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Mali
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Mali en 2024.
Les autorités ont eu davantage recours à la détention arbitraire et aux disparitions forcées pour réprimer le droit à la liberté d’expression. Le droit à la liberté d’association a été régulièrement bafoué. L’État et les forces armées ont tué des centaines de civil·e·s. La plupart des crimes de droit international sont demeurés impunis. Plus de 1 600 écoles étaient toujours fermées à la fin de l’année en raison du conflit armé. Une nouvelle législation portait atteinte aux droits des personnes LGBTI.
CONTEXTE
Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont quitté la CEDEAO en janvier et formé une confédération en juillet. En mars, le gouvernement militaire a prolongé la période de transition politique instaurée à la suite du coup d’État militaire de 2020.
Il a été mis fin à l’accord de paix conclu en 2015 entre le gouvernement et des groupes séparatistes du nord, et les combats ont repris dans cette zone. Cette année encore, des groupes armés islamistes ont attaqué des positions militaires et des populations locales, tandis que du personnel militaire russe s’est battu aux côtés des forces gouvernementales. On dénombrait près de 331 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays au 31 juillet, d’après les chiffres des Nations unies. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires [ONU], 32 % de la population avait besoin d’une aide humanitaire.
Le Comité interministériel de gestion des crises et catastrophes a indiqué que 264 646 personnes avaient été touchées par des inondations, lesquelles avaient fait au moins 177 morts entre janvier et octobre.
ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES
Les personnes exerçant leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique étaient souvent arrêtées et placées en détention.
Alpha Yaya Sangaré, un lieutenant-colonel de la Gendarmerie nationale, a été arrêté en mars après avoir publié un livre dans lequel il affirmait que l’armée avait commis des violations des droits humains à l’encontre de civil·e·s. Les accusations dont il faisait l’objet n’ont pas été révélées. Toujours en mars, l’économiste Étienne Fakaba Sissoko a été arrêté en raison d’un livre dans lequel il dénonçait le recours de l’État à la « propagande ». En mai, il a été déclaré coupable d’injures, d’atteinte au crédit de l’État et de diffusion de fausses nouvelles et condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement (dont un avec sursis), assortie d’une amende. Il a été débouté de son appel en novembre.
Le 27 mai, Boubacar Karamoko Traoré, 80 ans, a été arrêté au cabinet du Premier ministre et inculpé d’« atteinte à l’intégrité de l’État », d’« outrage à magistrat » et de « diffusion de propos mensongers de nature à troubler l’ordre public ». Il était président par intérim du Comité stratégique du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques, qui a joué un rôle central dans les manifestations postélectorales de 2020. Il avait signé une note condamnant les pratiques brutales adoptées par le commandement de l’armée depuis 2020 et la décision de reporter les élections. Il a été condamné à une peine d’un an d’emprisonnement, ramenée à trois mois en appel au mois de septembre.
Le 20 juin, la gendarmerie a arrêté 11 hommes politiques qui s’étaient réunis à Bamako, la capitale, au domicile du vice-président de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice. Le 24 juin, après avoir comparu devant un juge d’instruction lors d’une audition sommaire, 10 d’entre eux ont été placés en détention. Le 5 juillet, Mohamed Aly Bathily a lui aussi été arrêté pour des motifs en lien avec cette réunion. Cet homme et les 10 autres ont été inculpés de « troubles à l’ordre public » et « complot contre l’État ». Le 9 septembre, le juge d’instruction a ordonné leur libération provisoire. Le ministère public a fait appel de la décision et les intéressés sont restés incarcérés jusqu’en décembre.
Le 12 juillet, Youssouf Daba Diawara, ancien coordonnateur d’un groupe aujourd’hui dissous, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS), a été emmené par des inconnus armés à la Brigade d’investigations judiciaires de la gendarmerie, alors qu’il se trouvait dans sa voiture. Le 15 juillet, un juge l’a inculpé d’« opposition à l’autorité légitime » parce qu’il avait participé à une manifestation non autorisée en juin. Il a été remis en liberté à titre provisoire le 3 octobre.
DISPARITIONS FORCÉES
Cette année encore, pendant de longues périodes, on a ignoré où se trouvaient plusieurs personnes arrêtées par l’Agence nationale de la sécurité d’État (services de renseignement) et ce qu’il était advenu d’elles.
