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Un policier militaire surveille la foule placeTiananmen Square le jour de la fête nationale, 1er octobre 2015. © Greg Baker AFP/Getty Images

Un policier militaire surveille la foule placeTiananmen Square le jour de la fête nationale, 1er octobre 2015. © Greg Baker AFP/Getty Images

Chine

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Chine en 2024.

Le gouvernement a continué d’appliquer des lois et des politiques répressives qui restreignaient le droit à la liberté d’expression et d’autres droits humains. Des défenseur·e·s des droits humains ont été arrêtés, poursuivis et condamnés à de longues peines de prison. Des militant·e·s vivant à l’étranger ont fait l’objet de menaces et de manœuvres d’intimidation. De nouvelles restrictions de la liberté religieuse ont été mises en place dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang et les autorités ont continué d’engager des poursuites judiciaires contre des intellectuel·le·s, des artistes et d’autres personnalités culturelles ouïghoures. La répression de la culture et des langues tibétaines s’est intensifiée. La capacité de production d’énergies renouvelables a augmenté, mais la Chine demeurait très dépendante du charbon. Une nouvelle loi sur la sécurité nationale a encore réduit l’espace civique à Hong Kong, où des dizaines de militant·e·s en faveur de la démocratie ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement.

CONTEXTE

Face aux inquiétudes croissantes concernant le ralentissement de l’économie, la baisse du taux de natalité et le vieillissement de la population, le gouvernement a redoublé d’efforts pour garantir la « stabilité », ce qui a entraîné une augmentation des restrictions pesant sur les droits humains. Les expulsions de cadres du Parti communiste chinois accusés d’avoir consulté des publications « interdites », la restriction des déplacements des fonctionnaires et la censure de scandales liés aux droits des consommateurs et consommatrices étaient autant de signes du durcissement du contrôle exercé par les autorités chinoises et d’un manque persistant de transparence.

Malgré les démentis du gouvernement, il a été établi que des armes et d’autres équipements militaires fabriqués en Chine avaient été utilisés par différentes parties au conflit au Soudan. Dans le cadre du conflit qui touchait le Myanmar, des éléments continuaient de laisser penser que des acteurs étatiques et non étatiques chinois avaient fourni du kérosène ayant permis des attaques aériennes contre des cibles civiles et d’autres crimes de guerre.

L’économie de Hong Kong était toujours en difficulté ; de nombreux commerces et restaurants ont fermé. Le déficit budgétaire a persisté et les réserves budgétaires ont atteint leur plus bas niveau depuis 2010. Les efforts des autorités pour redonner à ce territoire une image de plateforme internationale pour les investissements étrangers et le tourisme ont été mis à mal par la répression des opposant·e·s politiques.

LIBERTÉ D'EXPRESSION, D'ASSOCIATION ET DE RÉUNION

Des artistes et d’autres personnes ont été poursuivis en vertu de lois répressives. Le 5 janvier, les autorités ont arrêté Chen Pinlin, réalisateur d’un documentaire sur le mouvement des « feuilles blanches », en 2022, lors duquel des manifestations pacifiques avaient été organisées contre les mesures extrêmement restrictives de lutte contre la pandémie de COVID-19, ainsi que contre la censure et la surveillance omniprésentes. Accusé d’« avoir cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public », il était à la fin de l’année toujours détenu dans l’attente de son procès. En septembre, Gao Zhen, artiste de renom dont les œuvres incluaient des représentations critiques de problèmes sociaux, a été placé en détention pour suspicion d’« atteinte à la réputation et à l’honneur des héros et des martyrs révolutionnaires ». Vivant aux États-Unis, il rendait visite à sa famille en Chine au moment de son arrestation. Son procès n’avait pas encore commencé.

