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©AP/Press Association Images

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Maroc et Sahara occidental : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Maroc et au Sahara occidental en 2022.

Les autorités ont continué d’écraser la dissidence, de disperser des manifestations pacifiques et de restreindre les activités de plusieurs organisations qui faisaient selon elles partie de l’opposition. Elles ont durci la répression exercée contre les militant·e·s sahraouis. Du fait de la criminalisation de l’avortement, une fille, au moins, est morte des suites d’un avortement dangereux après un viol. Des gardes-frontières ont eu recours à une force excessive contre des personnes qui tentaient de franchir la frontière entre le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla, causant ainsi la mort d’au moins 37 personnes. Le droit interne demeurait insuffisant pour protéger et promouvoir le droit à un environnement propre et sain.

CONTEXTE

En mars, le Premier ministre espagnol a exprimé son soutien au plan d’autonomie du gouvernement marocain pour le Sahara occidental. En réaction, l’Algérie a annoncé la suspension d’un traité de coopération avec l’Espagne. Les relations entre le Maroc et l’Algérie sont restées tendues, en dépit des appels au rétablissement des liens diplomatiques entre les deux pays lancés en juillet par le roi Mohammed VI.

Le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) a été renouvelé en octobre, mais il ne comportait toujours pas de composante relative aux droits humains. Les organisations de défense des droits humains ne pouvaient toujours pas se rendre au Sahara occidental.

Au cours de l’année, 1 445 personnes sont mortes des suites du COVID-19. À la fin de l’année, 66,8 % de la population avaient reçu au moins une dose d’un vaccin contre le COVID-19.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Les autorités ont continué de s’en prendre aux opposant·e·s et aux militant·e·s au Maroc et au Sahara occidental. Au moins sept journalistes et militant·e·s qui avaient critiqué le gouvernement, ainsi que des personnes qui avaient exprimé leurs opinions en ligne à propos de la religion ou avaient témoigné leur solidarité avec des militant·e·s, ont été visés par des enquêtes, poursuivis en justice et emprisonnés.

En mars, la police de la ville de Settat a convoqué et interrogé Brahim Nafai, enseignant et membre de l’organisation de jeunesse Annahj Addimocraty (Voie démocratique), parce qu’il avait publié sur les réseaux sociaux des appels à un boycott du carburant. Il n’a pas été informé des suites données à cette affaire, qui était toujours en cours.

En avril, un tribunal de Casablanca a condamné la défenseure des droits humains Saïda El Alami à deux ans d’emprisonnement pour des publications sur les réseaux sociaux dans lesquelles elle dénonçait la répression subie par les journalistes et les militant·e·s. En septembre, la cour d’appel de Casablanca a alourdi sa peine, la portant à trois ans d’emprisonnement. Saïda El Alami était toujours incarcérée.

En janvier, un tribunal de la ville de Tanger a acquitté en appel Fatima Zahra Ould Belaid, une militante membre de l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne au Maroc (ATTAC Maroc) et du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM). Elle avait été arrêtée en novembre 2021 par la police, qui l’accusait d’avoir organisé des manifestations « illégales » à l’université de Tanger.

En août, le tribunal de première instance de Oued Zem a condamné la blogueuse Fatima Karim à deux ans d’emprisonnement au titre de l’article 267-5 du Code pénal pour avoir « porté atteinte » à l’islam sur les réseaux sociaux.

En novembre, un tribunal de Casablanca a condamné le défenseur des droits humains Rida Benotmane à trois ans d’emprisonnement pour « outrage envers les corps constitués », « outrage à un agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions » et « diffusion de faits mensongers » en raison de publications en ligne dans lesquelles il reprochait aux autorités de n’avoir pas tenu compte des revendications en faveur de la justice sociale. Il était toujours en détention à la fin de l’année.

DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE

L’analyse réalisée en mars par le Security Lab d’Amnesty International a établi que deux téléphones appartenant à la défenseure sahraouie des droits humains Aminatou Haidar avaient été ciblés et infectés par le logiciel espion Pegasus de la société NSO Group. L’analyse d’Amnesty International a révélé des traces d’infection remontant à septembre 2018 dans le premier téléphone et à octobre et novembre 2021 dans le second.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION ET DE RÉUNION

Les autorités ont fait un usage excessif de la force pour disperser des manifestations pacifiques à au moins deux reprises, notamment lors de mouvements pour de meilleures conditions de travail pour les enseignant·e·s et pour la défense des droits des Sahraoui·e·s. Plusieurs participant·e·s ont été arrêtés.

