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Pologne : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu'il faut savoir sur les droits humains en Pologne en 2022.

De nouvelles restrictions de l’accès à l’avortement ont été imposées. Les autorités ont utilisé des poursuites pénales pour restreindre la liberté d’expression. Elles ont poursuivi leur travail de sape de l’indépendance du pouvoir judiciaire. La liberté de réunion pacifique a été soumise à des restrictions. Les violations des droits des personnes LGBTI se sont poursuivies. D’importantes mesures ont été prises pour accueillir entre un et deux millions de réfugié·e·s venus d’Ukraine ; les autorités se montraient en revanche toujours hostiles aux personnes réfugiées ou migrantes qui arrivaient depuis 2021 dans le pays via le Bélarus.

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS

Un arrêt de la Cour constitutionnelle selon lequel l’interruption volontaire de grossesse pour cause de malformation grave du fœtus était contraire à la Constitution est entré en vigueur en janvier, restreignant encore davantage l’accès à l’avortement. En avril, des expertes des Nations unies ont une nouvelle fois demandé instamment aux autorités polonaises de dépénaliser l’avortement.

La famille d’une femme enceinte morte après s’être vu refuser l’accès à des services d’avortement a demandé l’ouverture d’une enquête. Des manifestations ont eu lieu en octobre et novembre dans le pays pour réclamer justice dans cette affaire et, plus largement, l’adoption de réformes. En juin, la Cour européenne des droits de l’homme a demandé des explications à la Pologne sur cinq nouvelles affaires concernant des refus d’accès aux services d’avortement.

Selon des chiffres publiés par le gouvernement en juillet, 107 avortements seulement ont été pratiqués dans des hôpitaux en 2021, un chiffre en très forte diminution par rapport aux 1 076 enregistrés l’année précédente. L’organisation Avortement sans frontières a cependant publié en octobre des statistiques indiquant que, dans les 12 mois précédents, 44 000 personnes, dont 1 515 femmes ayant fui la guerre en Ukraine, avaient bénéficié de son aide pour avorter.

DÉFENSEUR·E·S DES DROITS HUMAINS

Le procès de la défenseure des droits humains Justyna Wydrzynska, accusée en vertu de lois draconiennes et discriminatoires d’avoir informé et aidé une femme enceinte qui avait besoin d’un avortement sûr, s’est ouvert en avril.

Ce même mois, des expertes des Nations unies ont demandé aux autorités d’abandonner toutes les charges retenues contre cette femme et de cesser de prendre pour cible les militant·e·s des droits humains, en particulier celles et ceux qui se battaient contre la législation restrictive du pays en matière d’avortement.

PROCÈS INÉQUITABLES

Le gouvernement s’en est pris cette année encore aux juges et aux procureur·e·s qui s’inquiétaient publiquement des réformes de l’appareil judiciaire. Deux juges étaient toujours sous le coup d’une mesure de suspension prononcée par la chambre disciplinaire de la Cour suprême. L’un d’eux, Piotr Gąciarek, a été rétabli sur décision de justice dans l’intégralité de ses droits judiciaires, mais n’était toujours pas autorisé à exercer ses fonctions.

De nombreuses procédures disciplinaires étaient en cours contre d’autres juges indépendants, dont certain·e·s étaient suspendus pour avoir appliqué des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice de l’Union européenne.

La communauté internationale restait préoccupée par l’érosion de l’indépendance de la justice. Dans un arrêt rendu en février, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que, en raison des modifications apportées à la procédure de nomination des juges à la chambre civile de la Cour suprême, cet organe ne pouvait plus être considéré comme un tribunal indépendant et impartial.

Dans l’affaire Juszczyszyn c. Pologne, la Cour a jugé, en octobre, que la mesure de suspension du juge Paweł Juszczyszyn prise par la chambre disciplinaire de la Cour suprême constituait une violation de son droit à un procès équitable et de son droit au respect de sa vie privée.

LIBERTÉ DE RÉUNION

En mars, plusieurs ONG, dont CIVICUS, ont dénoncé la pratique persistante du gouvernement et de ses partisans consistant à invoquer la tenue de « rassemblements cycliques », à savoir des rassemblements organisés régulièrement, considérés par la loi comme prioritaires sur les autres rassemblements, pour empêcher la tenue au même moment et au même endroit de contre-manifestations pacifiques parfaitement légales.

En octobre, des membres de Droit et justice, le parti au pouvoir, ont invoqué un « rassemblement cyclique » pour empêcher la tenue de contre-manifestations à l’occasion de la commémoration, organisée tous les mois dans la ville de Cracovie, de l’accident d’avion de Smolensk dans lequel le président polonais de l’époque avait trouvé la mort.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES

À la fin de l’année, le pays comptait encore 79 unités administratives s’étant déclarées « zone sans LGBT » ; de nombreuses autres avaient cependant été contraintes de retirer leur résolution en ce sens, sous la pression de la société civile et de la Commission européenne.