En avril, le ministère de la Sûreté de l’État a publié de nouvelles règles accordant aux forces de l’ordre des pouvoirs supplémentaires leur permettant d’inspecter les appareils électroniques, y compris ceux des voyageuses et voyageurs étrangers. Cette nouvelle réglementation, entrée en vigueur en juillet, élargissait le champ d’application des lois existantes en matière de lutte contre l’espionnage afin qu’il couvre aussi les questions de « sécurité nationale », tout en affaiblissant les garanties procédurales qui les accompagnaient.

En juin, cédant exceptionnellement à la pression publique, le gouvernement central a renoncé à modifier la Loi relative aux sanctions administratives concernant la sécurité publique. La modification envisagée comportait des infractions formulées en termes vagues visant les comportements « portant atteinte au moral de la nation » et « heurtant les sentiments de la nation ». Cependant, d’autres mesures ont été prises pour étendre encore le cadre juridique et réglementaire restreignant le droit à la liberté d’expression.

Le 11 octobre, l’Administration chinoise du cyberespace a annoncé de nouvelles mesures pour limiter l’utilisation d’« expressions obscures » en ligne, ciblant l’argot employé par les internautes pour contourner la censure.

En octobre également, les autorités locales de Shanghai auraient arrêté au moins six personnes vêtues de costumes d’Halloween.

Le gouvernement a poursuivi sa campagne visant à empêcher toute dissidence des ressortissant·e·s chinois établis à l’étranger. Des étudiant·e·s de Chine continentale et de Hong Kong inscrits dans des universités d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord ont été surveillés et censurés en ligne et hors ligne, notamment par des acteurs étatiques. Ces étudiant·e·s et des membres de leurs familles vivant en Chine continentale ont subi des actes de harcèlement et d’intimidation ayant pour but de les empêcher de participer à des activités liées à des sujets politiques ou « sensibles ».

DÉFENSEUR·E·S DES DROITS HUMAINS

Des défenseur·e·s des droits humains, notamment des militant·e·s, des avocat·e·s et des journalistes citoyens, ont cette année encore été victimes de manœuvres d’intimidation, de harcèlement, de détention arbitraire, de torture et d’autres formes de mauvais traitements pour avoir défendu les droits humains et exercé leurs droits à la liberté d’expression et d’association. La répression à leur encontre a souvent été permise par le recours à des lois sur la sécurité nationale formulées en des termes excessivement généraux et vagues. Dans certains cas, les actes de harcèlement et d’intimidation se sont étendus aux membres de leur famille.

Le 14 février, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats a écrit au gouvernement pour lui faire part de son inquiétude concernant les restrictions administratives, la criminalisation et d’autres formes d’ingérence touchant le travail des avocat·e·s. Selon elle, les avocat·e·s spécialistes des droits humains travaillant sur des cas sensibles étaient particulièrement visés.

Après son procès en décembre 2023, la militante des droits des femmes et des travailleuses et travailleurs Li Qiaochu a été déclarée coupable en février d’« incitation à la subversion de l’État ». Elle a été condamnée à trois ans et huit mois d’emprisonnement. Elle a été remise en liberté en août, car elle avait déjà purgé la majeure partie de sa peine en détention provisoire.

Trois autres défenseur·e·s des droits humains (les avocat·e·s Li Yuhan et Chang Weiping et le militant antidiscrimination Cheng Yuan) ont été libérés de prison. Tous trois restaient soumis à des restrictions de leur droit de circuler librement et ont été privés de leurs « droits politiques » après leur libération.

En juin, le tribunal populaire intermédiaire de Guangzhou (Canton) a condamné Sophia Huang Xueqin à cinq années de prison et Wang Jianbing à trois ans et demi d’emprisonnement pour « incitation à la subversion de l’État ». Ces deux célèbres militant·e·s, respectivement du mouvement #MeToo et des droits du travail, étaient détenus depuis leur arrestation en septembre 2021 pour avoir participé à des formations à la protestation non violente et à des discussions sur la réduction de l’espace accordé à la société civile.

