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Myanmar. Dans les conditions actuelles, le rapatriement des Rohingyas serait « catastrophique » dans l’État d’Arakan, dans le nord du pays
Les populations rohingyas de l’État d’Arakan, dans le nord du Myanmar, sont confrontées au travail forcé, à des crises alimentaires et sanitaires, à de sévères restrictions de leur liberté de circuler et à une intensification du conflit armé, a déclaré Amnesty International le 30 septembre 2025, en mettant en garde contre toute décision dangereusement prématurée de rapatrier les réfugié·e·s depuis le Bangladesh.
Le 30 septembre, l’Assemblée générale des Nations unies tiendra une conférence de haut niveau sur la situation des musulmans rohingyas et des autres minorités au Myanmar. Cette conférence a pour objectif d’élaborer un plan permettant à plus d’un million de réfugié·e·s rohingyas qui vivent au Bangladesh de rentrer chez eux au Myanmar, la majorité d’entre eux ayant été chassés violemment du pays par l’armée en 2016 et 2017.
Amnesty International a mené des entretiens avec 15 réfugié·e·s rohingyas arrivés au Bangladesh au cours de l’année écoulée, pour certains en juillet 2025. Ils sont originaires des municipalités de Maungdaw et Buthidaung, toutes deux prises à l’armée birmane par l’Armée d’Arakan en 2024. Elle s’est également entretenue avec des membres du personnel d’agences des Nations unies, des diplomates, des chercheurs et des organisations humanitaires internationales.
En outre, Amnesty International a rencontré des représentants des branches politique et humanitaire de l’Armée d’Arakan : la Ligue unie d’Arakan (ULA) et le Bureau de coordination humanitaire et de développement (HDCO).
« Les conditions actuelles dans l’État d’Arakan, dans le nord du Myanmar, sont loin d’être propices au retour des Rohingyas en toute sécurité, a déclaré Joe Freeman, chercheur sur le Myanmar à Amnesty International. Pour de nombreux Rohingyas, l’Armée d’Arakan a remplacé l’armée du Myanmar en tant qu’oppresseur. L’armée utilise les civils rohingyas comme chair à canon pour lutter contre l’Armée d’Arakan, et les groupes armés rohingyas lancent de nouvelles attaques sur le territoire. La réduction drastique de l’aide américaine a encore aggravé la crise humanitaire, qui se traduit par une pénurie de vivres et une flambée des prix.
« S’il est vital d’attirer l’attention internationale sur la crise des Rohingyas avec la conférence de ce jour, tout programme visant à poursuivre le rapatriement sans s’attaquer aux graves dangers auxquels se heurtent toutes les communautés – Rohingyas, Rakhines et autres minorités ethniques au Bangladesh et au Myanmar – pourrait s’avérer catastrophique. »
« Ce n’est pas votre pays »
La partie nord de l’État d’Arakan au Myanmar, qui borde le Bangladesh, est désormais contrôlée par l’Armée d’Arakan, tandis que l’armée birmane contrôle toujours la capitale de l’État, Sittwe, point d’entrée clé pour l’aide humanitaire et les transports.
En novembre 2023, l’Armée d’Arakan, plus ou moins alliée à une myriade de groupes armés d’opposition combattant l’armée du Myanmar depuis le coup d’État de 2021, a lancé une offensive qui a chassé l’armée d’une grande partie du nord de l’État et lui a permis de contrôler de fait toute la frontière entre le Myanmar et le Bangladesh.
Exploitant les tensions de longue date entre la population bouddhiste rakhine de l’État d’Arakan et la population musulmane rohingya, l’armée du Myanmar a collaboré avec des groupes armés rohingyas et recruté de force des civils rohingyas pour lutter contre l’Armée d’Arakan, majoritairement bouddhiste.
En raison du conflit armé, les civil·e·s rohingyas et rakhines se sont retrouvés pris entre l’Armée d’Arakan et l’armée du Myanmar, qui a bloqué l’acheminement de l’aide humanitaire via la capitale de l’État, Sittwe, et mené des frappes aériennes meurtrières et aveugles. Début septembre, l’une de ces frappes aériennes aurait tué au moins 19 étudiant·e·s rakhines pendant leur sommeil.
Des centaines de milliers de Rohingyas sont déplacés à l’intérieur du pays et, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 150 000 hommes, femmes et enfants rohingyas ont traversé la frontière pour gagner des camps au Bangladesh au cours des 20 derniers mois, portant le nombre total de réfugié·e·s à 1,2 million.
Amnesty International et d’autres organisations ont recensé des atteintes au droit international humanitaire et des violations croissantes visant les civils et imputables à l’Armée d’Arakan, notamment des attaques menées sans discrimination et des détentions arbitraires.
