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©Ted Aljinbe/AFP/Getty Images

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Philippines

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains aux Philippines en 2023.

Des exécutions extrajudiciaires ont encore été perpétrées, notamment dans le cadre de la « guerre contre la drogue ». La CPI a rejeté l’appel interjeté par le gouvernement contre la réouverture de l’enquête sur les violations des droits humains commises dans le cadre de la « guerre contre la drogue ». La pratique du « marquage rouge », consistant à étiqueter comme « rouges » un certain nombre de personnes, notamment des défenseur·e·s des droits humains, a été de plus en plus utilisée contre des travailleuses et travailleurs humanitaires. La liberté d’expression restait soumise à des restrictions. Des disparitions forcées de défenseur·e·s de l’environnement et de personnes autochtones ont été signalées.

EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES

Les exécutions extrajudiciaires pratiquées depuis 2016 dans le contexte de la « guerre contre la drogue » se sont poursuivies au cours de la deuxième année au pouvoir du président Ferdinand Marcos Jr., qui avait pourtant déclaré publiquement que la campagne contre les stupéfiants illicites serait axée sur les soins, la réadaptation et la réinsertion. D’après le travail de veille médiatique réalisé par le groupe de recherche universitaire Dahas, au moins 329 personnes ont été tuées en 2023 par des personnes non identifiées ou par des agent·e·s de l’État au cours d’opérations de lutte contre la drogue menées par la police.

D’autres homicides illégaux ont également eu lieu. Deux adolescents, John Francis Ompad et Jemboy Baltazar, ont par exemple été tués par la police en août, l’un dans la ville de Rodriguez (province de Rizal) et l’autre dans la ville de Navotas. Huit hommes, dont sept policiers, ont été inculpés de leur homicide. En septembre, dans la ville de Bangued, des personnes non identifiées ont abattu l’avocate Saniata Liwliwa Gonzales Alzate, qui fournissait gratuitement des services juridiques aux justiciables à faible revenu. Une enquête sur ce meurtre était en cours à la fin de l’année.

IMPUNITÉ

L’impunité restait la règle dans la majorité des affaires d’homicides illégaux, qui se comptaient par milliers.

En août, le parquet a annoncé que le ministère de la Justice avait classé sans suite la plainte déposée contre 17 policiers par l’épouse d’Emmanuel Asuncion. Ce défenseur des droits du travail avait été tué le 7 mars 2021 aux côtés de huit autres militant·e·s pendant des opérations policières sur l’île de Luçon. Un recours contre ce classement sans suite était en attente d’examen à la fin de l’année.

En juin, un tribunal a condamné trois hommes à des peines allant de deux à huit ans de prison pour complicité dans l’homicide de Percival Mabasa (connu sous le pseudonyme de Percy Lapid), commis en octobre 2022. Ce célèbre présentateur radio avait été tué après avoir émis à l’antenne des critiques à l’égard de responsables gouvernementaux, dont Gerald Bantag, alors directeur de l’Administration des pénitenciers nationaux, lequel n’avait pas été arrêté à la fin de l’année malgré son inculpation dans le cadre de cette affaire.

Rare exception à la tendance générale, l’ancien policier Jefrey Perez a été condamné en mars à une peine maximale de 40 ans d’emprisonnement pour avoir tué deux adolescents, Carl Arnaiz et Reynaldo de Guzman, en 2017. Il ne s’agissait que du deuxième cas connu de condamnation d’un policier pour des homicides liés à la drogue.

En juillet, la Chambre d’appel de la CPI a débouté le gouvernement de son recours contre la réouverture, par le procureur de la CPI, de l’enquête sur les crimes contre l’humanité commis notamment dans le cadre de la « guerre contre la drogue ».

RÉPRESSION DE LA DISSIDENCE

En dépit des pressions exercées par le Conseil des droits de l’homme [ONU] pour mettre fin à la pratique du « marquage rouge », qui consistait à associer publiquement des organisations et des personnes à des groupes communistes interdits, cette pratique s’est poursuivie tout au long de l’année. Elle exposait les personnes visées à des homicides illégaux et à d’autres graves atteintes aux droits humains.

Le 13 mars, le groupe de travail instauré par le gouvernement pour « mettre fin au conflit armé communiste local » a qualifié de « rouges » des groupes de défense des droits humains, notamment l’Alliance pour la promotion des droits du peuple (KARAPATAN) et l’Alliance philippine des défenseurs des droits humains (PAHRA), ainsi que des organisations d’assistance juridique qui soutenaient la proposition de loi relative à la protection des défenseur·e·s des droits humains.

