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Fédération de Russie. Mettre un terme à la censure des voix S’élevant contre la guerre

DÉCLARATION PUBLIQUE

14 mars 2022

Amnesty International condamne fermement l’intensification des attaques contre les organisations de la société civile et les médias indépendants lancées par les autorités russes depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022. L’organisation demande aux autorités russes de se conformer à leurs obligations internationales en matière de droits humains ainsi qu’à la Constitution russe, afin de respecter, protéger et garantir les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, notamment en autorisant les manifestations pacifiques contre la guerre de se tenir librement ; en libérant tous les manifestant·e·s pacifiques et en abandonnant les charges retenues contre ces personnes ; en levant toutes les restrictions imposées aux médias indépendants et en abrogeant ou en modifiant toutes les lois qui restreignent de manière excessive et arbitraire les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.

L’organisation appelle la communauté internationale à se montrer solidaire et à apporter son soutien aux militant·e·s de la société civile, aux défenseur·e·s des droits humains et aux journalistes russes qui sont particulièrement en danger pour avoir exprimé leur opposition à l’invasion russe en Ukraine.

De nouvelles lois renforçant Indûment Les restrictions à la liberté d’expression et de réunion pacifique

Le 4 mars, de nouvelles lois ont été adoptées, en une seule journée, par les deux chambres du Parlement russe et signées par le président Vladimir Poutine, apportant des modifications au Code pénal et au Code des infractions administratives pour limiter fortement les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Ces mesures législatives ont été votées à la hâte dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, avec des conséquences qui seront considérables et dramatiques pour les droits humains en Russie, au-delà du conflit armé.

Le texte du nouvel article 207.3 ajouté au Code pénal élargit le champ d’application de la législation russe déjà existante sur les « fausses nouvelles » et prévoit de lourdes peines pour « la diffusion publique de fausses informations délibérées sur l’utilisation des forces armées russes qui visent à protéger les intérêts de la Fédération de Russie, de ses citoyens et de soutenir la paix et la sécurité internationales ». Les sanctions comprennent de lourdes amendes d’un montant allant de 700 000 à 5 000 000 roubles (soit environ 5 220  à 37 283 dollars des États-Unis) et des peines d’emprisonnement de trois à quinze ans si la diffusion d’informations a entraîné des « conséquences graves ».

La loi ne comporte aucune définition de ce qui constitue une « fausse information délibérée » et ne fait mention d’aucun critère pour son évaluation. Cependant, Roskomnadzor, le service fédéral chargé de la régulation des médias et des communications, a publié une déclaration selon laquelle tous les médias sont tenus d’utiliser uniquement les informations communiquées par des sources officielles. Par conséquent, toute information publiée qui ne provient pas de sources officielles ou qui contredit les informations diffusées par les autorités russes sera considérée comme « fausse ». Or les informations officielles concernant l’intervention militaire de la Russie en Ukraine sont truffées d’affirmations fausses et délibérément trompeuses. Par conséquent, le fait de les discréditer et de fournir une analyse indépendante de la situation est effectivement érigé en infraction.

L’article 280.3 a également été inséré dans le Code pénal aux termes duquel il est prévu une responsabilité pénale pour les « actes publics visant à discréditer l’utilisation des forces armées russes ». Il n’y a pas d’explication sur ce qui pourrait constituer un « discrédit » et la formulation vague du texte pourrait conduire à des poursuites à motivation politique. La loi interdit explicitement de lancer des « appels publics visant à s’opposer à l’utilisation des forces armées de la Fédération de Russie », érigeant ainsi en infraction les manifestations anti-guerre et d’autres initiatives appelant à la fin du conflit armé, ce qui revient à supprimer les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Des personnes peuvent être traduites en justice au titre de cette infraction si elles ont déjà été reconnues coupables d’une infraction administrative équivalente (article 20.3.3 du Code des infractions administratives) dans un délai d’un an. Les personnes poursuivies au pénal s’exposent à des amendes allant de 100 000 à 1 000 000 roubles (746 à 7 457 dollars des États-Unis), à une peine d’emprisonnement de trois à cinq ans ou à d’autres sanctions, y compris le travail forcé. Les personnes faisant l’objet de poursuites en vertu du Code administratif sont passibles d’amendes allant de 30 000 à 1 000 000 roubles (224 à 7 457 dollars des États-Unis), selon que le contrevenant est un particulier, un fonctionnaire ou une entité juridique.