Des défenseur·e·s des droits des personnes LGBTI étaient sous le coup de poursuites devant des juridictions pénales et civiles. Certains, comme les militant·e·s de la carte interactive Atlas de la haine, faisaient l’objet de poursuites stratégiques contre la mobilisation publique (ou « procédures- bâillons »).

Dans le cadre d’une procédure judiciaire engagée par un militant qui avait été détenu arbitrairement pendant 24 heures après la manifestation de la « nuit arc-en-ciel » en 2020, le policier qui l’avait arrêté a reconnu, en janvier, que les membres des forces de l’ordre avaient « reçu pour instruction d’arrêter toutes les personnes arborant les couleurs LGBT, quel que soit leur comportement ».

Saisi par citation directe de l’ONG Tolerado, qui contestait l’utilisation des « homophobus » (des véhicules circulant dans les villes polonaises couverts de slogans et de banderoles homophobes), le tribunal de district de Gdańsk a statué en faveur de celle-ci.

DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES

Une opération de secours rapide a été organisée en février à la frontière ukrainienne ; grâce à la générosité de la société civile et à la détermination des autorités, la Pologne a accueilli plus de sept millions de personnes fuyant l’Ukraine après l’attaque de la Russie.

En juillet, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits humains des migrants a salué ces initiatives et recommandé aux autorités polonaises de veiller à maintenir le soutien apporté aux réfugié·e·s ukrainiens, compte tenu de la pression exercée par un afflux aussi soudain et important de personnes ayant besoin d’un logement, de soins de santé et de scolarisation.

À la fin de l’année, entre un et deux millions de réfugié·e·s ukrainiens étaient toujours présents en Pologne. Entre autres problèmes se posait celui de l’accès des enfants à l’éducation, notamment en raison de la barrière de la langue.

Les initiatives mises en place pour les réfugié·e·s ukrainiens contrastaient fortement avec l’accueil réservé aux personnes réfugiées ou migrantes qui arrivaient en Pologne par la frontière bélarussienne depuis 2021 et continuaient de se heurter à l’hostilité des autorités. Les gardes-frontières avaient recours à la violence et à une force illégale pour contraindre ces personnes à quitter le territoire polonais et les renvoyer entre les mains des autorités bélarussiennes, qui se livraient à leur tour à de graves atteintes aux droits humains.

La plupart des personnes en quête d’asile étaient placées en détention dans des locaux surpeuplés et inadaptés, sans avoir accès à une procédure d’asile équitable, et étaient maltraitées par les gardiens. Beaucoup ont été renvoyées de force dans leur pays d’origine, dans certains cas après s’être vu administrer des sédatifs afin qu’elles ne résistent pas à leur expulsion.

En mars, cinq militant·e·s ont été arrêtés et inculpés d’« aide à l’entrée illégale » pour avoir apporté une aide humanitaire à un groupe de personnes, dont des enfants, qui erraient sans eau ni nourriture dans la forêt à la frontière entre la Pologne et le Bélarus et luttaient pour survivre sans abri ni accès à une assistance médicale.

Par ailleurs, les personnes qui accueillaient des réfugié·e·s ne percevaient une aide financière de l’État que pendant 120 jours. La Loi sur l’aide aux réfugié·e·s d’Ukraine, qui facilitait notamment l’accès au marché du travail et aux soins de santé, n’était pas appliquée de manière égale à toutes les personnes fuyant le conflit. Le rapporteur spécial des Nations unies a relevé une « approche de deux poids, deux mesures » à l’égard des ressortissant·e·s de pays tiers, qui n’étaient pas protégés par ce cadre juridique.

Des ONG ont par ailleurs fait part de préoccupations spécifiques concernant le traitement discriminatoire réservé par les autorités aux réfugié·e·s roms d’Ukraine. Des actes racistes et des agressions contre des citoyen·ne·s non ukrainiens ont également eu lieu.

DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE

Amnesty International a révélé que le logiciel espion Pegasus, produit par la société de surveillance NSO Group, avait été utilisé pendant les élections législatives contre le secrétaire général du principal parti d’opposition, ainsi que contre plusieurs autres responsables et membres du personnel de l’opposition.

Les autorités ont refusé d’engager de nouvelles investigations jusqu’à ce que, en septembre, un tribunal ordonne l’ouverture d’une enquête sur l’utilisation de ce logiciel espion contre une procureure.

VIOLENCES FONDÉES SUR LE GENRE

En août, le ministère de la Justice a proposé de nouvelles réformes législatives concernant les mesures de protection des victimes de violence domestique, en vue de mettre le pays en conformité avec les exigences de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).

Rien n’a toutefois été fait pour inscrire dans la loi une définition du viol reposant sur l’absence de consentement ou pour reconnaître la violence économique, conformément aux obligations découlant de la Convention.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

On a appris en octobre que le parquet avait mis fin à l’enquête ouverte contre l’ancien directeur des services secrets, Zbigniew Siemiątkowski, concernant la prison secrète de la CIA à Stare Kiejkuty. La décision datait de 2020 mais n’avait pas été rendue publique auparavant.

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