La journaliste citoyenne Zhang Zhan a été arrêtée en août après avoir défendu les droits humains. Elle était sous surveillance depuis sa libération de prison en mai 2024.

En octobre, He Fangmei, défenseure des droits des femmes et des droits en matière de santé, a été condamnée à cinq ans et demi d’emprisonnement pour avoir milité en faveur de la sécurité des vaccins. Elle avait accouché de sa deuxième fille pendant sa détention provisoire, et les autorités locales avaient ensuite placé ses deux enfants dans un hôpital psychiatrique. En avril, les deux fillettes, alors âgées de trois et huit ans, ont, semble-t-il, été transférées dans un autre lieu indéterminé.

Lu Siwei, avocat spécialiste des droits humains connu pour avoir défendu des personnes dans des dossiers politiquement sensibles, a été arrêté et inculpé en octobre pour « franchissement illégal de la frontière ». Il avait été arrêté par la police au Laos en juillet 2023 et renvoyé de force en Chine.

Les conditions de détention des défenseur·e·s des droits humains, ainsi que les actes de torture et les autres mauvais traitements qui leur étaient infligés, restaient source de préoccupation. Le juriste et militant Xu Zhiyong, qui purgeait une peine de 14 ans de prison pour « subversion de l’État », aurait entamé une grève de la faim en octobre pour protester contre les mauvais traitements que lui faisaient subir ses gardiens.

L’état de santé de Xu Yan, arrêtée en avril 2023 avec son mari, Yu Wensheng, se serait dégradé en détention à cause de la malnutrition. Ce couple de militant·e·s a été condamné le 29 octobre (Xu Yan à un an et neuf mois d’emprisonnement et Yu Wensheng à trois ans) pour « incitation à la subversion de l’État ».

En mars, 14 expert·e·s des Nations unies ont condamné l’absence d’enquête des autorités chinoises sur les circonstances de la mort en détention de la défenseure des droits humains Cao Shunli en 2014. La militante avait été arrêtée en 2013 alors qu’elle s’apprêtait à participer à l’EPU de la Chine, et son état de santé s’était dégradé en prison, vraisemblablement à la suite d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, dont la privation de soins médicaux.

RÉGIONS AUTONOMES

Le gouvernement a continué d’appliquer des politiques répressives dans les régions autonomes, en particulier dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang et au Tibet, privant leurs habitant·e·s de droits liés notamment à l’expression de leur culture et à leur liberté de religion et de conviction. La répression des minorités ethniques se faisait sous couvert de lutte contre le terrorisme et de protection de la sécurité nationale.

Région autonome ouïghoure du Xinjiang

En janvier, le gouvernement chinois a publié un livre blanc intitulé Cadre juridique et mesures de lutte antiterroriste, qui décrivait des mesures officiellement destinées à « protéger » les droits humains dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Néanmoins, les lois répressives, notamment la Loi de lutte contre le terrorisme (2015) et le Règlement du Xinjiang sur la déradicalisation (2017), continuaient d’être utilisées pour détenir arbitrairement des Ouïghour·e·s, des Kazakh·e·s et des membres d’autres groupes ethniques à majorité musulmane, ainsi que pour restreindre leurs pratiques culturelles et religieuses. En août, le HCDH a de nouveau appelé les autorités chinoises à revoir et à modifier le cadre juridique concernant la sécurité nationale et la lutte antiterroriste, ainsi qu’à renforcer la protection des minorités contre la discrimination.

Une révision de la réglementation des pratiques religieuses limitant encore davantage la liberté de religion et de conviction est entrée en vigueur en février. Des modifications du Règlement du Xinjiang relatif aux affaires religieuses et des déclarations du secrétaire du Parti communiste dans cette région autonome ont mis l’accent sur la nécessité de « siniser » l’islam, ce qui n’était pas sans rappeler de précédentes déclarations de dirigeants chinois insistant sur « la loyauté […] avant tout » à l’égard du Parti communiste chinois.

