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© Utomi Ekpei/AFP/Getty Images

© Utomi Ekpei/AFP/Getty Images

Nigeria

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Nigeria en 2024.

Des journalistes et des personnes critiques à l’égard des autorités ont été arrêtés, inculpés et détenus arbitrairement. Les forces de sécurité ont arrêté des manifestant·e·s et les ont soumis à des mauvais traitements. Elles ont eu recours à une force excessive pour étouffer des manifestations, provoquant la mort de plusieurs personnes. Plusieurs centaines de personnes ont été tuées lors d’épisodes de violences collectives. Les filles enlevées par Boko Haram étaient toujours privées de soutien et de justice. Un tribunal britannique a donné le feu vert à des habitant·e·s de l’État de Rivers pour amener Shell à rendre des comptes au sujet de graves dégradations de l’environnement.

CONTEXTE

Des inondations survenues dans 33 États ont causé la mort de plus de 300 personnes et le déplacement de dizaines de milliers d’autres. Plus de 61 000 hectares de terres ont été inondés dans l’État de Kogi. Dans l’État de Borno, les inondations ont empêché l’acheminement de l’aide humanitaire destinée à 27 000 personnes. Dans le même État, 1 618 enfants souffrant de malnutrition ont été recensés entre mi-mai et juin. Leur état s’expliquait par le prix élevé des aliments de base et l’absence d’installations d’assainissement adéquates. Mi-octobre, plus de 14 000 cas présumés de choléra avaient été dénombrés ; ils ont entraîné 378 décès.

LIBERTÉ D'EXPRESSION

Une proposition de loi de lutte contre la subversion prévoyant de sanctionner sévèrement les Nigerian·e·s qui ne savaient pas réciter le nouvel hymne national ou qui critiquaient des personnalités politiques ou des responsables locaux a été présentée le 23 juillet à la Chambre des représentants. Le texte a été adopté en première lecture et déposé en deuxième lecture, avant d’être retiré le 14 août par le président de la Chambre face au mécontentement de l’opinion publique.

Les autorités ont continué d’arrêter et de placer en détention de façon arbitraire des journalistes et d’autres personnes exprimant des points de vue dissidents. Le 15 mars, le journaliste Segun Olatunji, du site d’information The First News, a été enlevé à son domicile par des membres de l’armée nigériane. Il avait écrit un article accusant de népotisme un membre de l’Agence du renseignement militaire (DIA) du Nigeria. À la suite de pressions exercées par l’opinion publique, les agents de la DIA ont reconnu le détenir et l’ont libéré le 28 mars.

Le journaliste Daniel Ojukwu, qui travaillait pour la Fondation pour le journalisme d’investigation, a été enlevé le 1er mai et placé en détention par la police. Il avait auparavant enquêté sur une affaire concernant Adejoke Orelope-Adefulire, conseillère spéciale principale du président chargée des objectifs de développement durable, qui a réalisé un versement de 147 millions de nairas du Nigeria (106 154 dollars des États-Unis) sur le compte bancaire d’un restaurant. Le paiement a été effectué avec de l’argent public destiné à construire une école. L’arrestation de Daniel Ojukwu a suscité une grande émotion dans l’opinion publique et le journaliste a été libéré 10 jours plus tard. Le 14 août, Fisayo Soyombo, rédacteur en chef à la Fondation pour le journalisme d’investigation, a été placé en détention pour le même article. Il a été libéré sous condition dans la journée.

Le journaliste Muktar Dahiru a été arrêté le 29 août par la police pour une publication sur Facebook considérée comme « insultante » envers le gouverneur de l’État de Kano, Abba Yusuf. Il a été inculpé de conspiration criminelle, diffamation et outrage intentionnel.

Le 29 mai, une haute cour fédérale siégeant dans le Territoire de la capitale fédérale, Abuja, a ordonné le placement en détention de Chioma Okoli. Cette femme était inculpée de diffamation en vertu de la Loi relative à la cybercriminalité après avoir mis en ligne sur Facebook un commentaire indiquant qu’une purée de tomates produite par Erisco Foods Ltd contenait une quantité de sucre nocive pour la santé. Elle a été remise en liberté sous caution le 31 mai, à des conditions strictes. Son procès était en cours à la fin de l’année.

