L’armée israélienne intensifie ses bombardements dans la ville de Gaza, déterminée à prendre son contrôle total. Des centaines de milliers de Palestinien·nes se retrouvent forcé·es à se réfugier dans des enclaves surpeuplées au sud de la bande de Gaza. Nous avons récolté le témoignage de ces personnes déplacé·es qui vivent un enfer.
Vers un nouvel accord de cessez-le-feu ?
Un accord entre Israël et le Hamas, sur la première phase d’un cessez-le-feu, vient d’être annoncé. Cet accord, cruellement attendu, n’effacera pas le génocide commis par Israël envers la population palestinienne de Gaza ni l’horreur des massacres du 7 octobre 2023 perpétrés par le Hamas. Le cessez-le-feu doit mettre fin à l’occupation illégale, à l’apartheid et au génocide perpétrés par Israël et permettre la libération des otages.
Cela fait plus de deux ans que la population civile de la bande de Gaza est bombardée, affamée, soumise à des vagues massives de déplacements forcés. Le génocide se poursuit.
Dans la ville de Gaza, l'intensification militaire de ces derniers mois laisse un paysage de désolation. C’est un véritable “no man’s land”, une terre vidée de sa population, où ne subsistent que les fantômes des immeubles vides qui peinent à rester debout.
Les ordres de déplacements massifs illégaux proférés par l’armée israélienne visent à semer la panique pour les habitant·es qui ne savent plus où fuir.
Lire aussi : Retrouvez notre rapport sur le génocide en cours à Gaza
La population de la ville de Gaza condamnée à fuir
L’armée israélienne a annoncé le 5 septembre une campagne de destruction de tours d’immeubles dont la plupart étaient déjà endommagées par des mois de bombardements. Ces bâtiments abritaient des milliers de familles déplacées qui y avaient trouvé refuge. Ils étaient souvent entourés de tentes formant des camps de fortune sordides et surpeuplés.
Dans les airs, les avions bombardent. A terre, l’armée israélienne déploie des véhicules téléguidés chargés d’explosifs, pour effectuer des frappes ciblées dans la ville de Gaza. Les populations, assiégées, n’ont d’autre choix que de fuir.
L’aide humanitaire empêchée
Les hôpitaux et les centres de soins à Gaza s'effondrent et les organisations humanitaires, dont Médecins Sans Frontières et le Comité international de la Croix-Rouge, sont contraintes de suspendre leurs activités dans la ville en raison de l’intensification des opérations.
Firyal, une mère palestinienne de six enfants, s'est enfuit de la ville de Gaza à cause des véhicules téléguidés qui sillonnent les rues :
C’est la peur de ces robots explosifs qui nous a poussés à partir.
Elle a cherché un endroit où se loger avec sa famille pendant plus de 10 jours, en vain.
“Nous n’avions pas les moyens de payer un transport. Nous avions déjà tout dépensé pour acheter des conserves, alors nous avons fait le trajet Gaza - Deir al Balah [ndlr : ville située entre Gaza et Rafah] à pied. Nous n’avons trouvé aucun endroit où loger, alors comme vous le voyez, nous dormons dehors, sur ce terre-plein de la rue Salaheddine. Les vêtements des enfants nous servent de couvertures. Notre tente a été réduite en lambeaux lorsque l’immeuble voisin a été bombardé. Nous risquons en permanence d’être écrasés par les camions qui passent par ici. Il n’y a rien pour nous protéger.”
Le 1er octobre, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a publié cette déclaration sur X : « C’est la dernière occasion pour les habitant·es de Gaza qui le souhaitent de partir vers le sud et de laisser les terroristes du Hamas isolés dans la ville de Gaza, face à l’action de la Force de défense d’Israël qui se poursuit avec une intensité maximale. Ceux qui resteront à Gaza seront considérés comme des terroristes et des partisans du terrorisme. »
Sa déclaration viole un des principes fondamentaux du droit international humanitaire : l'obligation de faire la distinction, en tout temps, entre civil·es et cibles militaires. En menaçant de traiter les centaines de milliers de personnes qui restent à Gaza comme des " terroristes " et des " partisans du terrorisme ", il donne le feu vert aux crimes de guerre, comme le fait de cibler les civil·es et d'imposer des sanctions collectives.
