Au moins sept citoyen·nes égyptien·es sont toujours détenu·es pour avoir soutenu la « Marche mondiale vers Gaza ». Nous demandons leur libération immédiate et inconditionnelle. Une enquête doit également être ouverte sur les allégations de torture et de mauvais traitement, rapportés par de nombreux militant·es, égyptien·es et étranger·es qui voulaient manifester leur solidarité envers Gaza.
Il y a tout juste un mois, plusieurs centaines de militant·es, venus de plus de 80 pays, ont convergé vers l’Egypte avec un objectif : se rendre pacifiquement à la frontière de la bande de Gaza, au point de passage de Rafah, afin d’attirer l’attention sur l’aggravation de la crise humanitaire dans l’enclave et briser le blocus illégal imposé par Israël. Pour nombre d’entre eux, cette action de solidarité a viré au cauchemar.
✅Entre octobre 2023 et juin 2024, nos équipes et des groupes égyptiens de défense des droits humains ont recueilli des informations sur l’arrestation de plus de 123 personnes qui avaient exprimé leur solidarité avec les Palestinien·nes de Gaza en manifestant pacifiquement, en publiant des commentaires en ligne, en accrochant des pancartes ou en écrivant des slogans sur les murs. Plusieurs dizaines de personnes sont toujours en détention provisoire et font l’objet d’enquêtes sur la base de fausses accusations d’implication dans des actes terroristes, de diffusion de fausses nouvelles ou de rassemblement illégal.
✅Dans le cadre de la Marche vers Gaza, Amnesty International a recueilli des informations sur l’arrestation arbitraire, la détention au secret et les mauvais traitements infligés à trois Égyptien·nes et à cinq ressortissant·es étranger·es, entre les 10 et 16 juin 2025. Au moins un Égyptien a été torturé pendant sa détention.
Il est impensable que les autorités égyptiennes arrêtent et punissent des militant·e·s ayant manifesté leur solidarité avec les Palestinien·nes de Gaza alors qu’Israël commet un génocide contre ces derniers.
- Mahmoud Shalaby, spécialiste de l’Égypte et de la Libye à Amnesty International
Les forces de sécurité sont venues arrêter trois citoyen·nes égyptiens chez eux. Avant qu’ils ne disparaissent pendant neuf à dix jours, détenus au secret dans un lieu inconnu. Pendant cette période, ils ont reçu des coups, des gifles, voire des décharges électriques. Une personne a également été forcée de se déshabiller.
Les informations recueillies par un avocat de la Commission égyptienne des droits et des libertés sur le sort de trois Égyptien·nes qui soutenaient la Marche vers Gaza dans un groupe Telegram sont glaçantes. Les mauvais traitements subis peuvent s’apparenter à des actes de torture.
Accusés aujourd’hui d’ « adhésion à un groupe terroriste [les Frères musulmans] », de « publication de fausses nouvelles » et de « financement d’un groupe terroriste », ils ont finalement été placés en détention provisoire.
Des ressortissant·es étrangers maltraité·es
Passages à tabac, arrestations violentes, détention au secret… Les méthodes répressives des autorités égyptiennes se sont aussi abattues sur les ressortissant·es étranger·es venu·es participer à la Marche vers Gaza, comme le confirment plusieurs témoignages recueillis par nos équipes :
🔺Stefanie Crisostomo, militante croato-péruvienne
Des hommes vêtus en civil l’arrêtent, elle et son mari, le 14 juin, dans un hôtel du Caire. Aucune raison ne leur est donnée. Leurs téléphones sont confisqués. Ils ne sont pas autorisés à contacter leur ambassade, ni qui que ce soit d’autre. Ils sont ensuite transférés dans un centre des services de sécurité tenu secret, où la police détiendra son mari français pendant 30 heures. Transférée à l’aéroport du Caire, Stéphanie refuse d’être expulsée tant que son époux n’est pas également libéré. Les policiers l’ont alors menottée et lui ont agrippé violemment les bras, lui causant des ecchymoses.
🔺Ressortissant étranger souhaitant conserver son anonymat
Arrêté le 13 juin, ainsi qu’une quinzaine d’autres personnes, à un poste de contrôle dans le gouvernorat d’Ismaïlia, alors que le groupe était en route vers Rafah. Des policiers lui assènent des coups de matraque, le frappent au visage et au cou. Toujours au cours de son arrestation, l’un des policiers tente de lui enfoncer un doigt dans l’anus. La police a emmené le groupe au poste de police d’Ismaïlia où il a été maintenu en détention jusqu’au lendemain matin, avant d’être transféré à l’aéroport du Caire pour être expulsé.
🔺Saif Abukeshek, ressortissant espagnol et porte-parole de la Marche vers Gaza
Il est arrêté, avec deux Norvégiens, par des policiers en civil le 16 juin dans un café du Caire. Les policiers leur ont bandé les yeux et les ont amenés à bord d’une camionnette banalisée dans un centre des forces de sécurité tenu secret. Des membres de l’Agence de sécurité nationale ont interrogé les deux ressortissants norvégiens, alors qu’ils avaient encore les yeux bandés et des menottes aux poignets, sur le nombre de participant·e·s à la Marche vers Gaza, leur identité et leur hébergement. Lorsqu’ils refusent de répondre, les deux militants sont giflés et frappés à coup de genou ou de pied dans la poitrine.
À aucun moment ils n’ont été autorisés à contacter leur ambassade, ni qui que ce soit d’autre, afin de les informer de leur arrestation, jusqu’au moment de leur expulsion.
Une société civile étouffée
Les arrestations arbitraires et les mauvais traitements subis par les militant·es ne représentent qu’une infime partie de la répression persistante à laquelle sont confrontées pratiquement toutes les personnes qui expriment des opinions que le gouvernement n’approuve pas.
-Mahmoud Shalaby, spécialiste de l’Égypte et de la Libye à Amnesty International
Alaa Abdel Fattah, une détention sans fin
Arrêté le 29 septembre 2019, accusé de « diffusion de fausses informations » pour avoir partagé une publication sur les réseaux sociaux, ce militant britannico-égyptien, âgé de 43 ans, aurait dû être libéré le 29 septembre 2024, après avoir purgé une peine de cinq ans de prison à la suite d’un procès inéquitable.
Alaa Abdel Fattah est toujours derrière les barreaux, dans des conditions dégradantes. Sa détention provisoire n’ayant pas été prise en compte, il doit purger sa peine jusqu’en janvier 2027.
Sa mère, la chercheuse égyptienne Laila Soueif a cessé de s’alimenter normalement pendant 10 mois pour réclamer sa libération. En vain.
Nous demandons sa libération immédiate. Sa détention prolongée est arbitraire et inacceptable.
Alors que l’Égypte du président Abdel Fattah al-Sissi confirme ne plus tolérer aucune critique et réprime sévèrement le droit de manifester, nous demandons aux autorités de :
➡️Libérer toutes les personnes détenues arbitrairement pour avoir manifesté leur solidarité avec les Palestinien·nes
➡️Enquêter sur toutes les allégations de torture et d’autres formes de mauvais traitements subis par les militant·es égyptien·es et étranger·es.
➡️Favoriser les droits à la liberté de réunion pacifique et d’expression
Soutenir Alaa Abdel Fatah