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Mali : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu'il faut savoir sur les droits humains au Mali en 2022.

Dans le contexte du conflit armé, des centaines de civil·e·s ont été tués par des militaires et des groupes armés. Certains de ces homicides étaient des exécutions extrajudiciaires. Les violences et la discrimination fondées sur le statut social persistaient. Les détracteurs et détractrices du gouvernement ainsi que les journalistes faisaient l’objet de menaces, de manœuvres d’intimidation, d’arrestations et de détentions arbitraires ainsi que de poursuites. Des personnes incarcérées ont été privées de soins médicaux.

CONTEXTE

En janvier, la CEDEAO a imposé des sanctions au Mali après que celui-ci eut décidé de façon unilatérale de prolonger la période de transition politique qui a suivi le coup d’État de 2020. Les sanctions ont été levées en juillet, à la suite de l’établissement d’une nouvelle feuille de route de transition, qui fixait la date des élections à mars 2024.

L’UE et d’autres entités ont dénoncé le déploiement de personnel appartenant, semble-t-il, au groupe russe Wagner, une entreprise militaire privée. Selon les autorités maliennes, il s’agissait d’« instructeurs militaires ». La mission de formation de l’UE a suspendu ses activités en mai, et le Mali s’est retiré du G5 Sahel en juin. L’opération militaire française a pris fin en août, après neuf ans de présence au Mali.

En mai, les autorités ont déclaré avoir déjoué un coup d’État et arrêté 10 personnalités politiques et militaires. En juillet, 49 membres de l’armée ivoirienne qui prêtaient leur appui au contingent allemand de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) ont été appréhendés et inculpés de « tentative d’atteinte à la sûreté de l’État ».

VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

Groupes armés

En mars, l’État islamique au Sahel (EIS) a lancé une offensive meurtrière dans les régions de Ménaka et de Gao, où il a affronté des membres du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) et du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA). Des attaques aveugles contre les localités de Tamalat, d’Inchinane, d’Émis-Émis et d’Andéramboukane ont visé à la fois des combattants et des civil·e·s. L’EIS a tué des centaines de civil·e·s et, en octobre, plus de 73 000 personnes avaient fui vers Ménaka, selon les Nations unies.

Entre mai et septembre, des combattants de la katiba Serma ont bloqué la route reliant les villes de Boni, Douentza, Hombori et Gossi car ils accusaient les populations locales de « collaborer » avec l’armée. Cela a contraint les commerçant·e·s à recourir à des escortes militaires. Le 2 août, alors qu’ils attendaient une escorte, 19 camions transportant des marchandises ont été attaqués et brûlés par ce groupe armé à Hombori.

Le 18 juin, des membres présumés du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) s’en sont pris aux villages de Diallassagou, Dianweli et Dessagou, dans le cercle de Bankass, faisant environ 130 morts, principalement des civil·e·s, selon les autorités.

En septembre, après avoir délogé le GATIA et le MSA de Talataye (région de Gao), l’EIS a tué des dizaines de civil·e·s, selon les médias, et incendié des habitations et le marché. Ces actes représentaient tous des crimes de guerre. La ville a été désertée.

Forces armées et leurs alliés

La MINUSMA, les médias et des ONG ont recueilli des informations faisant état de centaines d’exécutions extrajudiciaires perpétrées par l’armée et ses alliés dans le contexte de l’opération Kélétigui depuis janvier.

Le 3 janvier, l’armée aurait tué sept civils mauritaniens à Guiré (région de Nara) lors d’une opération de « ratissage ». Les autorités maliennes et mauritaniennes ont ouvert en mars une enquête conjointe sur ces faits.

Le 27 janvier, des militaires ont arrêté et exécuté de manière extrajudiciaire 14 habitants de Tonou (région de Mopti), y compris le chef du village, après qu’un engin explosif improvisé eut été déclenché aux abords du village, faisant deux morts et cinq blessés parmi les soldats.

En février, 21 commerçants de la ville de Niono (région de Ségou) ont été victimes d’une disparition forcée lors d’une patrouille militaire. Peu après, le 2 mars, des villageois·es des environs ont découvert 36 corps brûlés près de Danguèrè Wotoro, non loin de Niono. Certaines des victimes étaient entravées et avaient les yeux bandés. Des associations et organisations de la société civile locales ont imputé ces homicides à l’armée.

Après une escarmouche avec des membres du GSIM, l’armée a assiégé Moura (région de Mopti), avec l’appui de personnel militaire étranger, entre le 27 et le 31 mars. Plusieurs centaines d’hommes de Moura et de villages voisins venus au marché hebdomadaire ont été répartis en groupes et interrogés. Des centaines d’entre eux ont alors été victimes d’une exécution extrajudiciaire.