L’éditeur du site d’information News Platform, Precious Eze Chukwunonso, a été arrêté par la police le 27 mai et maintenu en détention pendant 18 jours. Il avait écrit un article dans lequel il affirmait qu’un homme d’affaires local avait eu une altercation avec une voisine dans un quartier résidentiel de Lagos, altercation au cours de laquelle des coups de feu avaient été tirés. Plusieurs charges pénales pesaient sur lui : « conduite susceptible de porter atteinte à la paix, atteinte à la paix par une publication offensante et conspiration en vue de commettre une infraction ».

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

Le 8 août, la police a effectué une descente au siège du Congrès des travailleurs du Nigeria (NLC). Le 19 août, le Département des services de l’État (DSS) a convoqué le président du NLC, Joe Ajaero, pour l’interroger au sujet de présomptions de conspiration criminelle, de financement du terrorisme, de trahison, de subversion et de cybercriminalité. Le 9 septembre, le syndicaliste a été arrêté par des agents du DSS à l’aéroport Nnamdi Azikiwe d’Abuja.

LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE

Les autorités ont fait peser des restrictions illégales sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association. À la suite des manifestations du mouvement #EndBadGovernance qui se sont déroulées du 1er au 10 août, plus de 1 000 personnes ont été détenues dans tout le pays et au moins 24 manifestant·e·s ont été tués dans le cadre de la répression violente exercée par les forces de sécurité dans les villes de Kano et de Maiduguri et dans les États de Jigawa, de Katsina, du Niger et de Kaduna.

Douze manifestant·e·s du mouvement #EndBadGovernance ont été inculpés le 2 septembre. Adeyemi Abiodun Abayomi, Musa Abdullahi, Michael Tobiloba Adaramoye, Bashir Bello, Angel Love Innocent, Nuradeen Khamis, Buhari Lawal, Lucky Ehis Obiyan, Mosiu Sadiq, Opaluwa Eleojo Simeon, Suleiman Yakubu et Abdulsalam Zubairu ont été déférés à une haute cour fédérale siégeant dans le Territoire de la capitale fédérale pour des charges controuvées : crime et trahison, conspiration en vue de déstabiliser le Nigeria, incitation à la mutinerie et guerre contre l’État nigérian, notamment.

Le 1er novembre, après avoir été arrêtés et soumis à des mauvais traitements, 114 manifestant·e·s du mouvement #EndBadGovernance ont été inculpés en groupes par une haute cour fédérale dans le Territoire de la capitale fédérale. La majorité des personnes inculpées dans l’un de ces groupes étaient des mineurs. Quatre d’entre eux se sont effondrés dans la salle d’audience, après avoir passé plus de deux mois en détention dans des conditions effroyables. Dans l’État de Katsina, 12 enfants de moins de 16 ans inculpés de participation aux manifestations #EndBadGovernance faisaient aussi l’objet d’un procès inéquitable. Nombre de ces enfants ont été arrêtés simplement parce qu’ils se trouvaient dans la rue au moment des manifestations.

DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS

Examinant l’affaire Obianuju Catherine Udeh et 2 autres c. République fédérale du Nigeria, la Cour de justice de la CEDEAO a statué, le 10 juillet, que les autorités nigérianes avaient bafoué plusieurs droits des manifestant·e·s du mouvement #EndSARS. Il s’agissait notamment des droits à la sécurité et à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, du droit de ne pas être victime de torture ni d’autres mauvais traitements, de l’obligation pour l’État d’enquêter et du droit à un recours effectif. Cependant, la Cour n’a pas amené les autorités nigérianes à rendre des comptes pour les homicides de 12 manifestant·e·s commis en octobre 2020 au péage de Lekki et dans le district d’Alausa (État de Lagos).

ATTAQUES ET HOMICIDES ILLÉGAUX

Dans un rapport publié en octobre, Amnesty International a fait état d’au moins 555 morts imputables à 363 cas de violences collectives ayant eu lieu entre janvier 2012 et août 2023. Nombre des victimes ont été torturées à mort ou assassinées après avoir été accusées de vol, de sorcellerie ou de blasphème, entre autres. Le faible nombre d’enquêtes ouvertes sur ces faits et de poursuites engagées montrait que les autorités ne protégeaient pas la population contre les violences.

Entre décembre 2023 et février 2024, des hommes armés ont attaqué les populations dans les zones de gouvernement local de Barkin Ladi, Bokkos et Mangu (État du Plateau), tuant 1 333 personnes, dont 260 mineur·e·s.

En mars, une bombe a explosé à Kawori, dans la zone de gouvernement local de Konduga (État de Borno), faisant 16 morts et des dizaines de blessés.

