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URGENCE PROCHE ORIENT

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

La police tunisienne sur le point de démanteler un camp de personnes migrantes originaires d'Afrique subsaharienne à Al-Amra, en périphérie de la ville portuaire tunisienne de Sfax, le 5 avril 2025 / © FETHI BELAID via AFP

En Tunisie, des associations ciblées pour venir en aide aux personnes migrantes

Descentes dans des ONGs, détentions d’employés, poursuites judiciaires… les autorités tunisiennes ciblent les personnes engagées dans les associations de protection des personnes exilées. Une vague d’arrestations arbitraires menée dans un contexte de criminalisation des migrants subsahariens et des associations au plus haut sommet de l'État.

Mustapha Djemali, 81 ans, fondateur du Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR), est emprisonné depuis le 3 mai 2024. Ancien responsable du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l’homme qui aura consacré sa vie à la défense des droits des réfugiés, se retrouve derrière les barreaux pour « aide à l'entrée clandestine » de ressortissants étrangers en Tunisie.

Depuis 2016, l’une des principales missions du Conseil tunisien pour les réfugiés est de fournir une assistance aux exilés et demandeurs d’asile vulnérables. L’ONG de Mustapha Djemali a été l’une des premières ciblées par les autorités tunisiennes. Le chef de projet de l’association, Abderrazak Krimi, est lui aussi en prison. Et ce n’est que le début d’une longue série d’arrestations.

Les organisations d’aide aux migrants sont traitées comme des criminelles par le régime, accusées par le président tunisien Kaïs Saied d’être des « traîtres », des « agents de l’étranger » cherchant à « installer » des migrants subsahariens en Tunisie.

3ONGs ciblées par des descentes
8employés d'ONGS détenus
40personnes poursuivies pour enquêtes criminelles pour leur travail en ONG

*Depuis mai 2024

Une vague d’arrestation

Après le Conseil tunisien pour les réfugiés, ce fut au tour de Terre d’asile Tunisie. La semaine du 7 mai 2024, la police tunisienne arrête trois de ses membres : Yadh Bousselmi, actuel directeur de l’association, Mohamed Joo, son directeur financier et Sherifa Riahi, l’ancienne directrice, sont incarcérés. Peu de temps après, Imen Ouardani, ex adjointe au maire de Sousse, est arrêtée en raison d’un partenariat conclu entre la municipalité et Terre d'asile Tunisie.

Le 8 mai 2024, c’est Saadia Mosbah, figure de la lutte contre les discriminations raciales en Tunisie, qui est arrêtée. La police perquisitionne son domicile et son association Mnemty (« Mon rêve »), dont elle est présidente. Elle l’interroge sur le financement, les activités et les partenaires de son organisation. Saadia Mosbah est placée en détention et depuis, est toujours incarcérée. Depuis mai 2024, neuf employés de Mnemty ont fait l’objet d’une enquête pour « délits financiers ».

Lire aussi : En Tunisie, des condamnations massives des membres de l'opposition

Saloua Ghrissa est une autre militante des droits humains emprisonnée en Tunisie. Fondatrice de l’Association pour la Promotion du Droit à la Différence, elle est détenue depuis le 12 décembre 2024 pour suspicion de financement étranger.

Il est profondément choquant que ces défenseurs des droits aient passé plus d'un an en détention arbitraire pour avoir simplement aidé des réfugiés et des migrants en situation précaire.

Sara Hashash, directrice régionale adjointe pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty International

Des discours de haine

Cette vague de répression fait suite à une campagne de défiance envers les migrants subsahariens, encouragée au plus haut sommet de l’État. Pour Kaïs Saied, la présence de migrants subsahariens dans le pays relève d’un « complot » visant à « métamorphoser la composition démographique en Tunisie », alimenté par « des traîtres et des agents de l’étranger ». Des déclarations haineuses qui ont contribué à la montée des violences racistes contre les personnes réfugiées d’origine subsaharienne.

Lire aussi : Cinq raisons d'être inquiets de la dérive autoritaire du pouvoir en Tunisie

La complicité de l’Union européenne

En juillet 2023, l’Union européenne a signé avec Tunis un protocole d'accord comprenant des conditions en matière de gestion des frontières et des migrations. Concrètement, l’UE accorde une aide financière et technique à la Tunisie en vue de dissuader les départs maritimes en direction de l’Europe. Résultat : les autorités tunisiennes augment leur nombre d’interceptions fondées sur du profilage ethnique, normalisent des expulsions massives aux frontières, interceptent violement des personnes en mer avant de les renvoyer en Tunisie, pourtant de constituer un pays sûr.

Déjà au moment de la signature de l’accord, les autorités tunisiennes renvoyaient des centaines de personnes, dont des enfants, aux frontières désertiques du pays, sans eau, ni nourriture, ni abri. Par cet accord, et de manière générale par toute la coopération en cours entre l’UE, certains de ses Etats-membres et la Tunisie concernant le contrôle migratoire, l’UE se rend complice de violations des droits humains.

Le calvaire des migrants subsahariens

Pour la plupart des personnes exilées sur le territoire tunisien, le pays n’est qu’un point de passage pour tenter de rejoindre l’Europe en traversant la Méditerranée. Des milliers d’exilés d’Afrique subsaharienne, bloqués en Tunisie, vivent dans des tentes au milieu des oliveraies. Le 4 avril dernier, les autorités ont démantelé des camps de fortune dans la région de Sfax, dans le centre-est du pays.

Au calvaire de ces personnes exilées, s’ajoute la criminalisation de la solidarité. La répression des ONGs d’aide aux personnes exilées, qui s'est traduite par la détention de salariés et le gel de leurs comptes bancaires, a entraîné la suspension de services vitaux depuis mai 2024, perturbant l'accès aux procédures d'asile, à l'hébergement, aux soins de santé, à la protection de l'enfance et à l'aide juridique. Des milliers de personnes exilées, y compris des enfants non accompagnés, se retrouvent dans des situations encore plus précaires et risquent d'être davantage confrontées à des violations des droits humains.

Cette répression inconsidérée contre le personnel d'organisations opérant dans le cadre du droit tunisien a eu des conséquences humanitaires désastreuses pour les réfugiés et les migrants dans le pays et représente un recul profondément préjudiciable pour les droits humains en Tunisie.

Sara Hashash, directrice régionale adjointe pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty International

Depuis son coup de force en juillet 2021, Kaïs Saied détricote les acquis de la révolution tunisienne. Amnesty International dénonce un inquiétant recul des droits fondamentaux en Tunisie. Journalistes, avocats, défenseurs des droits, ONG… chaque voix critique est réduite au silence. Dans un climat de répression généralisée, œuvrer sans relâche pour la défense des droits humains sera notre mission.

Agir

Liberté pour Sonia Dahmani !

Pour avoir critiqué la politique migratoire des autorités tunisiennes sur un plateau tv, Sonia Dahmani est incarcérée depuis le mois de mai 2024.

Nous devons exercer une pression internationale pour sa libération !