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© Nicolas Axelrod/Getty Images

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Thaïlande

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Thaïlande en 2024.

Le Parlement a adopté une loi légalisant le mariage pour les couples LGBTI. Les autorités ont, cette année encore, réprimé les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Des personnes qui avaient pris part à des manifestations pacifiques ou avaient critiqué le gouvernement ont été poursuivies et un parti politique de premier plan favorable à la démocratie a été interdit. Des femmes et des personnes LGBTI qui défendaient les droits humains ont été la cible d’activités de surveillance et de violences liées au genre facilitées par la technologie. L’expiration du délai de prescription dans l’affaire emblématique des homicides illégaux commis en 2004 dans le district de Tak Bai a renforcé l’impunité. Un projet de loi sur le changement climatique mettait en péril les droits de populations autochtones.

CONTEXTE

En août, la Cour constitutionnelle a ordonné la destitution du Premier ministre, Srettha Thavisin, et de son gouvernement pour « violation grave ou non-respect des normes éthiques ». Le Premier ministre avait nommé à un poste ministériel un homme condamné dans le passé à une peine d’emprisonnement pour une affaire de corruption.

DROITS DES PERSONNES LGBTI

Le Parlement a adopté le 18 juin la Loi sur l’égalité devant le mariage, faisant ainsi de la Thaïlande le premier pays d’Asie du Sud-Est à légaliser le mariage pour les couples LGBTI.

LIBERTÉ D'EXPRESSION, D'ASSOCIATION ET DE RÉUNION

Les autorités ont poursuivi leur politique de répression envers les personnes qui manifestaient pacifiquement ou qui osaient critiquer le gouvernement. Cette année encore, des hommes et des femmes sont passés devant la justice en lien avec les manifestations en faveur de la démocratie, pacifiques dans leur immense majorité, qui ont eu lieu entre 2020 et 2023. Au moins 22 personnes ont été visées par de nouveaux chefs d’inculpation en raison de leurs activités politiques, en ligne ou hors ligne. On comptait à la fin de l’année 1 256 personnes en attente de jugement, principalement pour lèse-majesté (diffamation, insultes ou menaces envers le roi), sédition (délit pénal) ou pour des infractions à la Loi sur la cybercriminalité ou au décret relatif à l’état d’urgence interdisant les rassemblements publics pendant la pandémie de COVID-19 (décret levé fin 2022).

Au moins 33 personnes inculpées ou condamnées en lien avec des manifestations ou pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression se trouvaient toujours en détention à la fin de l’année, dont une dans un établissement pour mineur·e·s.

Selon l’ONG locale Thai Lawyers for Human Rights (TLHR), on comptait en décembre au moins 1 960 personnes inculpées depuis 2020 pour avoir participé à des manifestations ou critiqué le gouvernement.

En janvier, une cour d’appel a condamné le militant politique Mongkol Thirakhot à 22 ans de détention pour lèse-majesté. Cette peine est venue s’ajouter aux 28 ans auxquels il avait déjà été condamné par une juridiction inférieure en 2023 pour ce même crime. Trois expert·e·s des Nations unies ont écrit en mars au gouvernement que cette peine d’emprisonnement, la plus longue jamais prononcée pour un crime de lèse-majesté, semblait être une mesure de représailles contre Mongkol Thirakhot pour son militantisme politique et ses critiques envers la royauté. La cour d’appel l’a néanmoins condamné en septembre à quatre ans et six mois de prison supplémentaires, toujours pour lèse-majesté.

La militante prodémocratie Netiporn « Bung » Sanesangkhom est décédée le 14 mai dans un hôpital pénitentiaire à l’issue d’une grève de la faim entamée 110 jours auparavant pour protester contre sa détention arbitraire et celle d’autres personnes. Âgée de 28 ans, elle avait été inculpée en 2022 de lèse-majesté et de sédition pour avoir réalisé un sondage d’opinion sur les contrôles routiers imposés à l’occasion des déplacements sous escorte de la famille royale. Au moment de sa mort, son procès n’avait pas encore abouti.

Arnon Nampa, avocat bien connu spécialiste des droits humains, a été déclaré coupable de lèse-majesté par le tribunal pénal de Bangkok dans cinq affaires distinctes au cours de l’année. Il a été condamné à 14 ans et huit mois d’emprisonnement, qui se sont ajoutés à la peine de quatre ans et deux mois qu’il avait commencé à purger pour ce même crime. Il était visé par 37 autres chefs d’inculpation, dont celui de lèse-majesté, en raison de ses activités politiques.

Le 7 août, la Cour constitutionnelle a ordonné la dissolution du parti prodémocratie Move Forward (« Aller de l’avant ») et condamné 11 de ses cadres à une peine d’inéligibilité. Elle a estimé que la campagne menée par le parti en faveur d’une réforme de la loi sur le crime de lèse-majesté menaçait la monarchie constitutionnelle thaïlandaise.