En avril, des affrontements ont éclaté entre des agriculteurs et des éleveurs dans la zone de gouvernement local d’Omala (État de Kogi), faisant 21 morts. En juin, huit personnes ont été blessées dans une attaque perpétrée par des éleveurs dans les zones de gouvernement local de Birnin Kudu, Dutse et Kiyawa (État de Jigawa).

Le 24 décembre, des hommes armés ont tué au moins 15 personnes, principalement des femmes et des enfants, lors d’une attaque contre le village de Gidan Ado, dans la chefferie de Ganawuri (zone de gouvernement local de Riyom, État du Plateau). Les corps des victimes ont été retrouvés éparpillés dans des maisons, des cours et des fermes.

VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

Le 30 septembre, l’armée de l’air nigériane a lancé des frappes aériennes sur le village de Jika da Kolo, dans le district de Yadin Kidandan (État de Kaduna), tuant 23 habitant·e·s, dont des mineur·e·s. Des fidèles qui se trouvaient à la mosquée et des personnes qui faisaient des achats sur un marché figuraient parmi les victimes.

Au moins 10 personnes sont mortes le 25 décembre lors de frappes aériennes militaires contre les villages de Gidan Sama et de Rumtuwa (zone de gouvernement local de Silame, État de Sokoto).

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

Les pouvoirs publics n’ont pas pris de mesures efficaces pour prévenir les attaques contre des filles et des écoles. Dix ans après l’enlèvement de 276 lycéennes par des combattants de Boko Haram à Chibok (État de Borno), 82 de ces jeunes filles étaient toujours en captivité. Parmi celles qui ont été libérées, 20 ont été contraintes à rester avec des combattants « repentis » de Boko Haram qu’elles avaient été forcées à épouser pendant leur captivité. Plusieurs filles avaient été enlevées lors d’attaques ultérieures.

Dans un rapport publié en juin, Amnesty International a montré que les filles associées à Boko Haram ou perçues comme telles, après avoir survécu pendant des années aux atteintes aux droits humains commises à la fois par ce groupe armé et par les forces nigérianes, étaient toujours privées d’aide à la réinsertion et de justice.

Un projet de texte visant à abroger la Loi relative à l’interdiction des violences faites aux personnes (2015), une loi destinée à faire reculer les violences fondées sur le genre au Nigeria, est arrivé au Sénat en deuxième lecture le 24 août.

DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Le taux d’inflation de 33,4 % – en hausse de 9,32 % par rapport à juillet 2023 – et le coût élevé des biens et services ont fait chuter le niveau de vie. Le 5 septembre, les autorités ont augmenté le prix de l’essence, qui est passé de 617 nairas (0,37 dollar) à 817 nairas (0,50 dollar) le litre, sans prendre aucune mesure compensatoire pour protéger les revenus. Le 9 septembre, des agents du DSS sont entrés illégalement dans les locaux du Projet de responsabilisation à l’égard des droits socioéconomiques, une organisation de défense des droits humains, après que celle-ci eut appelé le président à annuler la décision de relèvement des prix dans les 24 heures.

Entre le 18 et le 22 décembre, 67 personnes, dont la majorité étaient au seuil de la famine, ont péri piétinées alors qu’elles tentaient d’obtenir de la nourriture lors de distributions de riz par des organismes caritatifs : 35 enfants à Ibadan (État d’Oyo) le 18 décembre ; 22 personnes à Okija (zone de gouvernement local d’Ihiala, État d’Anambra) le 21 décembre ; et 10 personnes dans le Territoire de la capitale fédérale le 21 décembre.

DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN

Le 11 octobre, la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles a statué que la procédure engagée en 2015 par les habitants des villages de Bille et d’Ogale (État de Rivers) contre Shell Petroleum Development Company devait faire l’objet d’un procès complet. Cela donnera probablement lieu à la divulgation de documents internes de Shell revêtant une importance cruciale. Cet arrêt de la Cour d’appel allait à l’encontre de la décision prise précédemment par la Haute Cour de justice en mars, laquelle privait de justice les deux villages, qui avaient intenté cette action pour que Shell réponde des dommages causés à l’environnement par des fuites d’hydrocarbures depuis des décennies.

La réaction du Nigeria face au changement climatique demeurait insuffisante en raison de la faiblesse de ses politiques climatiques et du manque de solutions en matière d’énergies renouvelables.

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