Des personnalités culturelles ouïghoures se trouvaient toujours derrière les barreaux. Plusieurs ont été jugées pendant l’année, dont le réalisateur Ikram Nurmehmet, qui a été déclaré coupable en juin de « participation à des activités terroristes » pour s’être rendu en Turquie. Selon des informations parues dans les médias, Ikram Nurmehmet a été soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements afin de le forcer à « avouer » des infractions qu’il n’avait pas commises. En juin, l’auteur-compositeur Yashar Shohret a été condamné à trois ans d’emprisonnement pour « promotion de l’extrémisme » et « détention illégale de contenus extrémistes ». Cette condamnation était liée à l’expression de son identité culturelle à travers la musique et au fait qu’il possédait des ouvrages de littérature ouïghoure.

D’autres universitaires et artistes ouïghours purgeaient toujours de longues peines de prison sans pouvoir communiquer avec leurs proches. Parmi eux figurait l’éminent intellectuel ouïghour Ilham Tohti, condamné à la réclusion à perpétuité pour « séparatisme » en 2014. Aucune information n’était disponible quant au sort ou au lieu de détention de l’ethnographe Rahile Dawut, qui aurait été condamnée à la même peine en 2023 pour « menace à la sécurité de l’État ».

Tibet

Le moine tibétain Rinchen Tsultrim a été libéré le 1er février après avoir purgé une peine de quatre années de prison. Il avait été condamné pour « incitation à la sécession » en lien avec ses publications sur les réseaux sociaux. En juillet, 13 expert·e·s des Nations unies ont écrit au gouvernement chinois pour lui faire part de leur inquiétude à la suite d’informations faisant état de violences et d’arrestations arbitraires subies par des centaines de civil·e·s tibétains, dont des moines, lors de manifestations contre la construction d’une centrale hydroélectrique sur le fleuve Drichu, dans la province du Sichuan. Selon eux, cette centrale, construite par une entreprise publique, pourrait entraîner le déplacement forcé de nombreux habitant·e·s des environs, la destruction de sites culturels et religieux notables et des dégradations de l’environnement.

Les fermetures d’établissements scolaires dispensant des enseignements en tibétain et dans diverses langues autres que le mandarin se sont poursuivies dans le cadre de la campagne des autorités visant à restreindre la culture et les langues tibétaines. En juillet, les autorités ont fermé l’école professionnelle Jigme Gyaltsen, un établissement privé de la province du Gansu qui proposait des cours dans des langues tibétaines et dont les élèves étaient principalement des adolescents tibétains. Des préoccupations persistaient également quant au système d’internat forcé imposé aux enfants tibétains. En octobre, Tashi Wangchuk, militant de l’enseignement en tibétain, aurait été placé en détention pendant 15 jours pour « troubles à l’ordre social ». Par le passé, il avait déjà purgé une peine de cinq années de prison pour « incitation au séparatisme ».

DROITS DES PERSONNES LGBTI

En mai, un tribunal populaire du district de Fengtai, à Pékin, a accordé un droit de visite mensuel à une femme dans le cadre d’un litige avec son ancienne partenaire sur la garde de leur fille. Cette décision marquait une évolution décisive dans un système qui ne reconnaissait pas les couples de même sexe et ne protégeait pas leurs droits. Cependant, la répression des militant·e·s LGBTI persistait. Ceux-ci étaient notamment la cible de détentions et d’interrogatoires arbitraires, et les sujets liés aux personnes LGBTI étaient censurés.

PEINE DE MORT

Le recours à la peine capitale était très probablement massif, mais le nombre d’exécutions était inconnu car toujours classé secret d’État.

