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© SEYLLOU/AFP/Getty Images

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Sénégal

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Sénégal en 2024.

La police a tiré sur des manifestant·e·s durant la période préélectorale, tuant quatre personnes, dont un adolescent ; plus de 150 manifestant·e·s ont été arrêtés, et des journalistes qui couvraient les manifestations ont été frappés. Une loi d’amnistie adoptée en mars a mis fin aux poursuites engagées pour la mort, entre mars 2021 et février 2024, de 65 manifestant·e·s et passant·e·s. Le Code de la famille contenait toujours des dispositions violant les droits des femmes et des filles. Les autorités n’ont pas fait le nécessaire pour protéger les droits des enfants talibés. Au moins 959 personnes migrantes parties en bateau depuis les côtes sénégalaises ont péri en mer pendant les cinq premiers mois de l’année. Le gouvernement a suspendu toutes les opérations minières le long de la rivière Falémé en raison de dégradations de l’environnement.

CONTEXTE

Le premier trimestre de l’année a été marqué par des tensions liées au report de l’élection présidentielle par le Parlement, dans un contexte d’allégations de corruption portées contre deux membres du Conseil constitutionnel. L’élection présidentielle a finalement eu lieu en mars ; Bassirou Diomaye Faye, élu président, et Ousmane Sonko, nommé Premier ministre, faisaient partie des centaines de prisonniers et prisonnières politiques libérés au début de l’année. En mai, le nouveau gouvernement a organisé des consultations nationales dans l’objectif de mettre en œuvre des réformes structurelles du pouvoir judiciaire.

HOMICIDES ILLÉGAUX ET RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

Lors de violentes opérations de répression menées les 9 et 10 février dans les villes de Saint-Louis, Dakar (la capitale) et Ziguinchor, les forces de sécurité ont tué quatre hommes – dont un adolescent de 16 ans – qui protestaient contre le report de l’élection présidentielle. Au moins 151 personnes ont été arrêtées en février pendant les manifestations, et plusieurs journalistes ont été maltraités. Mor Amar, journaliste pour le média Enquête et secrétaire général de la Convention des jeunes reporters du Sénégal, a été frappé ; quant à la journaliste Absa Hane, elle a perdu connaissance après avoir reçu des coups et a été arrêtée. Les autorités ont restreint l’accès à la couverture mobile dans tout le pays et suspendu la chaîne de télévision privée Walf TV en raison de sa couverture des manifestations.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

En février et en mars, les autorités ont libéré plusieurs centaines de détenu·e·s ; certaines de ces personnes avaient été arrêtées entre 2022 et 2024 pour avoir participé à des manifestations ou appelé à y participer. Nombre de ces détenu·e·s, parmi lesquels figuraient des mineurs, n’ont jamais été traduits en justice.

DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS

Un projet de loi d’amnistie approuvé par le Conseil des ministres le 28 février a été adopté en mars par l’Assemblée nationale. Cette loi, rédigée selon ses promoteurs dans « un esprit de réconciliation nationale » et à des fins d’« apaisement du climat politique et social », visait les infractions commises « entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques ». La loi d’amnistie empêchait les proches d’au moins 65 personnes tuées, pour la plupart par les forces de sécurité et de défense lors des manifestations qui ont eu lieu entre mars 2021 et février 2024, d’obtenir justice.

DROITS DES PERSONNES DÉTENUES

Des hommes qui avaient été incarcérés dans la prison de Rebeuss ont indiqué qu’une épidémie de tuberculose s’y était déclarée en janvier, exacerbée par la surpopulation carcérale et, plus généralement, par les mauvaises conditions de détention.

LIBERTÉ D'EXPRESSION

L’acteur politique Ahmed Suzanne Camara a été arrêté en juillet et inculpé d’« offense au chef de l’état ». Il avait qualifié le président et le Premier ministre de « menteurs ». En septembre, un autre acteur politique, Cheikhna Keita, ancien commissaire de police, a lui aussi été arrêté sur ordre du parquet. Il était accusé de diffusion de fausses nouvelles après avoir évoqué à la télévision des tensions entre le président et le Premier ministre.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

Le Code de la famille conférait toujours l’« autorité paternelle et conjugale » aux hommes uniquement et désignait le mari en tant que chef de famille. Cela privait les femmes et les filles des droits et de l’autorité sur leur ménage et leurs enfants. L’article 111 du Code de la famille fixait l’âge minimum légal pour le mariage à 16 ans pour les filles, contre 18 ans pour les garçons.

En juillet, le rapport des assises nationales de la justice a recommandé de relever de 16 à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les filles. Il a également appelé à une modification des articles relatifs à la « puissance paternelle » et à l’interdiction de la recherche de paternité pour un enfant né hors mariage, entre autres mesures. Ces recommandations n’avaient pas encore été mises en œuvre à la fin de l’année.

DROITS DES ENFANTS

Les enfants talibés – les élèves des daaras (écoles coraniques) – ont continué d’être forcés de mendier afin d’obtenir de la nourriture et de l’argent pour leurs enseignants, alors même que cette pratique était qualifiée de « traite des personnes » par la législation sénégalaise. Le gouvernement n’a pas adopté le projet de Code de l’enfant ni le projet de loi sur le statut des daaras. Le secteur de la protection de l’enfance manquait de financement, ce qui entraînait un déficit de protection pour les enfants talibés, victimes de nombreuses violations des droits humains. Cette situation a été dénoncée par le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille [ONU].

DROITS DES PERSONNES MIGRANTES

Le littoral sénégalais est resté l’un des points de départ les plus actifs pour la migration irrégulière vers les îles Canaries. Au moins 959 personnes migrantes qui avaient embarqué sur les côtes sénégalaises ont péri en mer entre janvier et mai, selon l’ONG espagnole Caminando Fronteras. Les départs se sont poursuivis au cours des mois suivants ; nombre de migrant·e·s ont perdu la vie en mer et beaucoup ont été interceptés par la marine sénégalaise. La plupart avaient entrepris leur périple depuis des ports de pêche frappés par l’appauvrissement résultant de la crise que traversait le secteur de la pêche au Sénégal.

DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

En mai, le gouvernement a annoncé un audit des répercussions de l’exploitation du phosphate à Ndendory, dans la région de Matam, et demandé aux autorités locales de répertorier tous les ménages touchés afin qu’ils puissent être indemnisés.

DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN

En juin, les autorités ont suspendu jusqu’au 30 juin 2027 toutes les activités minières dans un rayon de 500 mètres autour de la rive nord de la rivière Falémé. Cette décision a été prise en raison de préoccupations sanitaires et environnementales liées à l’utilisation de produits chimiques lors des opérations minières, qui ont contribué à la pollution de l’eau, à la destruction de la flore et de la faune locales et à une réduction des rendements agricoles le long de la Falémé.

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