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Pologne
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Pologne en 2024.
Le nouveau gouvernement a adopté des lois compromettant davantage les droits des personnes réfugiées ou migrantes à la frontière entre la Pologne et le Bélarus. Les droits en matière de procréation, notamment un meilleur accès à l’avortement et la dépénalisation de l’aide à l’avortement, sont restés un sujet de débat politique, mais aucune modification n’a été apportée à la législation. Les personnes LGBTI restaient en butte à des discriminations. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la Pologne avait violé le droit au respect de la vie privée en utilisant de façon abusive le logiciel espion Pegasus. La Cour suprême a confirmé un jugement mettant hors de cause trois militantes accusées d’« offense à des croyances religieuses ». Le Parlement a adopté une définition du viol fondée sur le consentement. Une part importante de la population vivait dans des conditions précaires et de promiscuité. Le gouvernement n’a pris aucune mesure pour l’abandon progressif à court terme des énergies fossiles.
CONTEXTE
À la fin de l’année, après un an au pouvoir, le nouveau gouvernement n’avait fait aucun progrès majeur en vue de réaliser la promesse faite pendant la campagne électorale d’améliorer le respect par la Pologne de l’état de droit, des droits reproductifs, des droits des personnes réfugiées ou migrantes et de ceux des personnes LGBTI. Malgré des tentatives pour restaurer l’état de droit, des institutions précédemment mises en péril, telles que la Cour constitutionnelle, le Conseil national de la magistrature et la chambre de responsabilité professionnelle de la Cour suprême, n’ont connu aucun changement.
DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES
Des violations des droits des personnes réfugiées ou migrantes à la frontière entre la Pologne et le Bélarus ont cette année encore suscité des préoccupations. En octobre, le gouvernement a annoncé une nouvelle stratégie migratoire et présenté un projet de loi qui permettrait au ministère de l’Intérieur de « suspendre temporairement » la reconnaissance des demandes d’asile dans un secteur donné, si cela était jugé nécessaire pour des raisons de sécurité. Ce projet était susceptible de mettre en péril les droits des personnes demandeuses d’asile.
En juin, le gouvernement a établi une « zone tampon » à la frontière avec le Bélarus. Il a également restreint la capacité des journalistes et de la société civile à observer la situation sur place et à en rendre compte, y compris en ce qui concernait de possibles violations des droits humains de la part des garde-frontières et des fonctionnaires polonais.
Toujours en juin, des organisations de la société civile ont exprimé des inquiétudes quant à une modification du Code pénal qui, entre autres, légalisait l’usage d’armes à feu pour les responsables de l’application des lois aux frontières, en violation des lois en vigueur relatives au recours à la force létale. Cette modification était susceptible d’accroître le risque d’utilisation d’une force potentiellement létale contre des personnes réfugiées ou migrantes par des membres des forces de l’ordre, et d’affaiblir l’obligation de rendre des comptes qui incombait à ces derniers.
Plusieurs défenseur·e·s des droits humains ont été déclarés non coupables d’accusations liées à l’aide humanitaire, souvent vitale, qu’ils avaient apportée à des personnes réfugiées ou migrantes ; au moins une affaire était cependant toujours en instance à la fin de l’année.
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
L’avortement était toujours considéré comme une infraction, sauf lorsque la santé ou la vie de la personne enceinte était menacée, ou lorsque la grossesse résultait d’un viol ou d’un inceste. Des milliers de personnes ayant besoin d’une interruption de grossesse ont été contraintes de se rendre à l’étranger pour bénéficier de ce service de santé, tandis que d’autres dépendaient de l’aide d’organisations de la société civile. Des défenseures des droits humains ont été persécutées pour avoir aidé des femmes ayant besoin d’un avortement sécurisé, et plusieurs procédures pénales ont été ouvertes contre des proches et des militant·e·s à qui il était reproché d’avoir fourni ce type d’aide.
Quatre propositions de loi visant à dépénaliser l’avortement ou à en étendre son accès ont été soumises au parlement, mais aucune n’avait été adoptée à la fin de l’année. Le ministère de la Santé et le bureau du procureur général ont tous deux publié des lignes directrices censées faciliter l’accès à un avortement légal, mais celles-ci n’ont entraîné aucun changement majeur. Les lignes directrices du ministère de la Santé ont été vivement critiquées par le Conseil suprême des médecins, qui estimait qu’elles reportaient la responsabilité du choix sur les médecins et leur faisait courir le risque d’être poursuivis pour leurs décisions.