Si les actions publiques « visant à discréditer l’utilisation des forces armées » et les « appels publics visant à empêcher l’utilisation des forces armées » constituent déjà une infraction administrative, la nouvelle loi prévoit des sanctions plus lourdes si ces agissements s’accompagnent d’« appels à organiser des événements publics non autorisés » ou constituent une « menace sur la vie et/ou la santé des citoyens ou sur les biens, une menace de violation massive de l’ordre public et/ou de la sécurité publique, ou une menace de faire obstacle au fonctionnement ou d’empêcher le fonctionnement » de diverses infrastructures. On ne sait pas exactement ce que la loi entend par « menaces ».

La nouvelle loi a également introduit une nouvelle infraction pénale et administrative pour tout « appel à des mesures restrictives à l'égard de la Fédération de Russie, de ses citoyens ou de ses entités juridiques », ce qui revient à ériger en infraction les appels à des sanctions. Tout citoyen, fonctionnaire ou entité juridique russe peut se voir infliger des amendes administratives allant de 30 000 à 500 000 roubles (224 à 3 728 dollars des États-Unis) ; de surcroît, s’il s’avère qu’une personne de nationalité russe réitère son appel à des sanctions contre des entités russes dans un délai d’un an, elle s’expose à des poursuites pénales, notamment à des amendes pouvant aller jusqu'à 500 000 roubles (3 728 dollars) ou à une peine d’emprisonnement pouvant atteindre trois ans.

Ces dispositions sont une nouvelle manœuvre du gouvernement russe pour étouffer toute forme de dissidence dans le pays en imposant toujours plus de censure, en supprimant la libre circulation de l’information et en dissimulant le véritable bilan humain et les destructions causés par l’invasion. Ces modifications législatives sont contraires aux obligations qui incombent à la Russie en vertu du droit international relatif aux droits humains, à savoir le respect, la protection et la garantie des droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association, ainsi qu'à la Constitution russe. Amnesty International demande aux autorités russes d’abroger immédiatement ces lois et de faire en sorte que toute personne en Russie puisse exprimer librement ses opinions sur le conflit sans crainte de représailles.

Répression des manifestations pacifiques contre la guerre

Les manifestations anti-guerre se poursuivent en Russie depuis le début de l’invasion le 24 février. Selon l’ONG OVD-Info, au moins 14 910 manifestant·e·s pacifiques ont été arrêtés en date du 14 mars[1]. Pour la seule journée du 6 mars, près de 5 000 personnes ont été arrêtées dans 69 villes en Russie[2], et plus de 900 personnes ont été arrêtées dans 39 villes rien que le 13 mars[3].

Le 6 mars, Oleg Orlov, un défenseur des droits humains très connu du Centre de défense des droits humains Memorial, a été interpellé par la police quelques minutes après qu’il s’est rendu sur la place du Manège à Moscou avec une affiche sur laquelle on pouvait lire « Paix à l'Ukraine, liberté à la Russie ». Sa collègue Svetlana Gannushkina, présidente d’une autre ONG de premier plan, Comité Assistance civique, a été arrêtée peu après être entrée dans une station de métro à Moscou. La police a déclaré qu’elle avait été identifiée à l’aide d’une technologie de reconnaissance faciale et elle l’a conduite à un poste de police sans fournir aucune raison pour son arrestation. Svetlana Gannushkina et Oleg Orlov ont par la suite été inculpés en vertu de l’article 20.2 (5) du Code des infractions administratives (« Violation de la réglementation relative aux réunions publiques, rassemblements, marches ou piquets de grève par leurs participants »). Pour le moment, les deux affaires sont toujours en cours devant les tribunaux.

La majorité des personnes arrêtées lors des manifestations contre la guerre sont inculpées en vertu de l’article 20.2 (5) du Code russe des infractions administratives, de l’article 20.2 (2) (« Organisation d’un événement public sans notification préalable »), de l’article 20.2 (8) (« Violation répétée de la réglementation relative à la participation à une réunion publique ») et de l’article 19.3 (« Désobéissance aux ordres légitimes de la police »). Le Russian Internet Freedom Project a déjà signalé, depuis les manifestations du 6 mars, au moins 144 affaires intentées en Russie et en Crimée occupée en vertu de l’article 20.3.3 nouvellement ajouté (« actions publiques visant à discréditer les forces armées russes »)[4].