En mars, la police a dispersé par la force des manifestations d’enseignant·e·s qui se déroulaient dans tout le pays. Dans la ville de Taounate, un enseignant a été frappé si violemment par la police qu’il a dû être hospitalisé. Dans la capitale, Rabat, l’enseignante Hajar Balhouari a été arrêtée pour avoir participé à une manifestation pacifique.

Les manifestations de militant·e·s sahraouis au Sahara occidental ont été encore plus violemment réprimées. En avril, des policiers ont roué de coups de poing et de pied l’étudiant en journalisme Abdelmounaim Naceri jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Il était en train de filmer un sit-in organisé par de jeunes Sahraoui·e·s devant la préfecture de Smara, une ville du Sahara occidental, pour protester contre les conditions sociales.

Toujours en avril, les autorités locales de la ville de Laâyoune, également au Sahara occidental, ont refusé d’autoriser l’enregistrement du bureau exécutif nouvellement élu de l’Association sahraouie des victimes de graves violations des droits de l’homme commises par l’État marocain (ASVDH), au motif qu’elle faisait obstruction au travail des administrations publiques.

Le 2 juillet, la police a encerclé le siège de l’ASVDH à Laâyoune et a recouru à la violence pour empêcher ses membres d’y entrer, blessant au moins 10 personnes à coups de poing et de pied et proférant des insultes racistes à leur égard.

Tout au long de l’année, les autorités ont restreint arbitrairement l’agrément et les activités d’au moins sept organisations qui faisaient selon elles partie de l’opposition, et ont harcelé des membres de certaines associations.

Les autorités ont rejeté la demande d’inscription au registre des organisations officielles qui avait été déposée par le Réseau Amazigh pour la citoyenneté- Azetta Amazigh, prétendant que les règles juridiques n’avaient pas été respectées.

PROCÈS INÉQUITABLES

Les tribunaux ont porté atteinte aux normes d’équité des procès, notamment en utilisant les mêmes rapports de police pour plusieurs accusé·e·s et en entravant l’accès aux avocats. La justice n’a pas enquêté sur les plaintes d’accusé·e·s faisant état d’« aveux » extorqués sous la torture.

Le 3 mars, la cour d’appel de Casablanca a confirmé la peine de six ans d’emprisonnement qui avait été prononcée contre Omar Radi pour espionnage et viol. Pendant ses procès, ce dernier n’a eu qu’un accès limité à ses avocats, son équipe de défense a été privée du droit de procéder au contre-interrogatoire des témoins de l’accusation, et plusieurs témoins à décharge ont été écartés.

Le 21 juillet, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a conclu que les violations du droit du journaliste Suleiman Raissouni à un procès équitable étaient d’une gravité telle qu’elles rendaient sa détention arbitraire.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

En avril, le Maroc a ratifié le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Pourtant, la législation interne continuait de conforter les inégalités de genre, notamment en matière d’héritage et de garde des enfants.

En juin, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes s’est inquiété des taux élevés de mortalité maternelle et d’analphabétisme chez les femmes dans les zones rurales du Maroc.

D’après les recherches menées en 2022 par l’ONG Mobilising for Rights Associates, les dispositions des articles 490 à 493 du Code pénal érigeant les relations sexuelles en dehors du mariage et l’adultère en infractions empêchaient les femmes victimes de violences de signaler ces actes, ce qui les privait de leurs droits à la protection, à la prévention, à des recours adéquats et à des réparations. Selon l’ONG, ces dispositions permettaient également aux auteurs de commettre en toute impunité des violences à l’égard des femmes.

L’avortement restait illégal sauf s’il était jugé nécessaire pour protéger la santé d’une femme enceinte. Le fait de recourir à un avortement illégal ou de le pratiquer était passible de six mois à cinq ans d’emprisonnement. Le projet de loi no 10.16, qui entendait dépénaliser l’avortement dans un nombre restreint de cas, était toujours au point mort au Parlement depuis 2016.

En septembre, une fille de 14 ans originaire d’un village près de Midelt, dans le centre du Maroc, est décédée des suites d’un avortement dangereux pratiqué après un viol. Plusieurs organisations de défense des droits des femmes ont attribué sa mort à la législation très stricte en matière d’avortement.

En mars et en avril, des agents de police et de sécurité ont fait usage de violence physique, verbale et sexuelle contre 12 militantes sahraouies qui exprimaient leur solidarité avec la militante Sultana Khaya (voir Torture et autres mauvais traitements). Aucune enquête n’a été menée au sujet des informations faisant état de ces agressions.

