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URGENCE GAZA

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

Malik dans son appartement en Seine-Saint-Denis, le 26 Octobre 2025 © Camille Millerand pour Amnesty International France

« J’ai perdu mon travail à cause de la carte de séjour » : la vie en suspens de Malik, en France depuis 8 ans 

Malik est originaire du Cameroun. Arrivé en France en tant que mineur isolé, il obtient un CAP de peintre. À cause d’une photo manquante, il n’obtient pas le renouvellement de son titre de séjour et perd son travail.  Malik n’a que 22 ans. Vif, débrouillard, impressionnant de ténacité, il refuse de se laisser abattre. Entre démarches sans fin et petits boulots, il continue d’avancer. Il a accepté de nous ouvrir les portes de son quotidien pour nous raconter sa vie, à la merci d’un papier.

Le récit de Malik, recueilli en janvier 2025, fait partie des 27 témoignages de notre rapport « À la merci d'un papier ». Son histoire illustre les défaillances du système de carte de séjour en France et nous appelle à l’action pour des changements urgents.

Je suis arrivé en France en novembre 2017, après un long périple depuis le Cameroun, via l’Algérie, la Libye et l’Italie. J’avais 16 ans et plus de parents. J’ai appris sur la route le décès de mon oncle. C’est lui qui m’élevait. Je suis venu en France pour avoir une chance de construire ma vie. J’espérais trouver un travail et être en sécurité. Chez moi, c’était la guerre civile.

Malick pose devant chez lui avec le drapeau du Cameroun, qu'il a quitté en 2017 après un long périple, Seine-Saint-Denis, le 26 octobre 2025 © Camille Millerand pour Amnesty International France

À mon arrivée, l’Aide sociale à l’Enfance m’a pris en charge. On m’a envoyé à Rouen, dans des familles d’accueil. Je me souviens qu’un jour, la juge des mineurs m’a demandé ce que je voulais faire : j’ai répondu que je voulais être cuisinier ou peintre. C’est comme ça, que j’ai commencé à apprendre la cuisine, mais je n’ai pas trouvé de place. J’ai finalement obtenu un CAP peintre en travaux publics à Dieppe. 

Je suis devenu majeur en 2020. J’ai toujours travaillé. Même quand c’était difficile, notamment à cause d’un collègue qui avait des propos racistes. Je n’ai pas abandonné. J’ai fait des missions dans la menuiserie. J’ai travaillé pour de grandes entreprises. J’ai même été chef d’équipe sur la préparation des Jeux olympiques de Paris ! J’ai adoré l’évènementiel : la Fashion Week, les matchs, les JO… J’avais envie de m’installer à Paris, j’avais des contacts, de l’expérience, je voyais l’avenir s’ouvrir devant moi.  

Quand il n'est pas au travail, Malik effectue des séances de musculation quotidiennes, chez lui et dans une salle dédiée, Seine-Saint-Denis, le 26 Octobre 2025 © Camille Millerand pour Amnesty International France

Mais en janvier 2024, tout a failli s’effondrer à cause d’une simple photo. J’avais déjà eu des galères à la préfecture mais là… J’arrive devant le guichet, un peu stressé, mais prêt. J’ai tous mes papiers : contrats, fiches de paie, justificatifs…

Pochette de Malick, dans laquelle sont conservées toutes ses preuves de présence en France (bulletins de paie, contrat de travail, relevé de compte bancaire, diplômes…), Seine-Saint-Denis, le 26 Octobre 2025 © Camille Millerand pour Amnesty International France

La dame me regarde et me dit sèchement : « Il manque une photo ». Il y a de quoi en faire une sur place, alors je demande si je peux la faire tout de suite : « Non. Vous devez prendre un autre rendez-vous et revenir d’ici deux semaines. » Je reste figé. Je lui dis que sans titre de séjour, je ne peux plus travailler. Elle ne veut rien entendre. Je n’ai pas voulu faire de scandale, mais j’étais choqué. J’avais les larmes aux yeux. Mon contrat de travail s’arrêtait le jour même.  

Après ce passage à la préfecture, je n’étais plus en situation régulière. J’ai donc perdu mon travail. J’ai senti l’injustice, j’étais choqué. Ça a été une période très difficile. D’habitude, je suis de bonne humeur, mais là, j’avais la tête ailleurs, je ne pensais toujours à ça. La nuit, je n’arrivais plus à dormir. J’en pleurais. Je repensais aux maltraitances, que j’avais subies sur mon parcours.

Depuis, je ne vais plus à la préfecture seul : ma compagne française ou des associations m’accompagnent. Quand je suis seul, on me parle mal, sans respect. Accompagné, ce n’est jamais le même ton. Ils savent qu’il y a des mots qu’ils ne peuvent pas dire. Ils savent que les associations connaissent la loi.

© Camille Millerand pour Amnesty International France

La France m’a tout donné. La famille de ma copine est désormais la mienne. Celle de mes amis aussi. J’ai mes contrats de journées civiques de l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration), mon niveau de langue, je respecte tout. Mais chaque année, j’ai peur que ce titre d’un an ne suffise pas, que tout s’arrête encore. Je ne lâche pas. Je travaille, je me forme, j’ai des rêves : créer une entreprise avec ma compagne, devenir auto-entrepreneur. Mais avec un titre d’un an seulement, je ne peux pas.

Malik a décroché un diplôme qui lui permet aujourd’hui d’être agent de chargement aéroportuaire, Seine-Saint-Denis, le 26 Octobre 2025 © Camille Millerand pour Amnesty International France

Aujourd’hui, Malik est installé en région parisienne. Il travaille comme agent dans un aéroport avec son titre de séjour d’une validité d’un an. Sa carte expire en février. Entre le nouveau dossier de renouvellement et les journées de travail, le répit est rare. Alors il s’accroche à son programme de sport, son seul moment pour souffler, pour garder sa ténacité et surtout pour rêver à ce qu’il pourrait construire avec un peu plus de stabilité.

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