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
Sur 105 résolutions homophobes adoptées par des administrations locales depuis 2019, instaurant des « zones sans LGBTI », seules cinq étaient toujours en vigueur à la fin de l’année. Cependant, les personnes LGBTI ont cette année encore été la cible de discriminations et de violences, de même que les personnes qui œuvraient à défendre et promouvoir leurs droits. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU s’est dit préoccupé par l’absence de lois globales contre la discrimination et par le fait que les lois relatives aux crimes de haine et à l’incitation à la haine ne mentionnaient pas spécifiquement l’orientation sexuelle et/ou l’identité de genre.
En 2023, dans l’affaire Przybyszewska et autres c. Pologne, la Cour européenne des droits de l’homme avait ordonné à la Pologne d’introduire une forme de reconnaissance juridique pour les couples de même sexe. Un projet de loi prévoyant la reconnaissance des unions civiles entre personnes de même sexe a été soumis au Parlement en octobre mais n’avait pas été adopté à la fin de l’année.
DDROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE
En mai, dans l’affaire Pietrzak et Bychawska-Siniarska et autres c. Pologne, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que le gouvernement avait violé le droit au respect de la vie privée en se livrant à une « surveillance secrète ». Cette affaire était liée à l’utilisation du logiciel espion Pegasus, principalement contre des personnalités politiques de l’opposition. La Cour a également estimé que les mécanismes de contrôle des opérations de surveillance étaient insuffisants, de même que les garanties prévues par la législation, et elle a critiqué le fait que les autorités nationales puissent accéder sans aucune limite à toutes les données de télécommunication.
LIBERTÉ D'EXPRESSION
En mars, la Cour suprême a confirmé la décision d’une juridiction inférieure de relaxer trois militantes, accusées en 2019 d’« offenses à des croyances religieuses » pour la détention et la distribution d’affiches et d’autocollants représentant la Vierge Marie auréolée des couleurs arc-en-ciel du mouvement LGBTI. Le parquet avait contesté ce jugement.
VIOLENCES FONDÉES SUR LE GENRE
Le Parlement a adopté en juin une définition du viol reposant sur le consentement, qui devait entrer en vigueur en février 2025 et qui mettrait ainsi la loi en conformité avec les normes relatives aux droits humains. Cependant, des préoccupations ont été soulevées quant au fait que cette nouvelle loi pourrait ne pas protéger de façon adéquate les personnes en situation de handicap, notamment mental.
DROITS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX
La Pologne n’avait toujours accepté aucun des mécanismes de l’ONU permettant de déposer une plainte au niveau international en cas d’atteintes présumées aux droits sociaux, économiques et culturels.
Droits en matière de logement
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU s’est inquiété de la part importante de la population vivant dans des conditions insalubres ou de promiscuité en raison du manque de logements abordables. Il a recommandé d’« accord[er] la priorité au financement de la construction de logements abordables, et à la rénovation et à la modernisation des logements insalubres. » Il a également invité la Pologne à « renforcer les mécanismes de surveillance et d’application de la loi afin de prévenir l’exploitation par les propriétaires et de réduire le risque de sans-abrisme ».
LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE
En mai, un tribunal a déclaré Joanna Wolska, militante de l’organisation Grève des femmes, non coupable d’infractions présumées, en lien avec la façon dont s’était tenue une manifestation relative à l’avortement.
En juillet, pour dénoncer le changement climatique, des militant·e·s du groupe Dernière génération ont collé leur main à l’asphalte dans une rue de Varsovie, la capitale. Ils ont par la suite indiqué que la police n’était pas intervenue pour les protéger lorsqu’ils ont été attaqués par certains conducteurs et conductrices.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
La Pologne a obtenu un score « faible » au titre de l’Indice de performance climatique en raison de ses politiques climatiques, de son utilisation de l’énergie et de ses émissions de gaz à effet de serre. Le gouvernement n’a pris aucune mesure pour mettre progressivement fin, à court terme, à l’utilisation des énergies fossiles. D’importantes inondations, notamment dans le sud-ouest du pays, ont entraîné la mort de sept personnes en septembre. Selon l’initiative World Weather Attribution, le changement climatique causé par les activités humaines aurait augmenté la probabilité de survenue de ces inondations.

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