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URGENCE ISRAËL-GAZA

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© Nicolas Axelrod/Getty Images

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Thaïlande : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Thaïlande en 2022.

Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ont subi de nouvelles attaques. La nouvelle loi visant à lutter contre les disparitions forcées, la torture et les autres mauvais traitements n’est pas allée assez loin pour assurer une protection réelle contre ces actes. À la frontière avec le Myanmar, les 
autorités thaïlandaises continuaient d’arrêter, de placer en détention et de racketter des réfugié·e·s myanmars. Dans la région de la frontière sud, les personnes musulmanes d’ethnie malaise continuaient d’être soumises massivement et de façon discriminatoire à des prélèvements d’ADN.

CONTEXTE

Le gouvernement a repris, en janvier, le dialogue officiel avec le Barisan Revolusi Nasional (BRN), le groupe séparatiste armé le plus actif de la région agitée de la frontière sud de la Thaïlande. Les deux parties sont parvenues à un accord pour réduire les activités armées pendant la période du ramadan, du 2 avril au 1er mai. Les groupes de la société civile, notamment les organisations de défense des droits humains, n’ont que peu participé à ce dialogue.

Le 1er octobre, le gouvernement a en grande partie levé l’état d’urgence instauré dans tout le pays. Imposé en mars 2020 pendant la pandémie de COVID-19, il avait été systématiquement reconduit jusque-là. Les autorités ont utilisé les larges pouvoirs qui leur étaient accordés au titre du décret d’urgence relatif à l’administration publique sous l’état d’urgence pour réprimer la dissidence pacifique, en ligne et hors ligne. L’état d’urgence et la loi martiale restaient en vigueur dans certaines régions frontalières à la fin de l’année.

LIBERTÉ DE RÉUNION

Des manifestations très largement pacifiques ont continué d’avoir lieu dans le contexte des restrictions imposées par le gouvernement en lien avec la pandémie. Au moins 585 manifestations de faible et moyenne ampleur se sont déroulées à travers le pays entre janvier et août. Les revendications des manifestant·e·s couvraient de nombreuses questions, notamment celle de la libération des personnes détenues pour avoir exprimé leur opinion politique de manière pacifique, ainsi que celle de l’impact économique de la pandémie et celle du respect des droits de travailleuses et travailleurs et des populations autochtones.

Depuis mai 2020, 1 468 personnes au moins, dont 241 mineur·e·s, avaient fait l’objet de poursuites pénales pour des violations présumées de l’état d’urgence en raison de leur participation à ces manifestations.

La défenseure des droits humains Sitanun Satsaksit a été inculpée après avoir participé à une manifestation à Bangkok, la capitale, le 5 septembre 2021. Elle avait auparavant remis une pétition à l’ONU concernant l’enlèvement de son frère cadet au Cambodge. Malgré la levée de l’état d’urgence, plus d’un millier d’affaires concernant des manifestant·e·s étaient toujours en attente d’enquête ou de procès.

Une enquête du gouvernement concernant l’utilisation de balles réelles lors d’une manifestation en août 2021, qui a provoqué la mort de Warit Somnoi, un manifestant de 15 ans, a pris d’importants retards en raison de l’incapacité répétée de la police à présenter des preuves au parquet.

Afin de disperser une manifestation contre le sommet de la Coopération économique des pays d’Asie-Pacifique (APEC) à Bangkok, le 18 novembre, la police antiémeutes a fait usage de balles en caoutchouc et frappé des manifestant·e·s. Neuf manifestant·e·s, cinq policiers et quatre journalistes ont été blessés.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Les autorités ont continué d’engager des poursuites pénales contre des personnes qui critiquaient le gouvernement. Des militant·e·s, des journalistes et des opposant·e·s politiques ont été accusés de diverses infractions au titre de la Loi relative au crime de lèse-majesté (diffamation, insulte ou menace envers le monarque), d’autres lois relatives à la diffamation et à la sédition et de la Loi relative à la cybercriminalité.

L’ONG locale Thai Lawyers for Human Rights a indiqué que, de mi-2020 à septembre 2022, 1 860 personnes au moins, dont 283 mineur·e·s, avaient fait l’objet de poursuites judiciaires pour avoir exprimé des critiques à l’égard du gouvernement. Entre janvier et juin, plus de 200 personnes ont été accusées du crime de lèse-majesté ; il s’agissait du chiffre le plus élevé jamais relevé dans l’histoire du pays.

Neuf militants étaient toujours en détention provisoire à la fin de l’année, et trois d’entre eux étaient accusés du crime de lèse-majesté. De nombreux autres militant·e·s ont été libérés mais soumis à des restrictions de leur liberté de circulation ou de leurs libertés d’expression et de réunion.

Les autorités ont bloqué 4 735 pages web entre janvier et septembre, dont 1 816 étaient considérées comme enfreignant la Loi relative au crime de lèse- majesté. En février, le ministre de l’Économie et de la Société numériques a révélé que le gouvernement envisageait de créer un portail unique d’accès à Internet afin de renforcer le contrôle par les autorités de l’utilisation d’Internet.

Le même mois, le gouvernement a approuvé la création de « centres de lutte contre les infox » pour réprimer les « informations fallacieuses sur les réseaux sociaux », accordant aux autorités ministérielles et provinciales le pouvoir de surveiller les personnes soupçonnées de diffuser « des fausses nouvelles » et de les poursuivre en justice.

