Aller au contenu
Agir
Faire un don
ou montant libre :
/mois
Grâce à la réduction d'impôts de 66%, votre don ne vous coûtera que : 5,1 €/mois
URGENCE PROCHE ORIENT

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

France 

10 ans après les attentats, quel héritage législatif ?

Un soldat français, membre de l'opération « Sentinelle », patrouille devant la tour Eiffel le 1er novembre 2017 à Paris / © Christian Hartmann via AFP

En 2015, la France était touchée par des attentats meurtriers qui ont à jamais marqué les esprits. Au fil du temps, ces attaques ont laissé d’autres traces sur nos libertés et droits fondamentaux, via l’adoption de nombreuses lois sécuritaires. Dix ans après les attentats de Charlie Hebdo, de l’Hypercacher et du Bataclan, on fait le point sur l’arsenal législatif déployé et son héritage.

13 novembre 2015. L’indicible dans les rues de Paris : 130 morts et plus de 300 blessés. Des crimes qui ne visaient pas que des personnes mais qui ciblaient directement nos sociétés, nos libertés, notre mode de vie. Le lendemain des attentats, le gouvernement français déclare officiellement « l’état d’urgence ».

L’une des premières missions du gouvernement est de protéger la population et de permettre le bon exercice de ses droits fondamentaux. Or, on ne protège pas les libertés en les supprimant. L’état d’urgence décrété sera renouvelé cinq fois et au fil du temps, une dizaine de mesures et de lois sécuritaires portant atteinte aux droits humains vont être adoptées. C’est à partir de là que des mesures censées être exceptionnelles, deviennent la norme. 

10 ans de textes sécuritaires

Un État d’urgence permanent

Sous l’état d’urgence, les autorités se sont vues conférer un large éventail de pouvoirs : des perquisitions peuvent être menées par la police de jour comme de nuit, sans préavis, des arrêtés d’assignation à résidence sont émis, sans autorisation d’un juge préalable. 

Dans un rapport publié en 2016, intitulé « Des vies bouleversées » nous avons documenté l’impact disproportionné de l’état d’urgence en France sur les droits humains. Perquisitions sans annonces des motifs précis dans les domiciles, dans des mosquées, dans des restaurants. Des centaines de personnes ont vu leurs droits à la vie privée, à la liberté de mouvement, d’expression, d’association bafoués au nom de la sécurité.

Un exemple révélateur de la disproportion des mesures d’urgence et de leur application bien trop généralisées : elles ont été appliquées sur des personnes qui n’étaient même pas soupçonnées d’activités menaçant la sécurité de l’État. Parmi elles, des défenseurs de l’environnement lors de COP21, soupçonnées d’avoir commis dans le passé des actes violents pendant des manifestations.

« Ils ont cassé les portes, ils sont rentrés dans la mosquée avec leurs chaussures et ont jeté le Coran par terre. On a eu entre 3 000 et 4 000 euros de dégâts. Nous considérons cette perquisition comme une profanation. » témoigne un membre de l’association de la mosquée La Fraternité à Aubervilliers, perquisitionnée le 16 novembre 2015.

L’ « exception » inscrite dans le droit commun  

En septembre 2017, le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, plus connue sous l’abréviation Silt, a pour objet affiché de se substituer, à terme, à la législation d’exception que représente l’état d’urgence. Avec la loi SILT, promulguée en octobre 2017, toutes les nouvelles mesures de lutte contre le terrorisme peuvent être utilisées pour restreindre les droits et les libertés individuels sur la base de motifs vagues, tels que l’ « apologie du terrorisme » ou une définition floue de la « menace pour la sécurité nationale ». 

L’imprécision de ces motifs combinée aux pouvoirs extrêmement discrétionnaires accordés aux autorités soulève de graves préoccupations quant à l’application de ces mesures. 

Malgré les alertes répétées des organisations de la société civile, les mesures de la loi SILT ont instauré dans le droit commun un régime dérogatoire exceptionnel aux conséquences très lourdes pour les droits humains des personnes visées. 

Lire aussi : Les victimes de l’État d’urgence en France

Une surenchère technologique

En juillet 2015, une loi sur le renseignement autorise des techniques de surveillance de masse pour des motifs vagues, sans contrôle judiciaire préalable, ni recours pour les personnes visées. 

Cinq ans après les attentats de 2015 et la loi sur le renseignement, une nouvelle proposition de loi « pour une sécurité globale préservant les libertés » est discutée, portant à nouveau atteinte à nos libertés fondamentales et notamment au droit de manifester. Le Conseil constitutionnel censurera sept articles dont celui permettant la surveillance généralisée par drones.

Depuis dix ans, s'inscrivant dans une logique sécuritaire technosolutionniste, les autorités françaises n’ont eu de cesse de renforcer leurs pouvoirs de surveillance.

Katia Roux, chargée de plaidoyer technologies et droits humains à Amnesty International France

La surenchère technologique et les atteintes aux libertés fondamentales qui en découlent ne s’arrêtent pas là. Ces deux dernières années ont vu l’adoption de mesures toujours plus intrusives, toujours plus liberticides. La dernière en date : la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 qui a autorisé l’usage de la vidéosurveillance algorithmique jusqu’en mars 2025, malgré les risques pour nos droits fondamentaux. 

Aller plus loin : En quoi la vidéosurveillance algorithmique pose problème ? 

Lire aussi : Comment le gouvernement a voulu prolonger la vidéosurveillance algorithmique

La lutte légitime contre le terrorisme est devenue synonyme de restriction des libertés, sans évaluation de l’efficacité des dispositifs mis en place et sans retour en arrière. Dix ans après la mise en place de l’état d’urgence et de mesures de surveillance très intrusives, il est essentiel de s'interroger sur leurs impacts sur nos droits fondamentaux, sur ce qu'il reste de nos libertés et sur comment les défendre.

Colloque : « État d’urgence : 10 ans après »

Le vendredi 6 et samedi 7 juin, nous organisons deux jours de colloque et ateliers.

Vendredi 6 juin 2025 Colloque - « Bilan critique de la loi Renseignement de 2015 et d’une décennie de répression administrative

📍Lieu : Auditorium de la maison des avocats, 11 Rue André Suares, 75017 Paris (à côté du Tribunal judiciaire)

Samedi 7 juin 2025 – Après-midi et soirée grand public : « Quelles résistances face à la répression et la surveillance ? »

📍Lieu : Les Amarres, tiers lieu, 24 Quai d’Austerlitz, 75013 Paris.

Programme complet ici

Dossier de presse ici

Inscription requise via ce formulaire