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Les civils sont les premières victimes à Alep © AFP/Getty Images

Les civils sont les premières victimes à Alep © AFP/Getty Images

Conflits armés et protection des civils

Alep : de nouvelles preuves de crimes de guerre

Nos nouvelles images satellite ainsi que de nouveaux témoignages attestent que les forces gouvernementales syriennes, avec le soutien de la Russie, ont attaqué des habitations, des installations médicales, des écoles, des marchés et des mosquées. Une stratégie militaire délibérée pour vider la ville.

La trêve, terriblement insuffisante, annoncée par la Russie dans sa campagne de bombardements, ne permet pas le libre acheminement d’une aide humanitaire à toutes les populations de la ville. Les États membres de l’ONU doivent tirer parti de la réunion de jeudi 20 octobre pour réclamer la levée du siège, la fin des attaques illicites, et recommander des mesures concrètes pour que les responsables de crimes de guerre soient traduits en justice.

Nous avons recueilli des informations sur une série d’attaques menées au cours des trois semaines écoulées, qui semblent avoir eu pour but de décimer la population d’Alep. Des chercheurs de l’organisation ont parlé à des résidents, des professionnels de la santé et des militants qui sont bloqués dans la ville, et qui ont décrit une forte détérioration de la situation humanitaire, sur fond de frappes aériennes quotidiennes visant des logements civils et des infrastructures, comme des centres médicaux, un marché, une école, les compagnies d’électricité et d’eau. Les zones touchées étaient toutes situées à l’écart de cibles militaires telles que les lignes de front, les postes de contrôle ou des véhicules militaires.

Lire aussi : les horreurs des groupes armés

600 attaques aériennes en 3 semaines

Les bombardements visant l’est d’Alep se sont multipliés depuis l’échec du dernier cessez-le-feu le 19 septembre. Au moins 600 attaques aériennes ont eu lieu en l’espace de trois semaines avant le 10 octobre, selon l’Institut syrien pour la justice et l’obligation de rendre des comptes, un groupe local effectuant un suivi de la situation. La direction de la santé à Alep estime qu’environ 400 civils ont été tués lors de ces attaques.

Les images satellite analysées par Amnesty International révèlent qu’en à peine une semaine, 90 sites ont été endommagés ou détruits dans une zone d’une superficie équivalente à celle de Manhattan, à New York. En tout, plus de 110 sites ont subi des dégâts entre le 18 septembre et le 1er octobre 2016.

Un médecin d’Alep a indiqué à Amnesty International que les fournitures, les équipements et le carburant allaient vite venir à manquer en raison du siège.

À Alep, les résidents ont peur lorsqu’ils vivent ou se trouvent à proximité d’un hôpital ou à l’intérieur, parce que nous sommes devenus des cibles pour le régime »

Un médecin d’Alep

Un grand nombre des civils se trouvant toujours à Alep vivent dans une peur constante des attaques quotidiennes.

Chaque fois que je vois une femme ou un enfant blessés, je me dis que cela aurait pu être mon fils et moi. On n’est en sécurité nulle part à Alep, chacun d’entre nous est une cible »

Soha, une militante locale

Siham, dont la fille de quatre ans a été tuée lors d’un bombardement récent, son époux a été arrêté par les forces gouvernementales en 2012 avant la naissance de leur fille.

J’ai vécu toute ma vie à Alep [...] J’ai perdu [ma fille] il y a six jours. Une bombe est tombée devant le bâtiment où elle jouait. Je ne me souviens pas de la dernière chose qu’elle m’a dite [...] Je l’ai perdue comme ça, pour rien [...] absolument rien. J’aurais voulu mourir avec elle. »

Siham, une habitante d’Alep

Utilisation de bombes à sous-munitions

Plusieurs résidents nous ont par ailleurs signalé qu’ils avaient été témoins d’attaques utilisant des armes à dispersion, des bombes répandant des dizaines de sous-munitions sur une vaste superficie, représentant une forte menace pour les civils.

Nous avons examiné des images montrant les restes d’armes à dispersion et de sous-munitions dans des zones civiles de l’est d’Alep datant des trois dernières semaines et a consulté des experts indépendants de l’armement, qui ont identifié des sous-munitions de fabrication russe AO-2.5RT ou AO-2.5RTM, très similaires, ainsi que les restes de bombes à sous-munitions RBK-500 depuis lesquelles elles sont déployées.

Tout ce dont je me souviens est une sensation de douleur insoutenable à la jambe et la hanche. Je continuais à entendre de petites explosions [...] Des gens étaient à terre. Certains rampaient et d’autres ne bougeaient pas »

Fadi, touché par une bombe à sous-munitions

Majed, un autre rescapé se trouvait sur ce même marché à Zebdie, situé à environ 500 mètres de la ligne de front la plus proche, lorsque l’attaque a eu lieu. Il se souvient avoir entendu de petites explosions avant de se réveiller à terre en état de choc, couvert de sang et entouré de blessés. Il avait deux éclats de métal enfoncés dans la jambe.

J’ai entendu le bruit d’un avion de guerre, puis la fenêtre [de la voiture] a explosé au-dessus de nous. J'ai entendu une série de petites explosions qui a duré près d'une minute [...] Plus de 40 personnes étaient blessées »

Osama, témoin d’une attaque à la bombe à sous-munitions

Le recours à des bombes à sous-munitions est interdit en vertu du droit international car elles sont non discriminantes par nature, et compte tenu de la proportion élevée de munitions non explosées, elles représentent une menace durable pour les civils.

Photographies de bombes à sous-munition utilisées © Amnesty International France

Une impasse diplomatique interminable

L’impasse diplomatique a paralysé le Conseil de sécurité des Nations unies, tandis que le nombre de morts parmi les civils augmente chaque jour.

La Russie, avec le soutien de la Chine, a usé de son véto de manière répétée afin de bloquer toute action visant à amener le gouvernement syrien à rendre des comptes pour de graves violations, notamment des crimes de guerre. Il y a moins de deux semaines, un projet de résolution de la France soumis aux Nations unies demandant la fin des attaques contre les civils à Alep a été abandonné en raison du véto de la Russie.

Soixante-dix pays ont demandé l’organisation de la réunion plénière de jeudi 20 octobre, envoyant clairement le message qu’il fallait s’interroger sur l’inaction du Conseil de sécurité. Les États membres doivent exiger une session d’urgence sur la crise, et soutenir toutes les initiatives proposées lors de l’Assemblée générale visant à mettre fin aux crimes de guerre qui se succèdent en Syrie. Prendre des sanctions ciblées contre les responsables syriens et imposer un embargo complet sur les armes sont deux mesures qui pourraient également contribuer à faire pression sur le gouvernement syrien pour qu’il mette fin aux atteintes au droit international humanitaire.

L’inaction du monde face au carnage et aux violations flagrantes qui se poursuivent à Alep doit prendre fin. L’Assemblée générale des Nations unies doit montrer qu’elle peut agir là où le Conseil de sécurité en a été absolument incapable - il en va de la crédibilité des Nations unies