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Des policiers français se tiennent près de personnes exilées lors du démantèlement de la "Jungle" à Calais, en France, le 24 octobre 2016.
Des policiers français se tiennent près de personnes exilées lors du démantèlement de la "Jungle" à Calais, en France, le 24 octobre 2016 © REUTERS

Des policiers français se tiennent près de personnes exilées lors du démantèlement de la "Jungle" à Calais, en France, le 24 octobre 2016 © REUTERS

Personnes réfugiées et migrantes

Pourquoi la criminalisation des migrants étrangers ne règlera pas la question migratoire ?

En ce début d'année 2023, un énième projet de loi "asile et immigration" sera proposé par le gouvernement français. Depuis 30 ans, les textes relatifs à la politique migratoire de la France stigmatisent toujours davantage les personnes exilées en les présentant comme un problème à régler. Jean-Claude Samouiller, notre président, prend la parole sur le sujet.

Une tribune publiée sur le site de L'Humanité

L’énoncé même de cette question est révélateur. D’emblée est posée l’affirmation que la migration est une « question à régler », et qu’elle constitue forcément un problème.  

Les discours dominants parlent de « flots », de « vagues migratoires ». Utiliser de tels mots, des mots qui déshumanisent, c’est occulter la gravité des souffrances des personnes dans leur pays d’origine, tout au long de leur parcours migratoire et dans le pays d’’'accueil”. 

C’est faire percevoir ces personnes comme une menace. C’est faux, c’est injuste, c’est insultant.   

Mais rien n’y fait. Dans les discours publics, dans les médias, ces personnes sont assimilées à des délinquants ou à des criminels. Alors qu’au pire elles ne font qu’enfreindre des dispositions administratives.  

Jamais ne sont déconstruits les discours alarmistes et faux, alors que les chiffres parlent d’eux même : le solde migratoire est constant d’une année sur l’autre en France d’environ 150 000 personnes (0,22% de la population).  

Sur la vingtaine de textes de loi publiés en 30 ans sur le sujet, “le migrant”, “le demandeur d’asile” est toujours présenté comme le problème, comme le danger, comme la personne à contrôler et à expulser le plus rapidement possible.   

Le projet de loi tel qu’il se dessine ne fait pas exception à la règle. Il faut accélérer les procédures, délivrer des Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) avant même la fin des recours ce qui complexifie et fragilise encore un peu plus la situation du demandeur d’asile. Il faut passer à un juge unique pour la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) au risque d’une moins bonne connaissance de la situation du pays d’origine de la personne.

Lire aussi : Les droits des personnes exilées menacés par un énième projet de loi

Qu’est-ce qu’une obligation de quitter le territoire français ?

L’OQTF est la principale mesure utilisée par les préfectures pour expulser une personne étrangère du territoire français. En 2020, plus de 108 000 OQTF ont été prononcées en France, un record en Europe. Outre la décision obligeant la personne à quitter le territoire français, deux autres décisions sont prises en même temps :

Une décision relative au délai de départ volontaire : La préfecture peut accorder à la personne un délai pour quitter la France par ses propres moyens – généralement 30 jours – ou refuser de lui laisser ce choix – sans délai de départ volontaire

Une décision relative au pays de destination : la préfecture doit préciser le pays dans lequel la personne doit retourner. Il s'agit en général du pays dont il a la nationalité.

Un élément essentiel du droit d’asile est la protection contre l’expulsion dans un pays où la personne risque la persécution, la torture ou des mauvais traitements (principe du non-refoulement). Aujourd’hui, certaines personnes peuvent être expulsées alors que leur demande d’asile n’a pas fait l’objet d’une réponse définitive : la préfecture prononce une OQTF dès le rejet de la demande par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) sans attendre la réponse de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) sur le recours des intéressés. C’est par exemple le cas des personnes qui proviennent de pays considérés comme « sûrs » par la France. En 2021, 630 personnes provenant de pays dit « sûrs » ont été reconnues réfugiées par la CNDA. Le risque de refoulement illégal est donc réel.

- Source La Cimade

À Calais et à Grand Synthe, les forces de l’ordre détruisent les campements dans les dunes toutes les 48 heures. Souvent les affaires des personnes sont confisquées, les tentes lacérées. Des arrêtés municipaux ou préfectoraux interdisent aux citoyens de leur apporter de la nourriture ou des boissons chaudes. Raison invoquée ? Zéro point de fixation, zéro appel d’air.  

Mais quelle indignité que de faire croire que parce les tentes seront lacérées à Calais, cela va empêcher les Érythréens et les Afghans de fuir des régimes politiques effroyables.

Qu’est ce qui justifie de rajouter gratuitement de la souffrance à la souffrance ? Pourquoi ne pas chercher plutôt à mettre en place des voies d’immigration sûres et légales afin que les personnes puissent être protégées sans mettre leur vie en péril ? 

S’il fallait vraiment une nouvelle loi, il l’aurait fallu en rupture totale avec les précédentes. Il l’aurait fallu organisée autour des droits fondamentaux de la personne et non rajouter une couche supplémentaire de suspicion, de harcèlement, d’atteinte aux droits. 

Il aurait fallu un texte en conformité avec les engagements de la France en matière de droits humains.