Aller au contenu
Agir
Faire un don
ou montant libre :
/mois
Grâce à la réduction d'impôts de 66%, votre don ne vous coûtera que : 5,1 €/mois
URGENCE ISRAËL-GAZA

Aidez-nous à protéger les civils et enquêter pour dénoncer les crimes de guerre.

©Ted Aljinbe/AFP/Getty Images

©Ted Aljinbe/AFP/Getty Images

©Ted Aljinbe/AFP/Getty Images

Philippines : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains aux Philippines en 2022.

Des homicides illégaux ont continué d’être commis au nom de la « guerre contre la drogue », tandis que les milliers d’autres perpétrés dans le passé restaient pour la plupart impunis. La répression de la dissidence s’est intensifiée et la liberté d’expression a fait l’objet de nouvelles restrictions ; des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s politiques et des journalistes, entre autres, ont été victimes d’arrestations et de détentions arbitraires ainsi que d’homicides illégaux. Les autorités ont bloqué les sites internet, voire ordonné la fermeture, de plusieurs médias indépendants.

CONTEXTE

Le fils de l’ancien président Ferdinand Marcos, Ferdinand « Bongbong » Marcos Jr, a été élu à la tête de l’État en mai ; Sara Duterte-Carpio, la fille du président sortant Rodrigo Duterte, a été élue à la vice- présidence.

La « guerre contre la drogue » lancée en 2016, qui donnait lieu à de graves violations des droits humains, s’est poursuivie.

Plus de 150 personnes sont mortes en octobre dans des inondations et des glissements de terrain causés par une forte tempête tropicale.

EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES ET IMPUNITÉ

Le nombre d’homicides commis dans le contexte de la « guerre contre la drogue » s’est accru après l’entrée en fonctions du nouveau gouvernement. Selon l’équipe de recherche universitaire Dahas,

324 homicides liés à la drogue ont été commis en 2022 par des policiers et d’autres personnes dont on ignorait l’identité, parmi 
lesquels 175 sont intervenus au cours du deuxième semestre.

Le ministère de la Justice a annoncé en septembre l’inculpation pour meurtre d’au moins 30 fonctionnaires de police ayant participé en 2021 à des opérations contre des militant·e·s dans la région de Calabarzon, au cours desquelles neuf personnes avaient été tuées. Il avait en outre fait savoir en août qu’il allait réexaminer 250 affaires d’homicides perpétrés lors d’opérations de lutte contre la drogue dans le centre de l’île de Luçon. La grande majorité des homicides liés à la « guerre contre la drogue » n’avaient cependant toujours pas fait l’objet d’une enquête.

Le procureur de la CPI a déposé en juin une demande auprès de la Chambre préliminaire en vue de reprendre l’enquête sur les crimes contre l’humanité commis aux Philippines, y compris ceux perpétrés dans le cadre de la « guerre contre la drogue ». Il a déclaré que les investigations menées par les autorités nationales étaient insuffisantes et que l’interruption par la CPI, à la demande du gouvernement philippin, de son enquête à la fin de l’année 2021 n’était donc pas justifiée. Le gouvernement a persisté à ne pas vouloir coopérer avec la CPI.

Malgré une recommandation en ce sens formulée par la précédente Haute- Commissaire, le Conseil des droits de l’homme [ONU] n’a pas renouvelé lors de sa session d’octobre le mandat permettant au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme de suivre la situation des droits humains aux Philippines, y compris les progrès accomplis en matière d’obligation de rendre des comptes, et de présenter des rapports à ce sujet.

Le programme commun des Nations unies de renforcement des capacités et d’assistance technique dans le domaine des droits de l’homme se poursuivait, mais l’absence de résultats sur des points essentiels a soulevé des critiques.

Les militants Ericson Acosta et Joseph Jimenez ont été tués en novembre après avoir été capturés par les forces régulières de sécurité, selon les informations disponibles. Ces homicides sont intervenus sur fond de recrudescence des affrontements armés entre les militaires et la Nouvelle Armée du peuple (NPA, un groupe armé) dans la province du Negros occidental.

RÉPRESSION DE LA DISSIDENCE

Les autorités et leurs partisans ont continué de se livrer au red-tagging (littéralement « marquage rouge »), une pratique consistant à associer publiquement certaines personnes ou organisations à des groupes communistes, ce qui a donné lieu à de nouveaux homicides et placements arbitraires en détention et au harcèlement de défenseur·e·s des droits humains, de militant·e·s politiques et d’autres personnes.

Le 15 janvier, dans la province de Sorsogon, des inconnus ont abattu Silvestre Fortades et Rose Maria Galias, tous deux membres d’une organisation de défense des droits du travail et des agriculteurs·trices qui avait été mise à l’index comme étant « rouge ».

Les forces de police ont arrêté, le 18 février, Maria Natividad Castro, une médecin dite « rouge » qui soignait des populations autochtones à Mindanao. Le tribunal régional de la ville de Bayugan a prononcé en mars un non-lieu pour les chefs d’enlèvement et de détention illégale qui pesaient sur elle, puis est revenu sur sa décision en juin. À la fin de l’année, aucune suite n’avait été donnée au nouveau mandat d’arrêt émis par la justice à l’encontre de cette femme.

