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©AP/Press Association Images

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Maroc et Sahara Occidental

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Maroc et Sahara Occidental en 2024.

Les autorités ont continué à réprimer la dissidence et à prendre pour cible des journalistes, des militant·e·s et des personnes qui critiquaient le régime en engageant des poursuites judiciaires à leur encontre et en les plaçant sous surveillance, en dépit d’une grâce présidentielle concernant des milliers de prisonniers et prisonnières, dont des journalistes et des défenseur·e·s des droits humains. Les inégalités fondées sur le genre perduraient en droit comme dans la pratique, et les relations sexuelles consenties entre adultes de même sexe étaient toujours érigées en infraction. Les autorités ont manqué à leur obligation de garantir aux femmes et aux filles des services de santé sexuelle et reproductive accessibles, abordables et de bonne qualité, notamment des services d’avortement. La société civile s’est opposée à un projet de code de procédure pénale qui risquait d’entraver la lutte contre la corruption. Les autorités n’ont pas enquêté efficacement sur la répression meurtrière de juin 2022 contre des personnes migrantes ou réfugiées. Elles ont arrêté arbitrairement et réinstallé de force des personnes réfugiées, demandeuses d’asile ou migrantes dans des régions reculées, mettant leur sécurité et leur vie en danger. Le Maroc a subi une grave sécheresse imputable au changement climatique. La réaction de l’État face au tremblement de terre de septembre 2023 a été jugée inadaptée.

CONTEXTE

Les autorités n’ont pas invité le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et la lutte antiterroriste qui, préoccupé par la poursuite des violations des droits humains au nom de la « lutte contre le terrorisme », a demandé à se rendre au Maroc le 24 avril.

Le 4 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne a statué que les accords commerciaux de 2019 entre l’UE et le Maroc concernant les produits de la pêche et de l’agriculture, auxquels la population du Sahara occidental n’avait pas consenti, avaient été conclus en violation du principe d’autodétermination.

LIBERTÉ D'EXPRESSION

Quelque 2 460 prisonniers et prisonnières, dont plusieurs journalistes et défenseur·e·s des droits humains de premier plan, ont été libérés en juillet à la faveur d’une grâce présidentielle. Parmi ces personnes figuraient les journalistes Omar Radi, Taoufik Bouachrine et Suleiman Raissouni, ainsi que le youtubeur Mohamed Réda Taoujni. Après sa libération, Suleiman Raissouni est devenu la cible de campagnes de diffamation.

Des journalistes, des militant·e·s et des personnes qui critiquaient le régime ont fait l’objet de poursuites judiciaires, d’une surveillance numérique et de campagnes de diffamation orchestrées par des médias favorables à l’État. Plusieurs ont été emprisonnés pour avoir critiqué la monarchie ou publié ce que les autorités qualifiaient de « fausses nouvelles ».

En février et en septembre, le Comité des droits de l’homme [ONU] a demandé que les autorités mettent en place des mesures provisoires pour protéger la santé de Mohamed Ziane (81 ans), avocat spécialiste des droits humains et ancien ministre des Droits de l’homme, qui avait été condamné en novembre 2022 pour des charges controuvées liées à ses activités en faveur des droits fondamentaux. Selon l’organisation Alkarama, qui a déposé la plainte, les autorités n’ont pas satisfait à cette demande.

En novembre, le tribunal de première instance de Rabat a condamné le journaliste Hamid El Mahdaoui, directeur du site internet Badil, à 18 mois d’emprisonnement et à une amende, après l’avoir déclaré coupable de « diffusion de fausses allégations » et de « diffamation », à la suite d’une plainte du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi.

RÉPRESSION DE LA DISSIDENCE

La dissidence et les droits à la liberté d’association et de réunion pacifique restaient soumis à des restrictions au Sahara occidental.

En janvier, la police a dispersé violemment des militantes sahraouies qui manifestaient pacifiquement à Laayoune ; certaines des protestataires ont été rouées de coups.

En février, la police a empêché la tenue d’une conférence de presse sur la situation des droits fondamentaux au Sahara occidental organisée par le Collectif des défenseurs sahraouis des droits humains (CODESA) et qui devait se dérouler à Laayoune, au domicile du président du CODESA, Ali Salem Tamek.

