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© Goran Tomasevic/REUTERS

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République Centrafricaine

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en République Centrafricaine en 2024.

Des groupes armés et les forces gouvernementales ont cette année encore perpétré des attaques et des homicides illégaux. Le nombre de cas de violences sexuelles ou fondées sur le genre liées au conflit a considérablement augmenté. La lutte contre l’impunité a progressé : un mandat d’arrêt a été lancé publiquement contre l’ancien président et deux hommes inculpés de crimes de droit international ont été appréhendés. Un rapport des Nations unies a dénoncé le caractère déplorable des conditions de détention. Plus de 2,5 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire.

CONTEXTE

Les affrontements entre les forces gouvernementales, aidées de leurs alliés, et des groupes armés affiliés à la Coalition des patriotes pour le changement se sont poursuivis et ont fait de nombreuses victimes parmi la population civile. Le 30 juillet, le Conseil de sécurité de l’ONU a levé l’embargo sur les armes, en vigueur depuis 2013. Au 31 août, 455 533 personnes étaient déplacées à l’intérieur du pays. La République centrafricaine accueillait également 43 393 réfugié·e·s, dont 29 070 venus du Soudan.

ATTAQUES ET HOMICIDES ILLÉGAUX

D’après un rapport de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) concernant le deuxième trimestre de 2024, des groupes armés et les forces gouvernementales, aidées de leurs alliés, ont cette année encore perpétré des attaques et des homicides illégaux.

Le 19 février, selon la MINUSCA, le groupe armé Azande Ani Kpi Gbe a pris un camion civil en embuscade dans le village de Kere (préfecture du Haut-Mbomou). Les attaquants ont tué quatre des 20 personnes à bord et enlevé une femme. Des affrontements ont suivi les 22 et 23 février entre Azande Ani Kpi Gbe et un autre groupe armé, l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC), à Kitessa, Maboussou et Manza. Ces combats ont fait 10 morts et contraint une partie de la population à quitter les lieux pour se réfugier à Zémio. Le 27 février, les forces de défense nationale et d’autres personnels de sécurité ont mené une opération visant des dirigeants anti-balaka sur le site minier de Willy, situé à 35 kilomètres au sud-ouest de Bossangoa (préfecture de l’Ouham, dans l’ouest du pays). Selon des sources locales, quatre civils ont été tués et plusieurs autres ont été blessés. Le 29 mars, des membres présumés de l’UPC et du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique ont attaqué le marché de Ouogo, à 63 kilomètres au nord-ouest de Batangafo, et ont blessé six civils.

VIOLENCES SEXUELLES OU FONDÉES SUR LE GENRE

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, les violences sexuelles ou fondées sur le genre se sont multipliées, notamment en raison du conflit et de « normes socioculturelles défavorables aux femmes et aux filles, et ce malgré l’existence de politiques et de textes normatifs » qui pourraient protéger ces personnes s’ils étaient appliqués. Au cours du premier semestre, plus de 11 000 cas de violences fondées sur le genre ont été signalés. Sur les plus de 6 000 dont il a été fait état au cours du deuxième trimestre, 96 % visaient des femmes et des filles et 32 % étaient des viols (le type de crime le plus souvent signalé). Selon le Système de gestion des informations sur la violence basée sur le genre, entre janvier et septembre, toutes les victimes recensées de violences fondées sur le genre ont bénéficié d’un soutien psychosocial et 82 % ont reçu des soins médicaux – mais 28 % seulement dans les premières 72 heures, durant lesquelles ce soutien revêt une importance critique ; 11 % ont reçu une assistance juridique ou judiciaire ; et 6 % seulement ont fait l’objet de mesures de réinsertion économique.

DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS

La Cour pénale spéciale (CPS), juridiction mixte sous l’égide de l’ONU, a délivré le 1er mai un mandat d’arrêt international contre l’ancien président François Bozizé pour de possibles crimes contre l’humanité liés à des actes commis par sa garde présidentielle entre 2009 et 2013. La Cour a demandé à la Guinée-Bissau, où François Bozizé vivait en exil, de coopérer à son arrestation. Le président de la Guinée-Bissau a déclaré le 8 mai qu’il ne comptait pas donner suite.

Le 21 juin, la CPS a annoncé l’arrestation d’Edmond Beina, suspect incriminé dans l’affaire des crimes commis en 2014 dans le village de Guen (préfecture de Mambéré). Edmond Beina a été inculpé de plusieurs crimes contre l’humanité et crimes de guerre, dont le meurtre et l’extermination. Abakar Zakaria Hamid, alias « SG », a été appréhendé le 4 septembre et a comparu devant les juges d’instruction de la CPS. Il était visé par plusieurs chefs d’accusation, notamment pour des crimes contre l’humanité (meurtre, extermination, persécution et disparition forcée).

Le 13 décembre, la CPS a rendu son verdict dans l’affaire Ndélé 1. Les quatre accusés ont été déclarés coupables de crimes contre l’humanité commis lors des violences intervenues en 2020 dans la ville de Ndélé. L’avocat de la défense a annoncé le jour même qu’il allait faire appel.

Le 3 mai, la Gendarmerie nationale a procédé à la fermeture temporaire de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation, sans présenter de mandat officiel. Créée en 2020, la Commission était chargée « d’enquêter, d’établir la vérité et de répartir les responsabilités sur les événements nationaux graves survenus depuis le 29 mars 1959, soit 60 ans de l’histoire tumultueuse de la République centrafricaine ». Les gendarmes ont demandé au personnel de la Commission de quitter les locaux et, le 7 mai, le gouvernement a limogé par décret l’ensemble des commissaires, invoquant des conflits internes et une mauvaise gestion. Un comité a été mis sur pied pour désigner de nouveaux commissaires.

CONDITIONS DE DÉTENTION INHUMAINES

Les conditions d’incarcération dans le pays étaient inquiétantes, selon un rapport de la MINUSCA publié en juillet qui dénonçait le manque de soins de santé et d’hygiène et la malnutrition aiguë dont souffraient certaines personnes privées de liberté, malnutrition aggravée par l’insuffisance du budget alimentaire et la longue durée des détentions. Le rapport signalait également les mauvais traitements subis par plusieurs personnes incarcérées et remarquait l’absence de réaction des autorités à ce sujet. Il soulevait par ailleurs d’autres manquements, dont le non-respect des délais légaux de garde à vue et le recours excessif à la détention provisoire.

DROIT À L'ALIMENTATION

D’après le Cluster Sécurité alimentaire, organisation pilotée par l’ONU, plus de 2,5 millions de personnes se trouvaient en situation d’insécurité alimentaire sévère et 307 000 personnes étaient en situation d’urgence en novembre. Dans certaines préfectures, dont le Mbomou et la Haute-Kotto, plus de 50 % de la population était en situation d’urgence ou de crise. Cette insécurité alimentaire touchait principalement les personnes déplacées à l’intérieur du pays, celles vivant dans des zones reculées et les ménages pauvres des zones urbaines, dont l’accès à la nourriture était entravé par la hausse des prix, le conflit et la précarité des infrastructures.

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