Au 7 mars, au moins sept personnes ont été condamnées à des amendes allant de 30 000 à 60 000 roubles (soit 224 à 447 dollars des États-Unis) pour avoir appelé d’autres personnes à se joindre à une action dénonçant la guerre en organisant un seul piquet avec un slogan « anti-guerre » ou en écrivant « Non à la guerre » sur la neige[5].

Ioann Burdin, un prêtre du village de Karabanovo dans la région de Kostroma, a été arrêté le 7 mars au motif de « discréditation des forces armées russes » en vertu de l’article 20.3.3 du Code des infractions administratives. Les accusations ont été portées peu après qu’il a critiqué l’invasion de l’Ukraine dans un sermon adressé à sa congrégation. Il a également posté un lien vers une pétition contre la guerre sur Change.org sur le site web de l’église[6], et a publié avec son collègue une déclaration publique dénonçant la guerre très fortement. Le 10 mars, Ioann Burdin a été condamné à une amende de 35 000 roubles (261 dollars des États-Unis). Il va faire appel[7].

Des informations provenant de plusieurs villes du pays signalent que de simples spectateurs et des passants avaient été arrêtés par la police de façon arbitraire, comme cela a été le cas lors de nombreuses autres réunions publiques. C’est ainsi que la police a arrêté en même temps qu’Oleg Orlov une jeune femme qui ne faisait que l’applaudir.

Des professionnels des médias couvrant les manifestations ont également été arrêtés. Au moins 13 journalistes ont été arrêtés dans tout le pays lors des manifestations du 6 mars, notamment à Moscou, Saint-Pétersbourg, Novossibirsk et Oufa. Le 13 mars, au moins neuf autres journalistes ont été arbitrairement arrêtés alors qu’ils couvraient les manifestations. Amnesty International a analysé les vidéos et les photographies accessibles au public de certaines de ces arrestations, qui montrent clairement que les journalistes portaient un gilet bien visible identifié « Presse ». Bien que les journalistes aient montré à la police leur carte de presse et un ordre de mission, comme le prévoit la loi, et déclaré qu’ils étaient présents en leur qualité de professionnels des médias, la police les a tout de même arrêtés. Si certains journalistes ont ensuite été libérés sans inculpation, d’autres ont été inculpés en vertu de l’article 20.2(5) du Code des infractions administratives, notamment le rédacteur en chef du média en ligne Moloko Plus, Pavel Nikulin et le photographe Artem Drachev, arrêtés sur la place Pouchkinskaïa à Moscou le 6 mars. Au moment de la rédaction de cet article, leurs cas n’avaient pas encore été traités par un tribunal.

Sur certaines vidéos, on voit également des policiers repousser violemment des journalistes ou leur demander de ne pas interférer avec leur travail.

La police a également arrêté et pris pour cible des enfants qui participaient à des rassemblements pacifiques sur la voie publique. Selon l’ONG OVD-Info, au moins 113 enfants ont été arrêtés lors de manifestations depuis le 24 février. Le 6 mars, la police d’Arkhangelsk a arrêté une femme et son jeune enfant qui tenaient des ballons jaunes et bleus représentant le drapeau de l’Ukraine, prétendument pour avoir refusé de quitter la place centrale de la ville[8].

La police a également pris pour cible des personnes âgées lors de manifestations pacifiques. À Kaliningrad, la police a interpellé une femme âgée après qu'elle a tenté d’expliquer à un commandant de police pourquoi elle avait rejoint la manifestation. Le commandant lui a répondu : « Vous êtes venue défendre les fascistes ? ». Il a ensuite ordonné à ses subordonnés de l’arrêter[9].