Pour les civils rohingyas, la vie sous domination de l’Armée d’Arakan dans l’État d’Arakan ressemble à s’y méprendre à la vie sous le régime militaire birman. Beaucoup affirment qu’elle est pire, car ils sont constamment soupçonnés d’être liés à des groupes militants rohingyas. Selon un rapport publié le 2 septembre par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), « les restrictions aux droits et libertés des Rohingyas imposées par les gouvernements précédents sont toujours en vigueur » et, à l’instar de l’armée birmane, l’Armée d’Arakan nie l’identité des Rohingyas en les désignant uniquement comme des Bengalis ou des musulmans.
Des représentants de l’Armée d’Arakan affirment que leur groupe est victime d’une campagne de propagande orchestrée par des militants rohingyas et des groupes armés.
D’après les témoignages recueillis par Amnesty International, les populations rohingyas du nord de l’État d’Arakan sont soumises à de sévères restrictions du droit de circuler imposées par l’Armée d’Arakan, à des interdictions discriminatoires d’exercer la pêche ou d’autres moyens de subsistance, au travail forcé et à un accès insuffisant aux soins de santé, à l’éducation et à l’aide humanitaire. En outre, le conflit en cours continue de faire des morts et des blessés graves.
D’après le témoignage d’un homme d’une vingtaine d’années, tandis que les soldats de l’Armée d’Arakan le conduisaient avec sa famille vers un camp pour personnes déplacées à l’intérieur du pays, il a vu au moins quatre personnes perdre des membres en marchant sur des mines terrestres.
Un homme de 60 ans qui a fui le Myanmar avec sa famille en juillet 2025 a raconté la vie dans un camp pour personnes déplacées dans la municipalité de Buthidaung, où il a été transféré lorsque l’Armée d’Arakan a pris cette ville à l’armée birmane en mai 2024. Selon lui, l’Armée d’Arakan recherchait des membres de groupes armés rohingyas dans le camp et « prenait au hasard des personnes dans la foule et les faisait disparaître ».
Ceux qui vivaient dans le camp étaient également contraintes de travailler, y compris dans les zones de conflit en première ligne.
« Ils nous obligeaient à transporter des pierres et des briques jusqu’à leurs postes de contrôle et à les empiler là-bas alors que nous avions faim. Comme j’étais âgé, ils ne m’ont pas fait faire tout ce travail, mais mes enfants ont dû le faire plus de 10 fois… Si nous refusions, [les membres de l’Armée d’Arakan] nous rouaient de coups, nous forçant à nous allonger face contre terre pendant qu’ils nous frappaient. »
Des personnes vivant dans des camps pour personnes déplacées au Myanmar avant de fuir vers le Bangladesh ont raconté qu’elles mangeaient de manière épisodique, se nourrissant de riz et d’eau puisée dans un puits boueux, et que des enfants mouraient après avoir contracté la diarrhée.
« Ils [l’Armée d’Arakan] ne fournissaient rien ; au contraire, ils semblaient se réjouir quand quelqu’un mourait, a déclaré cet homme de 60 ans. Ils disaient : » Ce n’est pas votre pays. C’est notre pays, notre terre, notre eau, notre air – rien ici ne vous appartient. Quittez notre pays. »
L’Armée d’Arakan a déclaré aux gens que s’ils ne respectaient pas ses règles ou refusaient de travailler, ils seraient expulsés du Myanmar.
« Pas d’école, pas de médicaments, pas d’aide »
Selon un jeune homme de 25 ans qui a été déplacé pendant huit mois dans la municipalité de Buthidaung avant d’arriver au Bangladesh en janvier 2025, les conditions dans le camp pour personnes déplacées où il se trouvait étaient « terribles ».
« Nous n’avions pas d’école, pas de médicaments, pas de nourriture, pas d’aide. De temps en temps, nous rapportions secrètement du riz provenant de villages qui n’avaient pas été incendiés. Nous utilisions l’eau d’un seul étang et il nous fallait obtenir l’autorisation de l’Armée d’Arakan pour aller où que ce soit. »
Il a raconté que son frère avait été blessé par balle par l’Armée d’Arakan : les soldats tentaient de déplacer de force de grands groupes de personnes, mais celles-ci n’allaient pas assez vite à leur goût. Une autre fois, comme l’Armée d’Arakan le soupçonnait d’appartenir à un groupe armé rohingya, ils avaient commencé à le battre pour obtenir des informations. Lorsque sa femme enceinte leur a demandé d’arrêter, ils l’ont également frappée, ce qui, selon le couple, a provoqué des problèmes de développement chez leur bébé après la naissance.
« L’Armée d’Arakan nous traitait plus mal que l’armée birmane. Chaque fois que des combats éclataient entre les deux forces, ils nous obligeaient à nettoyer le site, à ramasser les cadavres et les décombres, puis à les jeter dans le fleuve. J’ai été contraint de le faire plus de 10 fois sans être payé. Chaque famille devait envoyer un de ses membres âgé entre 15 et 70 ans pour effectuer des travaux forcés. En cas de refus, ils étaient battus », a-t-il déclaré.