Des conditions de vie indignes pour les personnes déplacé·es
Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), plus de 400 000 déplacements du nord vers le sud de Gaza ont été enregistrés depuis mi-août. La plupart ont fui vers les villes de Deir al Balah et de Khan Younès.
Ces personnes sont condamnées à se réfugier dans des enclaves surpeuplées, sans accès suffisant à l'eau potable, à la nourriture, aux soins médicaux, à un abri, ni aux infrastructures vitales. Les témoignages que nous avons récoltés révèlent l’ampleur des immenses souffrances infligées à ces centaines de milliers de familles palestiniennes.
Cela fait maintenant quatre fois que Raeda est forcée à se déplacer depuis le mois d’avril 2025. « Je dors dans la rue, sans tente, depuis 10 jours. Notre famille compte sept personnes, nous dormons tous dehors. Impossible de se reposer, nous n'avons aucune intimité, il n'y a pas de vie ici. Nous n'avons pas pris de douche depuis des jours. »
Laisser ma fille malade derrière moi est mon pire cauchemar.
Mirvat, une mère de quatre enfants victime de déplacements forcés.
Pour Mirvat, une mère de quatre enfants qui dort dans la rue, elle en est à son septième déplacement. « Ma fille de 25 ans est atteinte d'un cancer et j'ai dû la laisser à Gaza car elle ne peut pas faire le trajet à pied, et tant que nous ne trouvons pas d'abri convenable ici, il lui est impossible de se déplacer. Elle doit se rendre à l'hôpital tous les mois pour se faire soigner, mais c’est impossible depuis fin août, car la route entre l’endroit où elle séjourne à Tal al Hawa et la rue al Nasr est trop dangereuse. »
Pris au piège des bombardements dans la ville de Gaza
Des centaines de milliers de civil·es restent pris au piège sous les bombardements qui frappent la ville de Gaza. Beaucoup ne peuvent pas fuir, faute de moyens pour payer le transport ou parce que la petite zone d'évacuation désignée par Israël est surpeuplée et impropre à l'habitation humaine. Les personnes porteuses de handicaps, âgées ou ayant épuisé depuis longtemps leurs réseaux de soutien n'ont d'autre choix que de rester sur place.
Shireen et sa famille sont d’abord restés dans le camp de réfugiés d’al Shati, dans la ville de Gaza, malgré les ordres de déplacement. Ils n’avaient nulle part où aller et tous les sites sollicités dans le sud étaient surchargés. Le 15 septembre, ils ont reçu un appel téléphonique de l’armée israélienne leur ordonnant de partir en citant leurs noms.
« Nous sommes restés malgré les bombardements intenses ; nous ne comptons plus le nombre de fois où nous avons échappé à la mort. Chaque nuit était pire que la précédente, un bâtiment près de chez nous a été bombardé et totalement rasé. Mais, après avoir reçu l’appel de l'armée israélienne, nous sommes partis. Nous avons dit à l'homme au téléphone que nous n'avions nulle part où aller. Alors nous sommes venus ici, à Al Zawayda, et depuis, nous dormons dans la rue. »
C'est la huitième fois que Shireen et sa famille sont déplacés depuis le début de la guerre. Ce dernier déplacement fut le plus difficile :
Au moins avant, nous pouvions emporter une tente, nous avions notre panneau solaire et un peu d'argent ; aujourd’hui, nous n'avons plus rien. Nous avons tout donné pour payer le transport.
Shireen, palestinienne victime de huit déplacements forcés.
Weam, une mère de trois enfants, a dû laisser ses deux enfants de sept et cinq ans chez leur grand-mère dans la ville de Gaza jusqu'à ce qu'elle trouve un abri à Deir al Balah : « Je peux dormir dans la rue, mais mes enfants sont trop jeunes. Imaginez le choix qui s'offre à nous : à Gaza, mes enfants vivent dans une maison dévastée, avec des bombardements incessants ; ici, c'est plus calme, mais je n'ai pas de toit sur la tête. »
Nos demandes :
Un accès sans entrave aux services et aux denrées indispensables à la survie et une protection contre les attaques illégales pour la population civile de la ville de Gaza
La fin du génocide en cours à Gaza
Une libération immédiate et sans condition des otages
La mise en place d’un cessez-le-feu immédiat
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