
La militante et avocate Chow Hang-tung / ©Alex Chan Tsz Yuk
La militante et avocate Chow Hang-tung / ©Alex Chan Tsz Yuk
Monde : le droit de manifester en péril
Hong Kong : une avocate en prison pour avoir commémoré Tiananmen
Pour avoir encouragé la population hongkongaise à commémorer la répression chinoise de la place Tiananmen, Chow Hang-tung, militante, avocate et figure du mouvement pour la démocratie, a été condamnée à 22 mois de prison ferme. Elle risque une peine supplémentaire allant jusqu’à dix ans de prison. Récit.
Chow Hang-Tung a remporté l'appel contre sa condamnation pour "incitation d'autres personnes à participer à un rassemblement non autorisé". Cette décision positive met en lumière les manquements de la police de Hong Kong lors de la veillée de Tiananmen. Elle avait émis à tort une interdiction générale de la veillée de 2021, utilisant le Covid-19 comme excuse pour étouffer la liberté d'expression. Mais Chow reste en prison car elle est également accusée de "mettre en danger la sécurité nationale" par ses actions entièrement pacifiques.
Toutes les accusations portées contre elle sont politiquement motivées et doivent être abandonnées !
Demandez aux autorités hongkongaises l’abandon des charges contre Chow Hang-tung
Le choix de sa vie : se battre pour la liberté et la démocratie. Après des études au Royaume-Uni pour devenir géophysicienne, Chow Hang-tung change de voie. Elle rentre à Hong Kong, s’inscrit à l’université de droit. Elle sera avocate. Depuis 2016, Chow Hang-tung fait valoir la loi en protégeant ardemment les droits humains, sa spécialité. Mais à Hong Kong, son combat est risqué. Toute personne qui s’aventure à critiquer le régime chinois s’expose à la censure, au harcèlement, à une arrestation et à une lourde peine de prison. 4 juin 1989 : date historique de la répression sanglante de la place Tiananmen. Une date qui, pour Chow Hang-tung, est lourde de sens. Elle refuse d’oublier. Son combat est lancé, au prix de sa liberté…
Place Tiananmen à Pékin. Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, l’armée chinoise réprime dans le sang le mouvement sans précédent en faveur de la démocratie. L’armée a ouvert le feu sur les étudiants et les travailleurs qui demandaient depuis le 15 avril, des réformes politiques, sociales et économiques. Des centaines, si ce n’est des milliers de personnes ont été tuées. De cet événement tragique, une image est restée comme symbole de résistance : celle d’un homme seul, debout, face à une colonne de chars chinois. Une image iconique qui symbolise le mouvement pour la démocratie, réprimé dans un bain de sang. La Chine fait tout pour rayer cet événement de son histoire. Plus de 30 ans plus tard, Pékin interdit toujours les commémorations. En 2020, cette censure s’étend à Hong Kong, avec l’interdiction des veillées annuelles qui y avaient lieu depuis 1990.
Veillée pour Tiananmen interdite
Chow Hang-tung était vice-présidente de l’Alliance hongkongaise de soutien aux mouvements patriotiques et démocratiques en Chine (Alliance de Hong-Kong). Depuis 30 ans, cette organisation organisait la plus importante commémoration au monde de la répression de Tiananmen, qui a déjà réuni plus de 180 000 personnes. Demander la vérité et la justice pour les crimes commis, soutenir les victimes, faire vivre la mémoire de Tiananmen... l’avocate de 37 ans participe chaque année à cette veillée à la bougie, Parc Victoria, l’un des plus populaires de Hong Kong.
En 2020, les autorités interdisent la veillée sous prétexte de Covid-19. Mais Chow s’est donnée pour mission de garder vives les mémoires des victimes de la répression de Tiananmen. Malgré l’interdiction, l’avocate et vice-présidente de l’Alliance de Hong Kong participe à la veillée commémorative, bougie à la main. Elle sait qu’elle prend un risque mais pas question pour elle de céder à la censure. Chow est arrêtée. Elle écope en décembre 2021 d’une condamnation de 12 mois de prison. Le motif invoqué : « participation à un rassemblement non autorisé ».