En avril, l’armée et la gendarmerie marocaines ont détruit à coups de bulldozer les habitations de 12 familles sahraouies dans la ville d’Al Jitir, au nord de Smara. Les autorités marocaines ont affirmé lutter ainsi contre les constructions irrégulières. Ces logements ont été démolis sans préavis suffisant ni proposition de relogement, ce qui constituait une expulsion forcée.

En août, la police a soumis 13 militant·e·s à des fouilles arbitraires aux aéroports de Laayoune et de Dakhla, et saisi des documents et d’autres effets personnels. Les personnes concernées rentraient d’une conférence en Turquie.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

La législation interne continuait de conforter les inégalités de genre, notamment en matière d’héritage et de garde des enfants.

Le 28 juin, le roi Mohamed VI a présenté un projet révisé de Code de la famille au Conseil supérieur des oulémas en vue d’un examen religieux, avant de le soumettre au vote du Parlement. Le texte n’a pas été rendu public et peu d’informations ont été fournies au sujet des consultations avec les organisations de défense des droits humains et les militant·e·s.

Les autorités ont manqué à leur obligation de garantir des services de santé sexuelle et reproductive accessibles, abordables et de bonne qualité, notamment des services d’avortement, exposant ainsi les femmes et les filles à des situations dangereuses et bafouant leurs droits humains. La pénalisation de l’avortement, acte passible de peines d’emprisonnement même en cas de viol, avait toujours des conséquences désastreuses pour les femmes et les filles.

DROITS DES PERSONNES LGBTI

L’article 489 du Code pénal érigeait toujours en infraction les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe, qui étaient passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans et d’une amende.

Selon Akaliyat, une organisation de défense des droits des personnes LGBTI, ces personnes continuaient à faire l’objet d’arrestations arbitraires, de poursuites judiciaires, de mauvais traitements en détention, de crimes de haine et d’autres discriminations, et la plupart d’entre elles ne se sentaient pas suffisamment en sécurité pour signaler ces actes.

D’après des médias marocains, les autorités ont empêché deux mariages entre personnes de même sexe, en juin et septembre.

Le 9 septembre, le parlementaire Mustapha Ibrahimi a demandé que l’État interdise un manuel scolaire destiné à la petite enfance, au motif qu’un arc-en-ciel figurait sur la couverture. Aucune suite n’avait toutefois été donnée à sa demande à la fin de l’année.

IMPUNITÉ

Le 29 août, le gouvernement a approuvé le projet de loi no 03-23, modifiant et complétant la Loi no 22-01 relative à la procédure pénale. Le texte n’avait pas encore été adopté définitivement par le Parlement à la fin de l’année. L’Association des barreaux du Maroc s’est opposée à cette réforme, estimant qu’elle était incompatible avec l’état de droit et le droit à un procès équitable ; plusieurs organisations de la société civile, dont Transparency Maroc et l’Association marocaine de protection des deniers publics, ont fait de même car, selon elles, ce texte allait empêcher la société civile de déposer des plaintes pour corruption contre des représentant·e·s de l’État.

DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS

En septembre, le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), institution chargée de la protection des droits fondamentaux au Maroc, a annoncé qu’il allait procéder à des tests génétiques en vue d’identifier les restes humains retrouvés dans l’ancien centre de détention secret de Tazmamart, où les autorités avaient infligé des actes de torture et d’autres mauvais traitements à des personnes détenues entre 1973 et 1991. Cette décision importante intervenait deux décennies trop tard, a fait savoir l’association des familles de victimes de Tazmamart, dont les autres demandes de réparation sont restées sans suite. L’association a réclamé l’ouverture d’une enquête exhaustive et impartiale sur les circonstances et les causes des décès de personnes détenues à Tazmamart.

Selon les chiffres de juin 2024 du CNDH, 27 723 personnes, notamment d’anciennes victimes de disparition forcée ou leurs ayants droit, avaient reçu une indemnisation financière depuis 1999 pour des faits commis entre 1973 et 1991 ; le montant total versé s’élevait à 211,8 millions de dollars des États-Unis.

DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES

Les autorités n’ont pas mené d’enquête transparente et efficace sur la mort d’au moins 37 personnes et la disparition de 77 autres, le 24 juin 2022, lorsque les forces de sécurité marocaines et espagnoles avaient utilisé du matériel antiémeutes et des armes à létalité réduite pour disperser violemment un groupe comprenant quelque 2 000 personnes migrantes, demandeuses d’asile ou réfugiées d’Afrique subsaharienne qui tentaient de franchir la frontière depuis le Maroc pour entrer dans l’enclave espagnole de Melilla.