DÉFENSEUR·E·S DES DROITS HUMAINS

Des défenseur·e·s des droits humains ont été la cible de manœuvres d’intimidation et ont fait l’objet d’une surveillance illégale. Les recherches menées par Amnesty International ont révélé que les femmes et les personnes LGBTI qui défendaient les droits humains étaient souvent victimes de violences liées au genre facilitées par la technologie (notamment de surveillance numérique ciblée et de harcèlement en ligne) de la part d’acteurs étatiques et non étatiques.

En juin, cinq expertes des Nations unies ont fait part au gouvernement de leurs préoccupations concernant la surveillance de deux défenseures des droits humains, Angkhana Neelapaijit et Pranom Somwong, par des agent·e·s du Commandement des opérations de sécurité intérieure lors d’un événement organisé en mars en l’honneur des victimes de disparition forcée.

Le tribunal civil de Bangkok a rejeté en novembre une action en justice portée par le militant prodémocratie Jatupat Boonpattararaksa contre NSO Group Technologies. Le plaignant reprochait à l’entreprise de n’avoir pas empêché que le logiciel espion Pegasus soit utilisé pour pirater son téléphone portable. Le tribunal a estimé ne pas disposer de suffisamment d’éléments pour prouver que le téléphone du militant avait été infecté par ce logiciel. Ce n’était pourtant pas ce qui était ressorti des analyses techniques menées par l’institut de recherche Citizen Lab et Amnesty International.

HOMICIDES ILLÉGAUX

Le 25 juin, Roning Dolah a été abattu par deux hommes non identifiés dans le district de Yarang (province de Pattani, dans le sud du pays). Il travaillait pour une ONG venant en aide aux victimes de torture. L’enquête sur cet homicide n’avait pas progressé à la fin de l’année.

IMPUNITÉ

Les autorités n’ont pas présenté à la justice les suspects de l’affaire de « Tak Bai » avant l’expiration du délai de prescription, le 25 octobre. Quatre-vingt-cinq personnes étaient mortes en 2004 pendant et après des manifestations qui s’étaient tenues dans ce district de la province de Narathiwat. Des mandats d’arrêt avaient été décernés début octobre 2024 contre 15 fonctionnaires, dont des militaires, des policiers et des agents administratifs. Le fait de ne pas juger cette affaire risquait de faire perdurer l’impunité.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Le Comité contre la torture [ONU] a publié en novembre ses observations finales concernant le deuxième rapport périodique de la Thaïlande. Il s’y est inquiété de ce que les dispositions de la Loi de 2022 relative à la prévention et la répression de la torture et de la disparition forcée étaient en contradiction avec les normes internationales. Le Comité a également exprimé ses préoccupations concernant l’utilisation excessive de la force contre des manifestant·e·s pacifiques et les violences physiques ou en ligne commises contre des défenseur·e·s des droits humains.

Dans une lettre adressée au gouvernement en février, huit expert·e·s des Nations unies ont souligné que les conditions dans lesquelles étaient incarcérés 43 demandeurs d’asile ouïghours placés au centre de détention pour personnes migrantes de Suan Phlu pouvaient constituer un traitement cruel, inhumain ou dégradant, voire de la torture. Ces 43 personnes faisaient partie d’un groupe de Ouïghour·e·s originaires de la région autonome ouïghoure du Xinjiang (Chine) qui étaient détenus depuis leur arrivée en Thaïlande, en 2014. Au moins cinq membres de ce groupe, dont deux enfants, seraient décédés depuis.

DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES

Des inquiétudes ont été soulevées quant au rôle des autorités thaïlandaises dans l’identification de réfugié·e·s montagnards en vue de leur renvoi forcé au Viêt-Nam, où ils risquaient d’être soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements. Le 11 juin, la police thaïlandaise a arrêté un défenseur des droits humains montagnard chez lui à Bangkok, à la suite d’une demande d’extradition déposée par les autorités vietnamiennes. Y Quynh Bdap, reconnu réfugié par le HCR, avait été déclaré coupable de terrorisme en son absence par un tribunal vietnamien en janvier. À la fin de l’année, il se trouvait toujours en détention en Thaïlande.

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Le gouvernement a entamé en février des consultations publiques sur un projet de loi relatif au changement climatique, qui visait à mettre en place des mesures juridiquement contraignantes pour permettre au pays d’atteindre les objectifs fixés au titre de l’Accord de Paris. Des groupes de la société civile se sont opposés à ce projet de loi car il permettrait à des entreprises polluantes d’acheter des crédits carbone associés à des programmes de reforestation ou de conservation. Ils craignaient que les populations, autochtones ou autres, vivant dans les secteurs choisis pour ces programmes soient expulsées de force. La loi n’avait pas été adoptée à la fin de l’année.

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