Les manifestations anti-guerre visant à dénoncer l’invasion russe de l’Ukraine ont été régulièrement dispersées, souvent en faisant usage d’une force injustifiée et excessive. L’ONG OVD-Info a recensé au moins 34 cas dans le cadre des manifestations du 6 mars qui peuvent être considérés comme des actes de torture. Des vidéos prises sur les lieux et examinées par Amnesty International montrent que des manifestants et des manifestantes pacifiques sont brutalement frappés par la police à l'aide de matraques et électrocutés avec des pistolets à décharge électrique, puis frappés à coups de poing et de pied, traînés et soumis à d’autres mauvais traitements. De ce fait, plusieurs manifestant·e·s ont fait état de blessures à la tête ainsi que d’autres lésions. Dans certains cas, les forces de police ont molesté des manifestant·e·s pacifiques qui cherchaient à filmer à l’aide d’un téléphone portable le rassemblement, notamment celles et ceux qui se faisaient arrêter.

Des informations font également état de cas de torture ou d’autres mauvais traitements sur des personnes détenues dans certains postes de police. Un enregistrement audio[10] très inquiétant, réalisé par une femme détenue au poste de police de Bateevo à Moscou témoigne de la façon dont elle a été verbalement humiliée et injuriée, giflée et frappée avec semble-t-il une bouteille en plastique remplie d’eau. Il s’agit d’une méthode courante utilisée par la police pour infliger des souffrances sans laisser de traces visibles sur le corps de la victime.

Des informations provenant de plusieurs villes où des manifestant·e·s ont été arrêtés ont fait état de multiples autres violations des droits de ces personnes pendant leur garde à vue, parmi lesquelles la détention dans des conditions cruelles, inhumaines et dégradantes, la prise illégale d’empreintes digitales et de photographies pour la base de données de la police, la confiscation de téléphones portables, etc. Dans certaines villes, notamment à Moscou, à Omsk et à Iekaterinbourg, de nombreux rapports indiquent que les avocats n’ont pas été autorisés à rencontrer les personnes privées de liberté. Amnesty International s'est entretenue avec deux juristes spécialisés dans les droits humains à Iekaterinbourg, dans l'Oural, qui ont confirmé que les avocats n'avaient pas été autorisés à entrer dans les locaux de nombreux postes de police et avaient dû attendre au moins cinq heures à l’extérieur avant de pouvoir rencontrer leurs clients. Par ailleurs, lors d’un entretien avec Amnesty International, une des personnes arrêtées dont l'avocat s'est vu refuser l'accès a déclaré que la police leur avait dit qu'aucun avocat n’était disponible.

Les autorités ont également fait usage d’« arrestations préventives » pour entraver la mobilisation, en procédant à des perquisitions dans des dizaines de domiciles et de bureaux de militant·e·s et de responsables politiques connus de l’opposition à la veille des manifestations du 6 mars. Ainsi le 5 mars, il y a eu des perquisitions de grande envergure effectuées chez des particuliers à Saint-Pétersbourg, Vladimir, Pskov, Tioumen et Tchita. À Saint-Pétersbourg, au moins 80 perquisitions ont été menées chez des particuliers sous le prétexte d’une enquête pénale au titre de l’article 207 (2) (« Diffusion d'informations délibérément fausses sur un acte terroriste »), en rapport avec des appels téléphoniques alertant à tort les autorités de la présence de bombes prétendument placées dans des bâtiments publics. Les personnes accusées en vertu de cet article risquent jusqu’à cinq ans de prison si elles sont reconnues coupables.

Certaines des personnes arrêtées avant les manifestations ont été relâchées par la suite sous certaines conditions, alors que d'autres, comme Darya Heiniken à Saint-Pétersbourg, ont été maintenues en détention pendant 48 heures, ce qui les a empêchées de participer aux manifestations. De nombreux militants et militantes ont signalé que leurs téléphones portables et leurs ordinateurs avaient été confisqués lors de perquisitions, et se sont dits inquiets que la police puisse examiner leurs contacts, leurs réseaux et leurs relations. Les militant·e·s considèrent que les perquisitions ont été utilisées comme un outil d’intimidation et pour les empêcher de participer à des rassemblements anti-guerre[11]. Le 13 mars, certains des militant·e·s ont de nouveau été arrêtés avant les manifestations prévues, sous divers prétextes[12].

Répression sur les médias et les réseaux sociaux

Le durcissement de la censure a lourdement frappé les médias indépendants et les réseaux sociaux dans toute la Russie. Les autorités russes ont bloqué plus d’une vingtaine de sites web de médias russes et internationaux en Russie peu après le 24 février, suite à l'injonction du pouvoir de qualifier la guerre d’« opération spéciale des forces armées russes en Ukraine » et d’utiliser des informations « uniquement fournies par des sources officielles russes » pour parler de l’invasion de l’Ukraine.