Hamadoun Dicko, membre du groupe de la société civile Tabital Pulaaku Mali, a été libéré en mars après trois mois de détention dans un lieu inconnu. Le même mois, une vingtaine de dirigeants de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), aujourd’hui dissoute, ont été placés en détention sans inculpation dans un lieu inconnu. Ils ont recouvré la liberté fin juin. Le cybermilitant Yeri Bocoum a été victime d’une disparition forcée pendant près d’un mois en juin, après avoir couvert les manifestations organisées par Synergie d’actions pour le Mali. L’ancien député Idrissa Sankaré a été enlevé et détenu pendant 24 jours en août.
LIBERTÉ D'ASSOCIATION
Les pouvoirs publics ont dissous plusieurs associations de la société civile, dont l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance, Kaoural Renouveau, la CMAS, l’AEEM et Synergie d’actions pour le Mali. Entre le 10 avril et le 10 juillet, l’État a suspendu toutes les activités des partis politiques. En avril, les autorités ont interdit aux médias de rendre compte des activités des partis politiques et des « associations politiques ».
HOMICIDES ILLÉGAUX
Les parties au conflit ont tué illégalement des centaines de civil·e·s ; certains de ces homicides pourraient constituer des crimes de droit international.
Groupes armés
Vingt-quatre habitant·e·s du village de Boura (région de Sikasso) ont été enlevés le 3 janvier par des chasseurs dozos. Les corps de 17 de ces personnes ont été retrouvés quelques jours plus tard, a indiqué l’organisation locale Tabital Pulaaku. Le 6 janvier, des chasseurs dozos ont tué 13 personnes dans le village de Kalala-peul (centre-sud du Mali), près de Ségou.
En mai, des membres présumés du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ont tué neuf jeunes sur la route reliant les villages de Goundam et de Diré (région de Tombouctou), alors que ceux-ci participaient à un programme de recrutement de l’armée. Le même mois, des membres présumés du GSIM ont ôté la vie à 19 personnes déplacées qui travaillaient dans leurs champs à Diallassagou (région de Mopti), selon des sources locales et des médias. D’après des sources gouvernementales, des membres de ce même groupe ont tué 23 personnes en juillet dans les villages de Djiguibombo et de Sokorokanda (région de Mopti), où ils ont aussi détruit des bâtiments, dont un centre de santé. Ils ont également attaqué le village de Dembo, toujours dans la région de Mopti, tuant 20 petits producteurs et productrices.
Forces gouvernementales
Le 17 mars, deux frappes effectuées par l’armée au moyen de drones à Amasrakad (région de Gao) ont fait au moins 13 morts parmi la population civile, dont sept enfants, et plus d’une douzaine de blessé·e·s. Une semaine plus tard, une autre frappe de drone a touché le village de Douna (région de Mopti), tuant 14 personnes, dont 11 enfants, et en blessant neuf autres.
Le 21 octobre, des frappes de drones ont tué huit civil·e·s, dont six enfants, à Inadiatafane (région de Tombouctou).
DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS
Le 26 juin, la CPI a déclaré Al Hassan Ag Abdoul Aziz coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Néanmoins, cet homme a été acquitté des charges de crimes de guerre et crimes contre l’humanité de viol, d’esclavage sexuel et de mariage forcé, ainsi que du crime de guerre d’attaque contre des biens protégés. La CPI l’a condamné en novembre à 10 ans de réclusion.
Les enquêtes menées par la justice nationale sur les crimes de guerre commis dans la région de Mopti, et plus précisément dans les villages de Moura (2022), d’Ogossagou (2019 et 2020) et de Sobane Da (2019), entre autres, n’ont pas progressé.
DROIT À L'ÉDUCATION
En janvier, Global Education Cluster, un groupe d’ONG humanitaires, a révélé que 1 657 écoles avaient été fermées en 2023 et l’étaient toujours, en raison de l’insécurité et de la crise humanitaire ; 497 100 élèves et 9 942 enseignant·e·s étaient concernés.
DROITS DES PERSONNES LGBTI
La nouvelle version du Code pénal adoptée en décembre érigeait en infraction passible de deux ans d’emprisonnement et d’une amende les rapports consentis entre personnes de même sexe.

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