Le 1er avril, le gouvernement a annoncé, en référence à ces faits, que 203 « djihadistes » avaient été tués et que 51 personnes avaient été arrêtées lors d’une opération à Moura. Sept jours plus tard, il a indiqué que le tribunal militaire de Mopti mènerait une enquête. L’armée a refusé qu’une équipe d’enquête de la MINUSMA se rende à Moura.

Le 19 avril, jour de marché à Hombori, l’armée, accompagnée de personnel militaire étranger, a tué au moins 50 personnes civiles et en a arrêté environ 611 autres après qu’un engin explosif improvisé eut tué un soldat et en eut blessé deux autres. Selon la MINUSMA, ces personnes ont été détenues au camp militaire de Hombori, où elles auraient subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements.

Quelques jours plus tard, l’armée a libéré 548 de ces personnes et en a transféré 36 autres au camp militaire de Sévaré. Après que des groupes armés eurent attaqué les camps militaires de Sévaré, Niono et Bapho, un soldat a exécuté de façon extrajudiciaire 20 des 27 détenus restés à Hombori, selon le gouvernement et les forces de l’ONU.

En septembre, l’armée, accompagnée, semble-t-il, de personnel militaire étranger et de chasseurs dozos, a attaqué les villages de Nia Ouro, Tandiama et Kankele (région de Mopti). Au moins 12 femmes de Nia Ouro ont été violées, selon la MINUSMA, tandis que d’autres ont été forcées à se dévêtir et photographiées nues par des combattants étrangers.

Les enquêtes ouvertes sur les crimes commis par l’armée contre des civil·e·s depuis 2019 étaient, pour la plupart, au point mort.

DISCRIMINATION

En juillet, le corps mutilé de Diogou Sidibé, une agricultrice de 69 ans, a été retrouvé sur ses terres dans le village de Lany Mody (région de Kayes). Cette femme a été tuée parce qu’elle avait refusé de se soumettre à des pratiques discriminatoires fondées sur le métier et l’ascendance. En août, 18 personnes ont été arrêtées pour cet homicide.

DÉTENTION ARBITRAIRE

Les hauts fonctionnaires Kalilou Doumbia et Moustapha Diakité ont été maintenus en détention alors qu’un juge d’instruction avait abandonné en juin toutes les charges retenues contre eux. Ces hommes, détenus depuis septembre 2021, avaient notamment passé deux mois dans des lieux de détention illégaux aux mains, semble-t-il, de l’Agence nationale de la sécurité d’État.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

En janvier, Étienne Fakaba Sissoko, un économiste critiquant les autorités de transition, a été arrêté après s’être exprimé à la télévision au sujet des sanctions prises par la CEDEAO contre le Mali. Il a été remis en liberté provisoire en juin, avec interdiction de quitter le territoire.

En mars, les autorités ont suspendu d’antenne Radio France internationale et France 24 après que ces médias eurent publié des articles au sujet d’actes de torture et d’homicides illégaux commis par l’armée.

En avril, les autorités ont accusé Oumar Mariko, un homme politique, d’avoir diffamé les forces armées après qu’il eut dénoncé des exécutions extrajudiciaires perpétrées à Moura. Après avoir passé plusieurs mois dans la clandestinité, il a refait surface à Moscou, d’où il a accusé le gouvernement de tentatives d’assassinat contre lui.

En mai, Sara Yara ainsi que Faty et Amy Cissé, deux sœurs, ont été arrêtées et accusées d’avoir publié des commentaires diffamatoires sur Facebook au sujet du directeur de l’Agence nationale de la sécurité d’État. Elles ont été libérées à titre provisoire de la prison de Bollé le 3 septembre.

En juin et novembre, le journaliste Malick Konaté a subi des menaces, des manœuvres d’intimidation et des dommages matériels de la part d’inconnus, apparemment en lien avec ses opinions sur le gouvernement de transition et son travail sur des exactions commises par des membres du groupe Wagner.

En novembre, la Haute Autorité de la communication (HAC) a suspendu la chaîne Joliba TV pour une durée de deux mois pour « des manquements et violations graves et répétés aux dispositions substantielles du Code de déontologie du journalisme ». La chaîne avait critiqué l’immobilisme du gouvernement de transition et de la HAC face au harcèlement et aux manœuvres d’intimidation visant des journalistes.

CONDITIONS DE DÉTENTION INHUMAINES

En mars, Soumeylou Boubèye Maïga, ancien Premier ministre arrêté en août 2021 pour corruption, est mort en détention alors que sa famille et son médecin avaient, en vain, demandé à plusieurs reprises son évacuation sanitaire. Les autorités ont refusé de réaliser une autopsie.

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