L’accès aux informations relatives aux secrets d’État, y compris aux données concernant la peine de mort, a été encore restreint par une révision de la Loi sur la protection des secrets d’État, promulguée en février, et par des modifications de ses mesures d’application en juillet. Ces modifications ont élargi le champ des informations classées et renforcé le contrôle des autorités sur leur divulgation. Des médias nationaux et internationaux ont évoqué en novembre le cas d’un fonctionnaire condamné à mort pour avoir enfreint cette loi.

Le 21 juin, la Cour populaire suprême, le Parquet populaire suprême et les ministères de la Sécurité publique, de la Sûreté de l’État et de la Justice ont publié conjointement des « Avis sur la punition des partisans indéfectibles de “l’indépendance de Taiwan” qui se livrent ou incitent au séparatisme aux termes de la loi ». Cette publication recommandait de poursuivre et de sanctionner sévèrement, y compris par la peine capitale, les personnes prônant l’indépendance de Taiwan ou menant des actions en faveur de celle-ci.

DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN

Des progrès considérables ont été réalisés en termes de développement des énergies renouvelables, l’objectif de production d’énergie éolienne et solaire du gouvernement pour 2030 ayant été atteint avec six ans d’avance. En conséquence, la capacité de production d’énergie non fossile de la Chine a dépassé celle des énergies fossiles pour la première fois.

Néanmoins, la consommation d’énergie dépendait principalement des combustibles fossiles, qui restaient la première source d’émissions de gaz à effet de serre du pays. Selon un rapport de l’ONG Greenpeace, le nombre de nouvelles autorisations accordées par le gouvernement pour la construction de centrales à charbon sur le territoire chinois a diminué de 79,5 % durant le premier semestre 2024. Toutefois, de nombreuses centrales ont encore été construites à la faveur de projets approuvés les années précédentes.

Malgré de précédents engagements du gouvernement, la construction de nouvelles centrales à charbon à l’étranger s’est poursuivie et moins de projets existants ont été arrêtés en 2024 qu’au cours des deux années précédentes.

En mars, IQAir a indiqué que la tendance à l’amélioration de la qualité de l’air en Chine constatée les cinq années précédentes s’était inversée en 2023, un épais brouillard de pollution ayant fait son retour dans plusieurs villes et provinces, principalement à cause de la combustion du charbon.

RÉGION ADMINISTRATIVE SPÉCIALE DE HONG KONG

Liberté d’expression

La liberté d’expression, déjà extrêmement restreinte par la Loi sur la sécurité nationale et d’autres dispositions répressives, a encore diminué pendant l’année.

En mars, à l’issue de consultations publiques insuffisantes, le Conseil législatif de Hong Kong a adopté à l’unanimité l’Ordonnance sur la sauvegarde de la sécurité nationale. Cette loi locale créait de nouvelles infractions relatives à la sécurité nationale et alourdissait les peines pour les infractions existantes. Elle confortait également les vastes pouvoirs des autorités locales en matière d’application des lois. Elle introduisait en outre à Hong Kong les définitions vagues et générales de la « sécurité nationale » et des « secrets d’État » de la Chine continentale, qui pouvaient couvrir presque tous types de comportements et d’informations. Ce texte remplaçait une loi relative à la sédition datant de l’époque coloniale qui était largement utilisée, mais étendait les dispositions sanctionnant l’intention de susciter « la haine ou l’inimitié entre les habitant·e·s des différentes régions de la Chine », qui s’appliquaient expressément à des actes ou des propos n’incitant pas à la violence. La peine maximale pour sédition est ainsi passée de deux à sept ans d’emprisonnement, et pouvait aller jusqu’à 10 ans en cas de collusion avec une « force extérieure ».

Après l’adoption de l’Ordonnance sur la sauvegarde de la sécurité nationale, 15 personnes ont été arrêtées en vertu de ses dispositions relatives à la sédition. Quatre d’entre elles ont été inculpées. En septembre, trois hommes ont été condamnés dans trois procès différents pour avoir, respectivement, porté un tee-shirt et un masque sur lesquels étaient inscrits des slogans de protestation, publié des commentaires politiques contre le gouvernement sur des plateformes en ligne, et écrit des slogans de protestation sur des sièges de bus. Des peines allant de 10 à 14 mois d’emprisonnement ont été prononcées contre eux.

