Ce sont des vies suspendues, des parcours stoppés net. Les combats entre l’armée régulière et les paramilitaires des Forces de soutien rapide ont jeté des milliers de jeunes hors de Khartoum. À Wad Madani, au sud-est de la capitale, ils organisent la vie des déplacés.

Par Gwenaëlle Lenoir (texte) et Ahmad al Fatih (photos)
Pour notre magazine La Chronique #443, paru au mois de octobre 2023
Omran, Ahmed, Mohamed, Ehab, Rachid ont tous moins de 30 ans. Jusqu’au 15 avril dernier, dans la capitale, ils suivaient leur chemin : Mohamed venait de terminer l’université et cherchait du travail ; Omran imaginait sa carrière de photographe sur de bons rails ; Ahmed était déjà installé dans la vie, avec son boulot au marché aux côtés de son père. Les combats entre l’armée régulière dirigée par Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide de Mohamed Hamdan Daglo les ont jetés hors de Khartoum, à l’instar de près de 3 millions de leurs concitoyens. Une guerre entre deux généraux rivaux et ambitieux. Alors les jeunes ont pris la route vers l’est du pays, un parcours jalonné de barrages militaires. Et ils se sont arrêtés, comme beaucoup, à Wad Madani.
Là, ainsi que partout dans les provinces soudanaises épargnées par les combats, les déplacés ont afflué. Omran, Ahmed, Mohamed, Ehab, Rachid se sont transformés en commis de cuisine, déménageurs, conteurs d’histoire, aides-soignants. Dans des écoles improvisées en camps d’accueil, ils ont reconstitué les réseaux de soutien à la population qui existaient déjà dans leurs quartiers : les « comités de service », issus des Comités de résistance, organisation de quartier, horizontale et souple, d’une redoutable efficacité contre le pouvoir militaire. Habituellement, les « comités de service » prennent en charge les besoins de base de leur voisinage : restauration des sanitaires et des salles de classe dans les écoles, fourniture de bouteilles de gaz, nettoyage des rues, aide au devoir pour les enfants.
Ces jeunes mettent la même énergie dans la survie au jour le jour que lorsqu’ils faisaient la révolution pour construire un nouveau Soudan. Dans un pays où l’État a disparu, sauf dans ses fonctions répressives, ils permettent à la société soudanaise de tenir encore debout.
Aller plus loin : Découvrir le rapport d'Amnesty International d'août 2023, "La mort a frappé à notre porte, Crimes de guerre et souffrances des populations civiles au Soudan"
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4 juillet. Mohamed est l’un des jeunes qui prennent en charge les tâches de la vie quotidienne, notamment les repas.

4 juillet. C’est Ahmed qui est de corvée d’oignons ce jour-là.

23 août. Les déplacés se sont installés tant bien que mal, là où ils trouvaient une place. Combien de temps encore pourront-ils rester ici ?

31 août. Les repas sont préparés grâce à la solidarité des habitants, qui fournissent la nourriture, et aux jeunes, qui cuisinent pour la communauté.

4 juillet. Houfeiza, infirmière, intervient bénévolement auprès des déplacés.