Je m'étais préparée mentalement à une arrestation. C'est devenu la norme à Hong Kong. Quand on lutte pour la démocratie sous un régime dictatorial, l'arrestation est inévitable. Si je dois être arrêtée pour cela, qu'il en soit ainsi. Si c'est pour la démocratie, le jeu en vaut la chandelle.
Chow Hang-tung
Son arrestation, arme d’intimidation
Mobilisez-vous pour que Chow Hang-Tung soit libérée
L’année suivante, ça recommence. L’interdiction est reconduite. Chow Hang-tung n’en reste pas là. Le 4 juin 2021, sur ses réseaux sociaux, elle appelle la population hongkongaise à commémorer en privé la répression de Tiananmen en allumant des bougies. Elle est arrêtée le jour même. Chow Hang-tTung est libérée sous caution. Entre temps, le 25 septembre 2021, la Hong Kong Alliance se dissout.
L’organisation prodémocratie n’a pas d’autres choix. Ses principaux membres sont la cible de harcèlement et poursuites judiciaires et les pressions exercées par Pékin contre la dissidence sont de plus en plus fortes. Le 4 janvier 2022, dans ce climat de répression, la condamnation de Chow Hang-tung tombe : ce sera 15 mois de prison pour « avoir fait la promotion et incité à participer à un rassemblement non autorisé. »
22 mois de prison
De la prison ferme pour deux chefs d’inculpation en lien avec la commémoration de la répression sanglante de la place Tiananmen. Chow Hang-tung purge actuellement une peine de 22 mois de prison. Elle risque également une peine supplémentaire, jusqu’à 10 ans de prison, pour avoir prétendument « mis en péril » la sécurité nationale en « incitant à la subversion. »
Le 30 juin 2020, la loi relative à la sécurité nationale dans la région administrative spéciale de Hong Kong a été adoptée. Imposée par Pékin, cette loi est entrée en vigueur immédiatement, sans véritable consultation officielle de la population ni autre consultation locale.
Les autorités hongkongaises ont carte blanche pour utiliser cette loi. Tout peut être considéré comme « atteinte à la sécurité nationale », une expression fourre-tout. La définition de la « sécurité nationale », calquée sur celle des autorités centrales chinoises, pèche par manque de clarté. En réalité, cette loi est utilisée pour cibler et réprimer la dissidence. Elle permet de cibler les personnes critiques à l’égard du gouvernement et du système politique en place à Hong Kong ou en Chine continentale qui, prétendument, « menacent la sécurité nationale ». Ce qui permet aux autorités de justifier la censure, le harcèlement, les arrestations, les détentions et les poursuites qui bafouent les droits humains. Comme exemple d’utilisation arbitraire de cette loi, l’arrestation des organisateurs des veillées commémoratives de Tiananmen, membres de la Hong Kong Alliance dont Chow Hang-tung faisait partie. Les autorités ont utilisé la Loi relative à la sécurité nationale afin de les censurer.
La loi sur la sécurité nationale a instauré un climat de peur. Ce qui peut restreindre, très fortement, les initiatives de manifestations, par craintes de représailles.
Le courage dont fait preuve Chow Hang-tung est à l’image du courage de la société civile à Hong -Kong, qui doit faire face à des lois de plus en plus restrictives : ONG sous pression, médias fermés, militants harcelés et arrêtés… En octobre 2021, nous avons décidé de fermer nos bureaux. En effet, depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale, il est devenu impossible pour les organisations de défense des droits humains de travailler librement à Hong Kong sans crainte de graves représailles de la part du gouvernement. Malgré la fermeture de nos bureaux, nous continuons notre travail pour que les droits de la population hongkongaise soient respectés.
Chow Hang-tung est l’une des victimes emblématiques de la répression de Pékin sur la société civile. En appelant à sa libération et à l’abandon des charges à son encontre, nous portons aussi un message pour le respect des droits et la liberté en Chine.
Liberté pour Chow Hang-tung !
Les autorités hongkongaises doivent abandonner toutes les charges retenues contre Chow et la libérer immédiatement et sans condition.