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Une femme se fait contrôler sa température avant de voter dans un bureau de vote de la capitale syrienne Damas, le 19 juillet 2020, pendant les élections législatives, au milieu de la pandémie de coronavirus. © Louai Beshara / AFP via Getty Images

Une femme se fait contrôler sa température avant de voter dans un bureau de vote de la capitale syrienne Damas, le 19 juillet 2020, pendant les élections législatives, au milieu de la pandémie de coronavirus. © Louai Beshara / AFP via Getty Images

Covid-19 : en Syrie, les soignants en péril et un système de santé au bord de la rupture

Presque huit mois après le début de la pandémie, le gouvernement syrien ne protège pas ses professionnels de santé. Aucune réponse solide n’a été apportée face à la propagation du virus et les autorités refusent de fournir des informations transparentes et cohérentes sur l’épidémie de Covid-19 qui se propage rapidement dans le pays.

En Syrie, le système de santé ébranlé par près de dix années de conflit  était déjà au bord de la rupture avant la pandémie. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 50 % seulement des hôpitaux à travers le pays fonctionnent pleinement, 25 % partiellement en raison de la pénurie de personnel, d’équipements, de médicaments ou des dégâts sur les bâtiments, tandis que les 25 % restants sont totalement hors-service. Aujourd’hui, l’épidémie exacerbe la pression sur un système de santé déjà à l’agonie.  

L’absence de transparence du gouvernement quant à l’ampleur de l’épidémie de Covid-19, la distribution insuffisante d’équipements de protection individuelle (EPI) et la pénurie de tests mettent en grand péril les professionnels de santé et l’ensemble de la population.  

Les professionnels de santé en péril 

 Le ministère de la Santé syrien ne publie pas d’informations sur l’impact du Covid-19 sur les professionnels de santé ; les seules informations disponibles sont celles que le ministère adresse à l’ONU. Officiellement, 11 professionnels de santé seraient morts du Covid-19 en Syrie depuis le début de l’épidémie. Selon le syndicat des médecins syriens, ils étaient déjà au moins 61 à être décédés des suites du virus en août. Et tous les témoignages des médecins, travailleurs humanitaires et proches de patients atteints du Covid-19 que nous avons interrogés à Damas et à Deraa en Syrie, ainsi qu’à l’extérieur du pays, concordent dans le même sens : la situation est pire qu’elle ne l’était il y a huit mois.   

« Le gouvernement syrien doit faire en sorte que les professionnels de santé qui s’occupent des malades atteints du Covid-19 soient protégés avec des EPI adéquats et reçoivent une formation sur la manière de les utiliser. Si le gouvernement n’en a pas la capacité, il devrait solliciter l’aide des organisations sanitaires internationales qui travaillent dans les régions qu’il contrôle » a déclaré Diana Semaan, notre chercheuse sur la Syrie. 

L'OMS et les organisations internationales humanitaires basées à Damas affirment avoir approvisionné le gouvernement syrien en EPI. Mais la distribution par les autorités s’est avérée extrêmement lente, pour des raisons inconnues.  

Un nombre de cas largement sous-évalué 

De leur côté, les autorités syriennes continuent de sous-évaluer le nombre de cas de Covid-19. Alors que le premier cas a été déclaré le 22 mars par le gouvernement syrien, le 10 novembre, le ministère de la Santé recensait 6 352 cas, dont 325 morts. « Les rapports sur les établissements de santé qui se remplissent, ainsi que le nombre croissant d'avis de décès et d’enterrements, tout cela semble indiquer que les cas réels dépassent de loin les chiffres officiels » a déclaré Ramesh Rajasingham, sous-secrétaire général par intérim aux affaires humanitaires et coordonnateur adjoint des secours d'urgence. 

Manque de transparence et d’accès aux tests 

Les cas réels de Covid-19 en Syrie seraient beaucoup plus nombreux en raison du manque de transparence et d'accès aux tests. Selon l’ONU, seulement cinq laboratoires effectuent les tests de dépistage du Covid-19 pour les 15 millions de personnes vivant dans l’ensemble des régions contrôlées par le gouvernement.

En août, le ministère de la Santé a annoncé que le gouvernement n’était pas en mesure de réaliser des tests généralisés en raison du « blocus économique injuste imposé au pays, qui a affaibli le secteur de la santé ». Un mois plus tard, il a déclaré qu’il allouerait 300 tests par jour aux personnes se rendant à l’étranger, au prix de 100 dollars (environ 51 000 livres syriennes), alors que le salaire moyen mensuel s’élève environ à 60 000 livres syriennes.   

Et il n’y a toujours pas de centres de tests à Deraa (ils ne sont plus disponibles depuis juin) ni dans le nord-est de la Syrie, où les taux d’infection ont connu une forte augmentation ces derniers mois.  

Des hôpitaux contraints de renvoyer des patients 

Débordés par la situation, les hôpitaux publics sont contraints de renvoyer des patients à cause du manque de lits, de la pénurie de bouteilles d’oxygène et de respirateurs. En désespoir de cause, certains n’ont d’autre choix que de louer des bouteilles d’oxygène et des respirateurs à des prix exorbitants. 

L’hôpital s’est contenté d’effectuer des tests et de dire à ma famille qu’il avait besoin d’une bouteille d’oxygène. Non sans difficultés, nous avons réussi à en louer une, mais il est mort trois jours plus tard. Ma famille a eu bien du mal à payer pour la bouteille d’oxygène car les prix ont très fortement augmenté, les bouteilles et les respirateurs étant de plus en plus recherchés.

Un médecin, à propos de son grand-père atteint du Covid-19 à la mi-juillet 

Quant aux cliniques privées, elles ont dû refuser des malades atteints du Covid-19, car seuls les hôpitaux publics à Damas sont autorisés à soigner ces patients. 

Nous demandons au gouvernement syrien de :  

intensifier sa réponse en matière de santé publique, en veillant à ce que la population puisse véritablement bénéficier de services de qualité ; 

protéger le personnel soignant, et lui garantir le matériel de protection nécessaire ; 

recueillir et diffuser des informations précises et actualisées sur la propagation du virus dans le pays.