En avril, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains a dénoncé l’utilisation par les autorités marocaines de la violence sexuelle pour intimider les défenseures des droits humains sahraouies.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Des actes de torture et d’autres mauvais traitements ont cette année encore été commis en toute impunité, notamment dans les prisons, en particulier contre des militant·e·s sahraouis.

À plusieurs reprises en mars, des gardiens de prison ont frappé le militant sahraoui Mohamed Lamine Haddi. Membre du camp de protestation de Gdeim Izik, au Sahara occidental, il était détenu à l’isolement depuis 2017 à la prison de Tiflet II, dans le nord- ouest du Maroc.

En mai, Sultana Khaya, militante sahraouie de renom assignée à résidence à son domicile depuis 2020, s’est soustraite à cette mesure et s’est rendue en Espagne afin de se faire soigner pour les tortures subies lors de diverses agressions policières commises depuis son assignation à résidence. Aucune enquête n’a été menée sur le viol et d’autres graves violations des droits humains infligés à cette femme et à sa famille.

En juin, la police a arrêté Labbas Sbaï et l’a placé en détention à la prison de Zagora, dans le sud du Maroc, parce qu’il avait dénoncé des faits de corruption. Des gardiens de prison l’ont frappé à plusieurs reprises, et le directeur de la prison a défendu ces agissements. Labbas Sbaï a été libéré en juillet.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES

En juin, le Maroc a été classé au 30e rang des pays du monde les plus dangereux pour les personnes LGBTI en voyage, selon l’indice établi par Asher & Lyric. L’article 489 du Code pénal marocain, qui prévoyait des peines de six mois à trois ans d’emprisonnement assorties d’amendes pour sanctionner les rapports sexuels entre personnes de même sexe ou les actes « contre nature », était cité dans cette étude.

En juin, le ministère de la Culture a retiré le livre de Fatima Zahra Amzkhar Mémoires d’une lesbienne du Salon international de l’Édition et du livre 2022 de Rabat, après le lancement d’une campagne utilisant des hashtags tels que #NonÀlHomosexualité. Le ministre de la Culture a affirmé que le livre n’avait jamais été autorisé pour ce salon.

La campagne #Fetrah (qui signifie primitif, nature ou instinct en arabe), promouvant l’idée qu’il n’y a que deux genres et s’opposant aux défenseur·e·s des droits des personnes LGBTI, est devenue virale au Maroc. Sa page a été fermée par Facebook en juillet, mais les autorités marocaines n’ont pas dénoncé cette campagne.

En juillet, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a demandé au Maroc d’abroger les articles du Code pénal qui réprimaient pénalement les personnes LGBTI.

DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES

En juin, environ 2 000 personnes, venant principalement du Soudan, ont tenté de franchir la frontière entre la ville de Nador, dans le nord du Maroc, et l’enclave espagnole de Melilla. Les forces de sécurité de part et d’autre de la frontière ont alors fait usage d’une force excessive ; 37 personnes originaires d’Afrique subsaharienne ont été tuées et 77 autres ont été portées disparues.

Le Conseil national des droits de l’homme du Maroc a indiqué que 217 personnes avaient été blessées, dont 140 membres des forces de sécurité marocaines. Les forces de sécurité ont jeté des pierres sur les personnes migrantes, les ont frappées et ont tiré des gaz lacrymogènes dans des espaces clos. Les migrant·e·s blessés par les forces de sécurité ont été privés de soins médicaux et nombre d’entre eux ont été transférés de force dans des bus vers diverses destinations du Maroc. Les parquets locaux ont annoncé avoir ouvert une enquête, mais ils n’ont pas pris de mesures pour interroger les témoins, y compris les personnes migrantes blessées. En revanche, les autorités ont poursuivi au moins 79 migrant·e·s pour entrée illégale sur le territoire.

LUTTE CONTRE LA CRISE CLIMATIQUE

Le Maroc n’avait pas encore mis à jour son objectif d’émissions pour 2030 afin de répondre pleinement à la nécessité de ne pas dépasser le seuil de + 1,5 °C. Le pays n’avait pas non plus adopté de mesures d’adaptation et de réduction des risques de catastrophe conformes aux droits humains et protégeant suffisamment la population des conséquences prévisibles et inévitables de la crise climatique.

En février, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a indiqué que la superficie des terres adaptées à la culture de l’arganier au Maroc risquait de baisser de 32 % d’ici à 2070, ce qui représentait une menace pour les moyens de subsistance et la biodiversité dans le pays.

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