Une femme de 35 ans, également arrivée au Bangladesh en janvier 2025 après avoir marché pendant cinq jours à travers des terrains montagneux avec ses enfants, a déclaré que les agriculteurs devaient payer des impôts en riz à l’Armée d’Arakan et que les Rohingyas, pour obtenir l’autorisation de se déplacer, devaient effectuer des demandes qui étaient payantes.
« Sous le contrôle de l’Armée d’Arakan, chaque foyer était contraint de fournir des gardes de nuit, des garçons âgés de seulement 10 ans aux hommes de plus de 70 ans, et d’envoyer des membres de la famille au travail forcé au moins cinq fois par mois, a-t-elle expliqué, ajoutant que les jeunes hommes étaient également recrutés de force pour combattre. Si quelqu’un refusait, on nous disait de quitter ce pays ou d’endurer des sanctions. »
Les témoignages sur les restrictions au droit de circuler imposées par l’Armée d’Arakan correspondent aux éléments figurant sur les documents de voyage obtenus par Amnesty International, qui indiquent les autorisations nécessaires pour se déplacer d’un endroit à un autre. Selon une personne interrogée, les documents de voyage obligatoires étaient payants et certains n’étaient valables que deux jours. Selon une autre, l’Armée d’Arakan n’autorisait qu’un nombre limité de gens à sortir de chez eux pour aller faire des courses de première nécessité et ce, pendant une heure seulement.
Aux termes du droit international, le travail forcé s’entend de tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré.
En réaction à ces allégations, des représentants de l’Armée d’Arakan ont déclaré à Amnesty International que le groupe armé ne pratiquait pas le travail forcé à l’encontre des civils, mais que les détenus, tels que les criminels condamnés ou les prisonniers de guerre, étaient parfois mis au travail ou se voyaient confier des tâches à titre d’« exercice ». Ils ont ajouté que toutes les activités de nettoyage menées après les affrontements relevaient du travail associatif volontaire et que, si des frais devaient être réglés pour obtenir des documents d’autorisation de voyage, ceux-ci étaient compris entre 2 000 et 3 000 kyats birmans, soit 0,80 à 1,20 euros.
« Nous n’avions pas le droit de pêcher »
Le Programme alimentaire mondial a déclaré en août qu’« une combinaison mortelle de conflits, de blocus et de coupes budgétaires entraîne une forte augmentation de la faim et de la malnutrition ». Il a ajouté que dans le centre de l’État d’Arakan, le nombre de familles incapables de subvenir à leurs besoins alimentaires de base atteignait 57 %, contre 33 % en décembre 2024 ; et que la situation dans le nord de l’État d’Arakan, où les organisations internationales ne mènent pas d’actions, était probablement « bien pire ».
Selon un homme de 45 ans arrivé au Bangladesh en juillet 2025, les membres de l’ethnie rakhine de la municipalité de Buthidaung étaient autorisés à pêcher et à se déplacer librement, contrairement aux Rohingyas.
« Nous n’avions pas le droit de pêcher ni d’aller à la rivière. Nous ne pouvions ni travailler ni acheter de nourriture. L’Armée d’Arakan a commencé à nous réclamer de l’argent, nous a utilisés comme main-d’œuvre forcée sans rémunération et a interdit tout déplacement entre les villages. Quiconque refusait était sévèrement puni, a-t-il raconté, précisant qu’ils pouvaient être placés en détention ou privés de nourriture.
« Un jour, j’ai essayé d’aller pêcher pour survivre. L’Armée d’Arakan m’a attrapé, m’a frappé à coups de fusil… et m’a pris le poisson que j’avais pêché. »
Selon des représentants de l’Armée d’Arakan, les restrictions imposées à la liberté de circuler et aux moyens de subsistance n’étaient pas discriminatoires mais s’appliquaient également aux populations rakhines, et étaient nécessaires en raison du conflit armé pour assurer la sécurité de la population. Ils ont précisé que les Rohingyas – désignés sous le nom de musulmans – se voyaient offrir des emplois et que leurs droits et libertés seraient respectés et protégés, citant la réouverture récente d’une mosquée fermée depuis longtemps à Maungdaw.
« Nous saluons toutes les mesures prises par l’Armée d’Arakan en vue d’accorder aux Rohingyas des droits dont ils ont été longtemps privés, et espérons que ses engagements publics en faveur de l’inclusivité, de la justice et de l’obligation de rendre des comptes se concrétiseront sur le terrain. L’Armée d’Arakan doit éviter de présenter un visage à la communauté internationale et un autre aux Rohingyas », a déclaré Joe Freeman.
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