons pas le regard en quittant Belém et continuerons à exiger la protection des défenseur·es et la prise en compte de leur parole partout où des décisions climatiques seront prises. Sauver la planète ne pourra pas se faire sans celles et ceux qui la protègent.
Signataires :
Coline Balfroid, vidéaste et réalisatrice, Women Wave Project
Adélaïde Charlier, activiste pour la justice sociale et climatique, Women Wave Project
Camille Etienne, activiste pour la justice sociale et climatique, Women Wave Project
Lucie Morauw, activiste pour la justice sociale et climatique, Women Wave Project
Maïté Meeûs, activiste féministe, Women Wave Project
Mariam Touré, activiste pour les droits humains et pour les quartiers populaires, Women Wave Project
Margot Jaymond, chargée de plaidoyer sur la justice climatique, Amnesty International France
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