En septembre, le ministère de l’Éducation a déclaré publiquement que 16 lycées publics du Grand Manille se livraient à des activités de recrutement pour le compte du Parti communiste des Philippines et sa branche armée, la Nouvelle Armée du peuple (NPA).

Les autorités ont de plus en plus souvent invoqué la législation antiterroriste contre des groupes qualifiés de « rouges », y compris des organisations humanitaires. En mars, un tribunal a déclaré une ancienne trésorière du groupe catholique des Missionnaires ruraux des Philippines coupable de complicité de financement du terrorisme. Il s’agissait de la première condamnation prononcée au titre de la Loi de prévention et de répression du financement du terrorisme depuis sa promulgation en 2012. Quatre religieuses et 11 autres membres de cette organisation, accusés par le ministère public de servir d’intermédiaire à la NPA, étaient sous le coup de charges similaires. En mai, l’armée a porté plainte contre le groupe humanitaire Community Empowerment Resource Network pour « financement du terrorisme » sur le fondement de la même loi.

En mai, un tribunal de Muntinlupa a acquitté Leila de Lima, ancienne sénatrice et prisonnière d’opinion, du chef de conspiration aux fins du commerce de stupéfiants illicites. Elle a été libérée sous caution en novembre, mais restait inculpée dans la dernière des affaires en lien avec la drogue pour laquelle elle était poursuivie, motivée comme toutes les autres par des considérations politiques.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

En janvier et en septembre, la cour d’appel chargée des questions fiscales a abandonné l’ensemble des cinq chefs d’évasion fiscale qui pesaient sur la journaliste de renom Maria Ressa et sur la maison mère de son site d’actualités Rappler. En décembre, le ministère public a abandonné les poursuites engagées contre cette lauréate du prix Nobel pour violation présumée de la législation interdisant toute participation étrangère au capital des organes de presse. L’appel interjeté contre la condamnation de Maria Ressa à sept ans de prison dans une autre affaire de diffamation en ligne, ainsi que le recours formé contre la décision de fermeture de Rappler, étaient toujours en instance à la fin de l’année.

En décembre, le parquet a rejeté la plainte pour violation des lois environnementales déposée par la police contre l’artiste Max Santiago et trois autres hommes, qui avaient brûlé une effigie du président pendant une manifestation en juillet. Quatorze autres personnes étaient toujours sous le coup d’une inculpation pour avoir organisé cette manifestation sans autorisation.

DISPARITIONS FORCÉES

Deux défenseures de l’environnement, Jhed Tamano et Jonila Castro, ont disparu le 5 septembre dans les environs de la capitale, Manille. Avant de les libérer, l’armée a organisé le 19 septembre une conférence de presse en présence des deux femmes, indiquant qu’elles étaient maintenues « en lieu sûr » après avoir sollicité l’aide des autorités. Cependant, ces femmes ont accusé publiquement l’armée de les avoir enlevées et ont saisi la Cour suprême pour demander une protection contre la police et d’autres organes gouvernementaux, à la suite de quoi l’armée a porté plainte contre elles pour faux témoignage. L’affaire n’avait pas encore été jugée à la fin de l’année.

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Le 28 avril, Dexter Capuyan et Gene Roz Jamil de Jesus, deux défenseurs des droits des peuples autochtones qualifiés de « rouges », ont disparu à Taytay, dans la province de Rizal, après avoir été emmenés de force par des personnes qui ont affirmé travailler pour la police. En septembre, la cour d’appel a rejeté un recours qui avait été formé par leurs familles pour contraindre les autorités à les présenter à un tribunal. La Police nationale philippine a nié toute implication dans cette affaire.

En juillet, le Conseil antiterroriste a qualifié de terroristes quatre dirigeant·e·s d’un groupe de défense des droits des peuples autochtones, l’Alliance populaire de la Cordillère, ce qui a permis aux autorités d’enquêter sur leurs activités et de geler leurs avoirs financiers.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES

En mai, la Commission des femmes et de l’égalité des genres de la Chambre des représentants a approuvé une proposition de loi visant à protéger les personnes contre toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre et les caractéristiques sexuelles. Ce texte devait encore être adopté à la fois par la Chambre des représentants et par le Sénat, mais, en septembre, le responsable de la majorité au Sénat a déclaré que ce n’était pas une priorité.

Le 7 octobre, la police a libéré sous caution l’artiste drag Pura Luka Vega, après son maintien en détention pendant trois jours pour violation d’une loi contre les « actes indécents ou immoraux » jugés « offensants à l’égard d’une race ou une religion ». Pura Luka Vega avait récité le Notre Père dans un costume faisant penser à Jésus. En cas de déclaration de culpabilité, l’artiste risquait une amende conséquente et jusqu’à 12 ans d’emprisonnement.

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