En juin et en décembre, les autorités ont utilisé les nouveaux pouvoirs découlant de cette loi pour annuler les passeports de six puis de sept militant·e·s hongkongais installés à l’étranger contre qui des mandats d’arrêt avaient été décernés en 2023. Six autres militant·e·s vivant à l’étranger ont été placés sur une liste de personnes recherchées par les autorités, avec une récompense d’un million de dollars de Hong Kong (128 500 dollars des États-Unis) pour chacun·e d’entre eux.

En mai, la Cour d’appel a répondu favorablement à la demande du gouvernement en délivrant une injonction provisoire qui interdisait le chant de protestation Gloire à Hong Kong, emblématique des manifestations en faveur de la démocratie. Cette décision, qui infirmait celle d’une juridiction inférieure, interdisait à quiconque de diffuser, jouer, chanter, faire écouter, faire circuler, afficher ou reproduire cette chanson avec une intention hostile à la sécurité nationale, telle qu’une intention de sédition ou d’incitation à la sédition. Toute personne ne respectant pas cette injonction pouvait être poursuivie pour outrage à magistrat et emprisonnée. À la suite de cette décision, YouTube a bloqué l’accès des internautes de Hong Kong à 32 vidéos dans lesquelles on entendait ce chant.

En mai également, dans le cadre d’un procès de grande ampleur visant 47 défenseur·e·s de la démocratie, la Haute Cour a déclaré 14 personnes coupables de « complot en vue de commettre un acte de subversion » au titre de la Loi sur la sécurité nationale, pour avoir organisé des primaires non officielles en vue des élections de 2020 au Conseil législatif, qui avaient finalement été reportées. Trente-et-une autres personnes avaient auparavant plaidé coupable du même chef d’inculpation. En novembre, la Cour a prononcé des peines allant de quatre ans et trois mois à 10 ans d’emprisonnement contre ces 45 personnes. Les deux derniers accusés ont été mis hors de cause, mais le ministère de la Justice a fait appel de l’acquittement de l’un d’entre eux.

Le procès de Jimmy Lai, âgé de 77 ans et fondateur du journal prodémocratie Apple Daily, pour « collusion avec des forces étrangères » en vertu de la Loi sur la sécurité nationale s’est poursuivi et était toujours en cours à la fin de l’année. L’absence de l’accusé lors d’une audience en juin a suscité des inquiétudes quant à la détérioration de son état de santé. Au mois de juin, un observateur de Reporters sans frontières qui devait assister au procès s’est vu refuser l’entrée sur le territoire hongkongais.

En août, le Tribunal suprême a rejeté les recours formés par Jimmy Lai et six autres militant·e·s contre leur précédente condamnation pour avoir participé à un rassemblement non autorisé lors des manifestations de 2019, qui avait valu une peine de neuf mois de prison à Jimmy Lai.

Plusieurs inculpations pour « outrage » à l’hymne national chinois ont été prononcées. En juin, trois personnes ont été arrêtées en vertu de l’Ordonnance relative à l’hymne national pour avoir tourné le dos au terrain pendant que l’hymne passait lors d’un match de football. Dans une autre affaire, un homme a été condamné en août à huit semaines d’emprisonnement pour s’être bouché les oreilles et avoir chanté une chanson associée au mouvement en faveur de la démocratie au moment où l’hymne national était joué lors d’un match de volleyball en 2023.

En août également, deux anciens rédacteurs en chef du média Stand News (désormais fermé), Chung Pui-kuen et Patrick Lam, ont été déclarés coupables de « complot en vue de diffuser des publications séditieuses ». Ils ont été condamnés en septembre à 21 et 11 mois d’emprisonnement, respectivement. Patrick Lam a fait appel de sa condamnation en octobre.