En juillet, une enquête internationale d’expertise judiciaire en informatique, qu’Amnesty International a vérifiée, a révélé que les appareils de 35 défenseur·e·s des droits humains, militant·e·s et universitaires thaïlandais avaient été infectés par le logiciel espion Pegasus. Amnesty International a réitéré son appel pour un moratoire mondial sur la vente de logiciels espions dans le contexte de la Thaïlande.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

En janvier, le gouvernement a approuvé le projet de loi sur le fonctionnement des organisations à but non lucratif. En août, il a également approuvé le projet de stratégie nationale 2022-2027 de répression du blanchiment de capitaux/lutte contre le financement du terrorisme.

Ces deux projets prévoyaient des restrictions vagues et larges des activités de la société civile – par exemple avec l’interdiction d’activités provoquant la « division au sein de la société » ou portant atteinte à la « sécurité nationale », l’« ordre public » et les « bonnes mœurs » ou encore aux « intérêts publics » – constituant des limitations excessives du droit à la liberté d’association au regard du droit international.

DISPARITIONS FORCÉES, TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

En mai, un tribunal de la province de Songkhla a jugé qu’il n’existait pas assez de preuves pour conclure que la mort d’Abdullah Isomuso, un détenu musulman malais, avait été causée par des militaires. Retrouvé inconscient alors qu’il était détenu par l’armée, Abdullah Isomuso était ensuite décédé à l’hôpital en août 2019.

En juin, un tribunal a déclaré sept policiers coupables du meurtre de Jiraphong Thanapat, torturé et décédé au cours d’un interrogatoire au poste de police de Muang Nakhon Sawan le 5 août 2021. Six des policiers ont été condamnés à la réclusion à perpétuité. Le septième s’est vu infliger une peine plus courte, le tribunal ayant jugé qu’il n’était pas directement impliqué dans ce meurtre.

En octobre, la Thaïlande a adopté la Loi relative à la prévention et la répression de la torture et de la disparition forcée ; il s’agissait d’une avancée importante pour la prévention de ces crimes et pour l’octroi de réparations. La loi devait entrer en vigueur en février 2023.

Des groupes de défense des droits humains, qui militaient depuis des années pour l’adoption d’une telle loi, ont fait remarquer qu’elle comportait encore d’importantes lacunes, comme l’absence d’une « clause d’exclusion » (empêchant que toute preuve obtenue au moyen de la torture, d’autres mauvais traitements ou de la disparition forcée puisse être utilisée dans un procès) et de l’interdiction du recours à des lois d’amnistie pour les responsables de tels actes.

Ces mêmes groupes ont également fait part de leur préoccupation concernant la composition, la structure et le mandat du comité national de prévention et de répression de la torture et des disparitions forcées qui devait être établi en application 
de cette nouvelle loi. Leurs inquiétudes découlaient notamment du fait que ce comité n’allait pas être habilité à inspecter les lieux de détention.

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

En août, le bureau du procureur général a inculpé l’ancien directeur et trois autres responsables du parc national de Kaeng Krachan du meurtre de Porlajee Rakchongcharoen, un défenseur karen des droits humains ayant disparu en 2014 alors qu’il était détenu par ces autorités. Ils étaient notamment accusés de détention illégale, de racket, de meurtre et de dissimulation du corps de la victime.

Le même mois, la police a convoqué l’avocate spécialiste des droits humains Waraporn Utairangsee afin qu’elle reconnaisse avoir fourni de fausses informations concernant une infraction pénale. L’ancien directeur du parc national de Kaeng Krachan avait porté plainte contre elle en juillet 2021 après qu’elle eut déposé une plainte contre des responsables du parc parce qu’ils avaient expulsé de force des villageois·es karens résidant dans le parc et brûlé 98 de leurs habitations.

DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES

En juin et en septembre, les autorités ont découvert au moins 110 réfugié·e·s rohingyas du Myanmar sur des bateaux au large des côtes de la province de Satun, dans le sud de la Thaïlande, après qu’ils eurent été abandonnés par des passeurs. Ces personnes ont toutes été placées dans un centre de détention des services de l’immigration. Human Rights Watch a indiqué que les autorités thaïlandaises continuaient de détenir pour une durée indéterminée au moins 470 Rohingyas dans de tels centres.

En septembre, la police de l’immigration a refusé l’entrée dans le pays à Han Lay, une Myanmar qui avait publiquement critiqué les violations des droits humains perpétrées par les militaires dans son pays après le coup d’État de 2021. Elle a par la suite obtenu l’asile au Canada. À la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar, les autorités thaïlandaises continuaient d’arrêter, de placer en détention et de racketter des réfugié·e·s myanmars.

DISCRIMINATION

En février, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] a recommandé à la Thaïlande de mettre fin au prélèvement et à l’utilisation discriminatoires et massifs d’échantillons d’ADN, ainsi qu’à d’autres formes de profilage racial.

La recommandation n’a pas été suivie d’effets, les autorités ayant continué de prélever ces échantillons, en particulier dans la région de la frontière sud du pays, majoritairement peuplée de musulman·e·s d’ethnie malaise. Ces prélèvements étaient notamment collectés aux fins de déterminer la citoyenneté des personnes apatrides et de lutter contre les groupes d’insurrection locaux.

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