Adora Faye de Vera, une défenseure des droits humains étiquetée « rouge », a été arrêtée par la police en août dans le Grand Manille. Elle avait déjà été arbitrairement détenue dans les années 1970 sous le régime de l’ancien président Ferdinand Marcos, à l’époque de la loi martiale, et avait continué à faire campagne pour que d’autres victimes de violations des droits humains commises en vertu de la loi martiale obtiennent justice. Accusée de meurtre et de rébellion en lien avec une « embuscade » dans laquelle des membres des forces de sécurité avaient trouvé la mort fin 2009, elle était toujours détenue par la police à la fin de l’année.

La Cour suprême a fermement dénoncé l’initiative d’une ancienne porte-parole d’un groupe de travail instauré pour « mettre fin au conflit armé communiste local », qui avait qualifié de « rouge » la juge Marlo Magdoza- Malagar après que celle-ci eut rejeté la demande du ministère de la Justice d’inscrire sur la liste des organisations terroristes le Parti communiste des Philippines et sa branche armée, la NPA.

Incarcérée pour des motifs politiques après avoir été accusée d’infraction à la législation sur les stupéfiants, l’ancienne sénatrice Leila de Lima a passé sa sixième année en détention, alors même que des témoins clés s’étaient rétractés. Le Bureau du médiateur a rejeté en août une requête mettant en cause cette prisonnière d’opinion pour des faits présumés de corruption.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Les agressions physiques de journalistes se sont multipliées et le harcèlement judiciaire des professionnel·le·s des médias s’est intensifié ; des sites indépendants d’information ont été bloqués.

Deux journalistes au moins ont été tués en 2022, dont une grande voix de la radio, Percival Mabasa (également connu sous le nom de Percy Lapid), abattu le 3 octobre à Las Piñas, une ville du Grand Manille. Un homme qui aurait joué un rôle dans ce meurtre a été tué en prison peu de temps après les faits. Mis en cause à l’antenne par Percy Lapid, qui dénonçait notamment des problèmes de corruption, le directeur général de l’Administration des pénitenciers nationaux a été inculpé dans le cadre de l’enquête, qui se poursuivait à la fin de l’année.

En juin, la Commission nationale des télécommunications a ordonné aux fournisseurs d’accès de bloquer 28 sites internet, notamment ceux qui appartenaient à des groupes de médias indépendants accusés par le gouvernement de soutenir des « terroristes ou des organisations terroristes », ou d’entretenir des liens avec de telles personnes ou organisations. À la suite d’une action en justice intentée par Bulatlat, la Commission a dû lever l’ordre de bloquer le site de ce média d’information.

La directrice de la rédaction de Bulatlat, Ronalyn Olea, a été désignée comme « rouge » en octobre par la présentatrice d’un journal sur une chaîne de télévision progouvernementale, qui l’a accusée à l’antenne d’être une opératrice internet à la solde d’organisations communistes.

La Cour d’appel a confirmé au mois de juillet la condamnation pour diffamation en ligne de la journaliste et lauréate du prix Nobel Maria Ressa et de son confrère Reynaldo Santos Jr. Un second appel a été rejeté en octobre. Les accusations retenues contre la cofondatrice et l’ancien rédacteur du média indépendant Rappler avaient trait à un article de 2012 établissant un lien entre un homme d’affaires et des activités de trafic de stupéfiants et de traite des êtres humains.

Maria Ressa et Reynaldo Santos Jr risquaient plus de six ans d’emprisonnement en cas de rejet de leur ultime recours, auprès de la Cour suprême. À la fin de l’année, Maria Ressa restait sous le coup de poursuites judiciaires dans sept autres affaires au moins. Une décision de fermeture de Rappler était toujours en instance d’appel.

Le militant et ancien candidat à la vice- présidence Walden Bello a été arrêté en août pour diffamation en ligne à la suite d’une plainte déposée par l’ancien responsable de la communication de la vice-présidente Sara Duterte-Carpio. Les charges portaient sur des commentaires établissant un lien entre ledit responsable et le trafic de drogues. Dans cette affaire, considérée par nombre d’observateurs et observatrices comme une manœuvre visant à étouffer les voix de l’opposition, Walden Bello a déposé une requête en vue d’un non-lieu, qui n’avait pas été examinée à la fin de l’année.

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

En avril, des agents de sécurité travaillant pour une plantation privée de la province de Bukidnon ont blessé cinq personnes au moins après avoir ouvert le feu lors d’un 
déplacement d’un candidat à la présidence du pays, venu rencontrer des dirigeant·e·s du peuple Manobo-Pulangiyon.

En septembre, la communauté a demandé aux autorités d’ouvrir une enquête sur ces tirs, de reconnaître juridiquement les territoires ancestraux qu’elle revendiquait et de mettre un terme à l’accaparement de terres par des entreprises privées qui contraignait les habitant·e·s à quitter leur foyer.

LUTTE CONTRE LA CRISE CLIMATIQUE

Le président Ferdinand « Bongbong » Marcos Jr s’est engagé lors de sa prise de fonctions à lutter contre le changement climatique. Les organisations de défense de l’environnement craignaient toutefois que les plans d’adaptation et les promesses d’une utilisation accrue des sources d’énergie renouvelables ne soient pas respectés, compte tenu des restrictions budgétaires décidées, qui frappaient entre autres la Commission sur le changement climatique.

Actualités