Liberté de réunion

Les autorités ont continué d’empêcher les commémorations de la répression de la place Tiananmen, en 1989. Le 4 juin, date du 35e anniversaire de cet événement, une forte présence policière a été signalée dans le parc Victoria et aux abords de ce lieu, où s’étaient tenues des veillées annuelles pendant 30 ans, jusqu’à leur interdiction en 2020. Quatre personnes ont été officiellement arrêtées, et cinq autres « emmenées au poste de police ». La conduite à un poste de police était une tactique d’intimidation permettant aux forces de l’ordre d’éloigner une personne d’un lieu sans l’arrêter officiellement.

En janvier, le Tribunal suprême a annulé l’acquittement de Chow Hang-tung et l’a de nouveau déclarée coupable d’avoir « incité d’autres personnes à participer à un rassemblement non autorisé » en 2021, à l’occasion de l’anniversaire de la répression de Tiananmen. Le procès de Chow Hang-tung pour un autre chef d’« incitation à la subversion » au titre de la Loi sur la sécurité nationale a été reporté à de multiples reprises. Cette femme était maintenue en détention provisoire pour son rôle dans un groupe qui organisait chaque année une veillée aux bougies en souvenir des victimes de Tiananmen au parc Victoria.

À la fin du mois de mai, la police a engagé de nouvelles poursuites au titre de l’Ordonnance sur la sauvegarde de la sécurité nationale contre Chow Hang-tung, et a arrêté sa mère ainsi que six de ses ami·e·s pour avoir « exploité la proximité d’une date sensible pour publier à plusieurs reprises des messages à des fins séditieuses sur une plateforme de réseaux sociaux ».

Liberté d’association

Le Conseil législatif a adopté en juillet une loi donnant aux personnes désignées par le gouvernement la majorité au sein du Bureau d’enregistrement des travailleuses et travailleurs sociaux, chargé de délivrer les agréments de ces professionnel·le·s. Ce changement faisait suite à des critiques émises par un représentant du gouvernement quant au refus de cet organe d’interdire aux personnes déclarées coupables d’infractions relatives à la sécurité nationale de devenir des travailleuses ou travailleurs sociaux.

En juillet également, l’Institut chrétien de Hong Kong a annoncé sa dissolution en raison de l’« environnement social » et de son incapacité à remplir sa mission librement. Cette organisation avait soutenu le mouvement de 2014 en faveur de la démocratie et les manifestations de 2019 contre un projet de loi qui prévoyait d’autoriser les extraditions vers la Chine continentale.

En septembre, la Haute Cour a donné raison au gouvernement contre le Syndicat général des orthophonistes de Hong Kong, qui avait été radié en 2021 et était accusé d’avoir utilisé des fonds pour porter atteinte à la sécurité nationale. Elle a accordé au gouvernement le droit de prélever 116 000 dollars de Hong Kong (environ 14 900 dollars des États-Unis) sur les comptes de ce syndicat favorable à la démocratie.

Droits des personnes LGBTI

Le gouvernement de Hong Kong n’a pas fourni d’informations notables sur les mesures prises pour appliquer la décision de 2023 du Tribunal suprême l’obligeant à proposer un cadre juridique autre que le mariage pour la reconnaissance des unions entre personnes de même sexe.

En novembre, le Tribunal suprême a débouté le gouvernement de son recours contre une décision d’une juridiction inférieure accordant aux couples de même sexe s’étant mariés à l’étranger les mêmes droits en matière d’héritage et d’accès au logement social que ceux des couples mariés hétérosexuels.

Selon certains médias, les autorités hongkongaises ont supprimé les financements d’au moins trois organisations LGBTI et ont mis en place des mesures administratives pour empêcher les activités de collecte de fonds et de promotion de l’une d’elles.

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