Citant des sources du ministère public marocain, l’agence de presse espagnole EFE a annoncé le 24 juin que les autorités marocaines avaient clos une enquête ouverte plus tôt dans l’année sur la mort de 23 personnes à Melilla en juin 2022, ayant estimé qu’il n’y avait « aucune preuve de crime » et que les forces de sécurité avaient eu recours à la force de manière proportionnée. Les autorités marocaines n’ont pas rendu publiques les conclusions de cette enquête. L’Association marocaine des droits humains (AMDH) a fait savoir que, entre le 6 et le 12 juin 2024, les autorités avaient inhumé en secret au moins 13 des personnes tuées lors de cette opération.

Selon une enquête publiée en mai par Lighthouse Reports et un consortium de médias, les autorités marocaines ont arrêté dans des centres urbains des personnes migrantes ou réfugiées noires, ciblées en fonction de critères raciaux, puis les ont abandonnées à leur sort dans des zones isolées à proximité de la frontière algérienne, mettant leur sécurité et leur vie en péril.

En janvier et en février, deux Mauritaniens et quatre Maliens ont été tués dans des frappes de drones lancées par les autorités marocaines au Sahara occidental, selon le CODESA. Les autorités ont justifié ces attaques en affirmant qu’elles relevaient de la lutte contre le trafic et les activités non autorisées, comme l’extraction artisanale et le commerce de l’or. Aucune enquête indépendante et efficace n’avait été menée sur ces morts à la fin de l’année.

MIGRANTES DROITS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

L’État a annoncé en avril qu’il allait relever le salaire minimum dans la fonction publique, le secteur privé et l’agriculture au cours des deux prochaines années et diminuer l’impôt sur le revenu.

Une étude publiée en juin par le Haut-Commissariat au plan, institution statistique gouvernementale, a établi que le niveau de vie avait baissé de 3,1 % entre 2019 et 2022, d’où une hausse du taux de pauvreté absolu, imputable en particulier au COVID-19 et à plusieurs années de sécheresse. Les 10 % les plus pauvres de la population consacraient 50 % de leurs revenus à l’alimentation.

En juillet, le Parlement a saisi le Conseil économique, social et environnemental (CESE) du Maroc afin de recueillir son avis consultatif au sujet du projet de loi organique no 97-15 fixant les conditions et les modalités d’exercice du droit de grève. Le CESE a indiqué que ce projet nécessitait d’importantes révisions pour correspondre aux engagements internationaux pris par le Maroc quant aux droits des travailleuses et travailleurs.

La Fédération internationale de football (FIFA) a annoncé que la Coupe du monde masculine de football 2030 serait coorganisée par l’Espagne, le Maroc et le Portugal. Plusieurs risques associés à l’accueil de cet événement sportif au Maroc nécessitaient d’être pris en considération, notamment en ce qui concerne les droits du travail, les droits des personnes migrantes, le travail des enfants et les expulsions forcées.

DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN

Le Maroc a continué à souffrir d’une sécheresse grave et prolongée, imputable au changement climatique. Les autorités ont indiqué en janvier que le niveau des barrages était excessivement bas et que les précipitations étaient inférieures de 70 % à la moyenne. La sécheresse a eu des répercussions sur l’irrigation des terres agricoles, ce qui a mis à mal le droit à l’alimentation et le droit à un niveau de vie suffisant. L’agriculture était toujours le premier secteur économique et le principal employeur en milieu rural. En août et en septembre, de fortes pluies et de puissants orages ont touché plusieurs régions du sud-est et du nord du pays, provoquant des inondations qui ont fait au moins 30 morts.

En mai, l’AMDH a fait part d’une évaluation préliminaire de l’intervention des pouvoirs publics à la suite du tremblement de terre qui avait ravagé la province d’Al Haouz le 8 septembre 2023, faisant environ 3 000 morts. Elle a déploré le manque de préparation des institutions publiques face à cette catastrophe, notamment l’absence de programmes nationaux pertinents ainsi que la mauvaise organisation logistique et la piètre coordination des opérations d’aide et de secours, entre autres problèmes.

PEINE DE MORT

Cette année encore, les tribunaux ont prononcé des condamnations à mort, généralement pour meurtre. Le Maroc n’avait procédé à aucune exécution depuis 1993.

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