L’accès a été bloqué pour l’édition russe de la BBC, la radio-télévision Deutsche Welle, Radio Liberty et ses projets régionaux, Meduza, Mediazona et d’autres médias. Des médias régionaux russes comme la chaîne de télévision TV-2 à Tomsk, Znak.com dans l’Oural, Pskovskaya Gubernia de Pskov et « 7x7 » de Syktyvkar ont également été bloqués. L’accès en ligne à la station de radio Echo Moskvy, très populaire en Russie, a été bloqué le 1er mars, puis la station a été retirée des ondes avant d’être dissoute. D’autres médias indépendants, comme TV Rain et Znak.com, ont également annoncé qu’ils avaient dû suspendre leurs activités en raison de la censure et des restrictions[13]. D’autres médias, comme Novaïa Gazeta, ont choisi de poursuivre leur travail mais ont dû supprimer les articles couvrant le conflit armé en Ukraine par précaution contre d’éventuelles sanctions, tandis que d’autres, comme The Bell, ont décidé de déclarer explicitement qu’ils n’allaient plus couvrir la situation.

Les risques et les défis auxquels sont confrontés les journalistes et les autres professionnels des médias se sont considérablement intensifiés après la mise en place, le 4 mars, d’une nouvelle législation qui a effectivement imposé la censure en temps de guerre. La fermeture de médias indépendants, associée à une nouvelle législation interdisant la diffusion « de fausses nouvelles » et la « discréditation » des forces armées russes, a entraîné un exode de journalistes russes et étrangers hors de Russie. Le média en ligne « Agentstvo » estime qu’en date du 7 mars au moins 150 journalistes ont dû quitter la Russie depuis le début de l’invasion de l'Ukraine par crainte de représailles[14].

Le 4 mars, les autorités russes ont également bloqué Facebook et Twitter. Dans sa déclaration officielle, Roskomnadzor a affirmé avoir bloqué Facebook en raison de « 26 cas de discrimination à l’encontre des médias et des ressources d’information russes par Facebook ». Le service de régulation a fait valoir la décision de Facebook de bloquer les comptes des médias gouvernementaux et pro-gouvernementaux Zvezda, RIA Novosti, Sputnik et RT ainsi que Lenta.ru et Gazeta.ru. Selon Roskomnadzor, Twitter a été bloqué parce qu'il n'avait pas supprimé « plus de 800 contenus » et n'avait pas respecté la législation russe en vertu de laquelle les médias sociaux étrangers doivent ouvrir des bureaux en Russie. Le service de régulation des médias a également déclaré que l’accès à Twitter serait restauré si celui-ci supprimait complètement « les contenus interdits » et s’il cessait de participer « à la controverse en matière d’information, à la diffusion de fausses nouvelles et aux appels à l'extrémisme[15] ». Le 14 mars, Roskomnadzor a bloqué l’accès à Instagram en Russie.

Le 5 mars, les autorités ont jugé « indésirable » le média iStories Fonds enregistré en Lettonie, qui est une entité juridique du média iStories (Vazhnye Istorii), déjà classé comme « agent étranger » en Russie. L’organisation américaine « Journalism Development Network Inc », qui a fondé le Projet de lutte contre le crime organisé et la corruption (OCCRP), a également été déclarée « indésirable ». Auparavant, plusieurs journalistes collaborant avec l'OCCRP avaient été déclarés « agents étrangers[16] ».

L’intensification des attaques contre la société civile russe, les représailles contre les manifestant·e·s pacifiques et les voix dissidentes, ainsi que la répression impitoyable des médias indépendants dans le pays doivent cesser. La Russie doit se conformer à ses obligations internationales en matière de droits humains et respecter, protéger et garantir les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, notamment en autorisant les manifestations anti-guerre pacifiques à se poursuivre librement, en libérant tous les manifestant·e·s pacifiques et en abandonnant les charges retenues contre ces personnes ; en levant toutes les restrictions imposées aux médias indépendants et en annulant la législation

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Véronique Tardivel / vtardivel@amnesty.fr / 01 53 38 65 41 / 06 76 94 37 05

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